L'épisode malheureux de France Soir, qui paraît quand il peut, et la fragilité financière de Libération sont des exemples vivants de cette déliquescence continue. Pour remettre les journaux sur les rails de la croissance, un rapport de l'institut indépendant Montaigne propose un « plan Marshall » pour la presse française, à condition que celle-ci engage des réformes structurelles (licenciements ndlr). Le plan prévoit « de tripler pendant trois ans le montant des aides octroyées par l'Etat aux journaux avant de les supprimer définitivement ». Estimant que « la crise de la presse française n'est pas une fatalité », l'institut, créé en 2000 par Claude Bébéar, spécialiste en communication, a évalué à 1,3 milliard d'euros l'enveloppe financière nécessaire pour aider les journaux à renouer avec les gains financiers. Cette somme devrait être allouée pour couvrir plusieurs tâches : l'accompagnement de la réforme de l'outil industriel, la décentralisation des moyens d'impression ainsi que la révision des coûts d'impression. Le rapport suggère également de mettre fin au « monopole de l'embauche détenu par la CGT dans les imprimeries », de faciliter la mise en place des plans sociaux et la révision des statuts des ouvriers. Il plaide aussi pour la construction d'imprimeries en province afin de limiter les coûts de transport et favorise le recours aux imprimeries étrangères, notamment celles des pays de l'Est, réputées pour leur main-d'œuvre pas chère. L'institut Montaigne milite pour la suppression du monopole de vente détenu exclusivement par les kiosques. Mais c'est compter sans la résistance de ces petits commerces qui semblent manifester déjà un refus catégorique à cette mesure. Avant que ce rapport puisse avoir l'adhésion de l'ensemble des professionnels de la presse écrite, de nombreux journaux continuent inexorablement d'enregistrer des pertes. C'est le cas notamment de Libération dont le chiffre d'affaires publicitaires du premier semestre de 2006 est en recul de 25% par rapport aux prévisions initiales. La perte d'exploitation pour la même période est estimée à 6 millions d'euros, alors qu'elle était prévue dans le budget à 3,5 millions d'euros. Autant dire un abysse financier qui oblige le journal à examiner toutes les solutions capables d'apporter de nouveaux revenus et de mettre fin à son hémorragie financière. Le cas de France Soir ne diffère pas trop du premier. Malgré l'investissement de 1,5 million d'euros dans une opération de communication et de marketing, rien n'indique que le quotidien va reprendre sa place dans le paysage médiatique parisien.