Des équipements installés dans les hôpitaux algériens ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur. Des couveuses pour bébés prématurés, des moniteurs de surveillance et autres appareils d'analyses médicales sont étiquetés «made in EU» alors qu'en réalité ils sont d'origine asiatique, notamment de Chine. Ce grave constat découle d'une grande affaire d'arnaque. Il a fallu plusieurs mois aux enquêteurs de la Gendarmerie nationale relevant du groupement de Annaba pour démêler cet inextricable dossier dont les tentacules s'étendent à travers le pays. Selon des sources judiciaires, ce trafic pèserait plus de 34 milliards de dinars. Domiciliées à Constantine, les mis en cause sont deux entreprises privées spécialisées dans la vente d'équipements médicaux. Bien qu'agréés par le ministère de la Santé, les deux opérateurs économiques n'ont aucun background dans le domaine. Présentés hier devant le procureur de la République près le tribunal de Annaba, les deux propriétaires ont été placés sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire national. Citées dans cette scabreuse affaire, trois autres personnes exerçant au niveau de ces deux entreprises ont été également placés sous contrôle judiciaire. Agissant sur informations faisant état d'un trafic d'équipements médicaux, les limiers de la brigade de recherches du groupement de la Gendarmerie nationale de Annaba ont entamé leur enquête à partir du CHU local. Ils ont épluché les volumineux inventaires et dossiers d'achat d'équipements dont les fournisseurs sont les deux entreprises privées. La vérification physique des équipements a confirmé les informations impliquant les fournisseurs dans une arnaque sans appel. Ainsi, la vérification de l'étiquetage a permis de constater un trafic ayant amené les enquêteurs à la perquisition des locaux des deux entreprises à Constantine. A l'intérieur, ils ont découvert un atelier, équipé de matériel informatique, dont une imprimante destinée à la production d'étiquettes «made in EU» et «made in Japan», ainsi qu'un scanner professionnel pour l'établissement des certificats de conformité. Des échantillons d'étiquetage et de matériel ont été envoyés à l'Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC), qui a confirmé le trafic. Une preuve scientifique qui a poussé les investigateurs à élargir leur champ d'action, saisissant officiellement toutes les directions de la santé (DSP) et CHU du pays ayant été approvisionnés en équipements médicaux par ces deux entreprises. Une avalanche de confirmations s'en est suivie, venant de la wilaya d'El Tarf jusqu'à celles d'El Bayadh, Constantine, Tébessa et M'sila. Usant d'une autorisation d'extension de compétence, les détectives ont «visité» toutes les wilayas concernées où ils ont constaté le même modus operandi. Comment ces deux entreprises agissaient de la sorte sans qu'on s'aperçoive de l'arnaque ? Selon les mêmes sources, «ces indélicats opérateurs fournissent, à titre d'exemple, un scanner d'origine à un hôpital pour avoir un certificat de bonne exécution. Le reste des équipements d'accompagnement, dont ceux d'analyses et d'usage quotidien, sont soumis au trafic d'étiquetage». Pour estimer l'impact de ce trafic sur la santé publique, nous avons pris attache avec un laborantin du CHU de Annaba. Pour lui, ce trafic relève d'un crime contre les patients algériens : «Savez-vous que des appareils d'analyses non conformes génèrent de faux résultats ? Cela induit un faux traitement qui peut aller jusqu'à la mort…»