Le «voyage mémoriel» du secrétaire d'Etat aux anciens combattants et de la mémoire, Jean-Marc Todeschini, s'est transformé en une simple virée touristique et protocolaire. Médiatisée et controversée des deux côtés de la Méditerranée, la visite, hier, du membre du gouvernement français à Sétif en a déçu plus d'un. Notamment les parents et proches des massacrés du mardi noir qui ont «brillé» par leur absence. «Les derniers survivants de la tragédie n'ont pas été invités à prendre part à cette rencontre. On ne peut passer sous silence un tel «oubli». Une telle démarche ne plaide pas en faveur d'une mémoire apaisée et de l'ouverture d'une nouvelle page», ont dit, non sans colère, des Sétifiens n'ayant pas été autorisés à approcher le représentant du gouvernement français. «En déposant une gerbe de fleurs devant la stèle de Saâl Bouzid, le ministre français n'a fait qu'emboîter le pas à l'ambassadeur Hubert Colin de Verdière, dix ans après. Il n'a en outre pas jugé utile de prononcer à l'occasion, un discours devant clarifier la position du gouvernement français renvoyant aux calendes grecques les excuses et la reconnaissance des crimes commis en son nom», fulminent nos interlocuteurs, tenus à l'écart d'une visite qui n'a pas dépassé 90 minutes. Il convient de préciser que le président de la fondation du 8 Mai 1945 et le secrétaire de l'organisation des moudjahidine de Sétif étaient bizarrement aux abonnés absents. Ces «forfaits» en ont intrigué plus d'un. Contactés pour connaître le secret de ces énigmatiques absences, nos interlocuteurs esquivent diplomatiquement la question. «On n'a pas été invités», disent-ils. Ce point est quelque peu masqué par les innombrables banderoles placardées dans la cité. Réitérant divers slogans fustigeant les actes de la France coloniale, ces écrits n'ont échappé à personne, surtout pas aux nombreux journalistes qui ont fait Paris-Sétif. Notons, par ailleurs, qu'après le dépôt de la gerbe de fleurs, M. Todeschini a été convié à boire de l'eau à Aïn Fouara. Avant d'entamer la visite touristique, l'émissaire du gouvernement français et son homologue algérien ont été surpris par l'intrusion de journalistes tenant à arracher des déclarations à chaud. «Il ne faut pas se limiter aux propos de nos ambassadeurs, le président de la République, François Hollande, en a parlé. Je suis là pour joindre le geste à la parole», a déclaré le politique français. Puis il n'a pas voulu répondre aux questions embarrassantes des journalistes algériens, malmenés par des vigiles. Ces derniers ont tout fait pour empêcher les représentants de la presse algérienne de connaître la position de M. Todeschini à propos des archives algériennes détenues par la France, des effets dévastateurs des essais nucléaires au Sahara et des massacres commis en 132 ans de colonisation de l'Algérie. Ne faisant pas mieux, le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, actionne la langue de bois : «Nous allons installer une commission mixte qui se penchera sur tous les dossiers.» Avant d'atteindre le mur byzantin, troisième étape de cette petite virée, M. Todeschini entre au parc d'attraction par la porte de l'ex-caserne où ont été torturés et liquidés des centaines de citoyens de Bouandas, El Eulma, Bordj Bou Arréridj, Guenzet, Beni Aziz, Kherrata, Aïn Abassa, El Ouricia, Beni Fouda, Aïn El Kebira, Bougaâ, Babors, Aïn Azel, Aïn Oulmène, Aïn Roua et bien d'autres localités. Ce fait a été volontairement occulté par les hôtes de Jean-Marc Todeschini qui n'aura pas marqué son déplacement à Sétif en n'oubliant pas ce qui s'est passé mardi 8 mai 1945…