Les procès des grands scandales de corruption, ouverts pour être tous vite reportés, se suivent et se ressemblent au regard de l'imbroglio judiciaire qui caractérise les débats. Ces dossiers, qui ont défrayé la chronique judiciaire, peinent à entrer dans le vif du sujet et à dépasser le stade des effets d'annonce et de la surmédiatisation qui ne sont pas forcément synonymes de volonté politique de faire éclater la vérité. Instruction interminable, âpre bataille judiciaire entre la défense et le tribunal, détention provisoire jugée longue et abusive par les avocats, les programmations des procès Sonatrach, autoroute Est-Ouest et Khalifa ont battu tous les records en matière de durée d'enrôlement des affaires judiciaires. Et ce n'est pas seulement à cause de la complexité des dossiers qui nécessitaient un travail d'investigation laborieux en Algérie et à l'étranger par l'envoi de commissions rogatoires. Toutes ces batailles procédurières – qui animent les salles d'audience lors de l'ouverture des procès débouchent, fatalement, sur un climat tendu qui ne sert pas la sérénité des débats – auraient pu être évitées si les dossiers avaient été bien ficelés en amont, au niveau de l'instruction. Que de temps perdu avec toutes ces batailles homériques devenues récurrentes et inévitables, suscitant un sentiment de suspicion légitime des avocats qui ne comprennent pas que des témoins réclamés à cor et à cri ne soient pas convoqués et qu'il faille ferrailler dur pour obtenir ce droit régalien à l'ouverture du procès. Depuis le procès Khalifa de Blida où la magistrate ayant jugé cette affaire avait mis son poids et sa probité professionnelle pour obtenir l'audition en tant que témoins des ministres ainsi que du secrétaire général de l'UGTA, M. Sidi Saïd, le tribunal n'a pas eu cette audace de franchir le Rubicon en dépit de l'insistance des avocats et des enquêtes ouvertes à l'étranger impliquant des personnalités en vue du système, tel l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil. Toutes les requêtes des avocats ont essuyé un refus systématique. Et c'est ce qui est arrivé également lors de l'ouverture du procès de l'affaire autoroute Est-Ouest. L'un des avocats d'un des principaux accusés, Chani Medjdoub, est allé plus loin dans cette bataille de l'exercice du droit de la défense et à la défense en réclamant l'audition par le tribunal des officiers du DRS qui ont conduit l'enquête de police judiciaire et le procureur de Bir Mourad Raïs qui a instruit le dossier. Même si rien, dans le code de procédure pénale, n'interdit au tribunal d'entendre toute personne qu'il juge nécessaire dans le cadre d'un procès, le tribunal d'Alger-Centre, après délibération, a décidé de rejeter cette demande. Si elle avait été acceptée, cela aurait constitué une première dans les annales de la justice algérienne. Dans les Etats de droit, personne – quelle que soit sa fonction ou son rang social : haut responsable de sécurité, juge, procureur, parlementaire, ministre, voire même président de la République – ne peut, pour quelque motif que ce soit, au nom de la raison d'Etat ou d'une sélection naturelle des témoins, se soustraire à la justice. Nul n'est au-dessus de la loi. L'indépendance de la justice est à ce prix.