Quand la recherche scientifique va mal, tout va mal. C'est pour s'élever contre cette triste réalité qui martyrise l'université algérienne que les étudiants post-gradués de l'université de Béjaïa sont montés au créneau, hier, en organisant un sit-in au campus Targa Ouzemmour. Répondant à un appel à rassemblement lancé il y a quelques jours sur les réseaux sociaux par le Collectif des étudiants en post-graduation de l'université de Béjaïa, des dizaines de ces derniers, issus des systèmes classique et LMD, se sont massés vers 10h devant le siège du rectorat arborant des pancartes appelant à de meilleures conditions socio-pédagogiques et de recherche. «Recherche scientifique = misère sociale», «Bac+9 = chômage», «Le travail est un droit constitutionnel», «Un chercheur à 12 000 DA, où est sa dignité ?», «L'université en danger», sont quelques slogans des protestataires. Ces derniers ont demandé une audience au recteur pour lui soumettre leur plateforme de revendications. Dans son document, le collectif écrit : «L'ensemble des étudiants en post-graduation, conscients de la force de l'engagement collectif et de la nécessité d'associer le plus grand nombre, nous estimons qu'il est temps d'en finir avec cette situation alarmante qui perdure affectant le bon fonctionnement de notre université». Le premier point soulevé par les protestataires est celui relatif au recrutement de l'étudiant-chercheur et l'insignifiance du montant de la bourse (12 000 DA) accordée à cette catégorie d'étudiants. A ce titre, il est exigé «le recrutement sans condition de tous les titulaires de diplôme de magistère et doctorat au grade de maître assistant, classe B, ou bien comme attaché de recherche». D'aucuns parmi les post-gradués sont convaincus que la concrétisation de cette revendication est positive pour l'université à plus d'un titre. D'abord, disent-ils, elle permettra à l'étudiant-chercheur titulaire d'un des diplômes précités de travailler dans son milieu «naturel» sans avoir à aller chercher un poste de travail ailleurs, au risque de perdre de vue le terrain de la recherche. Puis, cela lui assurera un meilleur revenu au lieu des 12 000 DA qu'il perçoit actuellement, et par contrecoup un meilleur rendement. Mais le plus important dans cette revendication, indique-t-on, c'est le redressement du niveau universitaire, victime d'une léthargie destructrice. Car, il faut le dire, on compte, selon l'estimation du collectif des post-gradués, 50% de vacataires parmi le personnel enseignant à l'université de Béjaïa et c'est en gros le même constat partout en Algérie. Ce manque de professionnalisation et la précarisation de l'enseignant-chercheur a ouvert les portes au «bricolage» et, de ce fait, il n'y a rien d'étonnant à ce que les universités algériennes bouclent les listes des différents classements internationaux et mondiaux. «Nous sommes-là, prêts au recrutement, mais l'administration nous préfère des enseignants vacataires, parce que moins coûteux. Pourtant, il s'agit d'un secteur pivot qui mérite tous les soins et les plus importants budgets», regrette Kaddour Rabia, doctorant et titulaire d'un magistère en physique. A ce titre aussi, le collectif demande la programmation de plusieurs sessions de recrutement dans l'exercice budgétaire. Il est également mis en avant l'amélioration des conditions de recherche. Le collectif exige «l'ouverture de nouveaux centres de recherche modernes dans chaque université ; la prise en charge complète des problèmes des étudiants en post-graduation (magistère et doctorat) pour leur permettre de réaliser leurs projets dans les délais impartis au lieu de les menacer d'exclusion ; l'accès des doctorants dès leur première année d'inscription en post-graduation aux stages pour éviter le cas répétitif constaté dans le changement de sujet de doctorat à défaut de non faisabilité ; détacher, en cas de besoin, les thésards de leurs laboratoires de rattachement en leur ouvrant l'accès à d'autres laboratoires nationaux et internationaux pour mener à terme leur sujets ; l'ouverture d'un compte en devises et en dinars propre à l'université pour un financement a priori des frais des stages et des conférences, et enfin accorder un congé de maternité pour les femmes inscrites en post-graduation afin de leur éviter la perte d'années d'études». Se voulant d'envergure nationale, le collectif des étudiants en post-graduation prévoit pour demain, 16 avril, un sit-in devant le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.