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Il était une foi, un gardien de but...
Abrouk Mohamed. 69 ans, ancien keeper du CRB et de l'équipe nationale
Publié dans El Watan le 23 - 04 - 2015

«La compétition sportive, c'est une parabole qui illustre parfaitement la grande course de la vie.» (Lucrece, poète latin)
J'ai toujours eu une admiration pour les gardiens de but, non seulement pour leur talent. Leur posture angoissée et leur solitude face au tireur de penalty a toujours suscité chez moi une fascination, une certaine passion (compassion ?). Dernier rempart, qu'on l'appelle, alors qu'il est en fait le premier, mais qui ne jouit pas de la même aura que ses équipiers. C'est peut-être ce statut de joueur à part, dévalué par rapport aux autres, qui lui confère un surcroît de sympathie. L'histoire du foot algérien foisonne de noms de grands gardiens qui n'ont pas eu, hélas, l'équivalent de leur mérite. On peut citer, en vrac, Boubekeur, El Okbi, Nassou, Krimo, Zerga, Ouchen, Allili et j'en passe.
Un enfant de belcourt
Abrouk aussi s'est taillé une place de choix dans ce gotha. Trop vite décrit comme un type sobre et discret, Abrouk est d'abord un homme sensible, féru de chaâbi, non dépourvu d'humour qui a bataillé dur pour compter parmi les meilleurs goals du pays. Sûr de son indéniable talent, il croit surtout aux vertus du travail. «Vous ne pouvez savoir ce que j'ai dû endurer pour atteindre les sommets», confie-t-il en énumérant les innombrables écueils. Quant à la pression, elle ne le dérange pas outre mesure : «Je m'y suis fait, mais celle-ci est largement atténuée par la solidarité de groupe et au CRB c'était notre force», confie-t-il.
Combien de fois Abrouk a-t-il démontré sa classe exceptionnelle et son aptitude à répondre présent dans des moments décisifs, contribuant à redonner de la sérénité à son équipe. N'étant pas peu fier de mériter son destin en ayant eu la chance de réaliser son rêve de gosse. Devenir un grand gardien de but, de l'étoffe des meilleurs ! «Je suis né le 8 mars 1946 à Belcourt dans une maison de la famille Turki, impasse Cervantes. C'était un quartier animé, convivial, où tout le monde se connaissait et s'entraidait. Il y avait les Azib, les Merakchi, les Dekkari, les Zaire etc… Beaucoup de sportifs parmi eux. Certains affectionnaient le cyclisme et la boxe, et d'autres le foot.»
Mohamed a fait l'école Causemille en contrebas et a poursuivi son cycle à Diar El Mahçoul où sa famille a déménagé au milieu des années cinquante. Son père Salah, petit commerçant qui vendait des fruits et légumes dans une petite échoppe, ne voyait pas d'inconvénient à ce que son fils s'adonne à la pratique sportive.
«A l'époque, on jouait dans les quartiers avec des ballons de fortune, souvent en chiffon ou avec des pelotes. On jouait au champ Dominique, sur lequel on a érigé depuis une bâtisse devenue un établissement scolaire appelé Guesprates. A Diar El Mahçoul, c'est à la placette qu'eurent lieu des parties interminables dont l'enjeu n'était autre que quelques bouteilles de gazouz. J'étais attaquant, mais quand nos aînés se produisaient ils me sollicitaient pour leur tenir les ''bois''. J'étais jeune, mais j'avais des qualités.
A l'indépendance, la plupart de mes amis joueurs sont partis au CRB qui venait d'être créé avec la fusion du Widad et du CAB ; je citerai Bacha Hamid, Gorman Allal, Idir Abdelaziz, Benbarek, Meziane…moi, je suis resté dans mon coin, jusqu'au jour où mes camarades m'ont persuadé de les rejoindre, d'autant que le Chabab avait besoin d'un gardien en cadets. Je me souviens que le dirigeant qui m'avait accueilli, Ali Chaâr, était plein d'égards à mon endroit. Je sentais qu'il avait décelé en moi le gardien de but qu'il cherchait.» Une petite rétrospective nous révèle l'influence qu'ont eu sur Abrouk les monstres sacrés de l'époque. «J'avais la technique.
Pourquoi ? Parce que je me suis largement inspiré des Boucher, Dhiel, Fabiano, Marco que j'allais voir tous les dimanches à travers les matches épiques que livraient l'ASSE, le Gallia, le RUA ou le Red Star. J'ai même eu l'occasion d'apprécier Dahmane Boubekeur au championnat de France amateur dont la TV retransmettait quelques séquences. Dahmane, que Dieu ait son âme, son image est toujours ancrée dans ma mémoire, de même que celle d'Ibrir Abderrahmane que j'ai eu comme entraîneur.
En 1963, au CRB, j'ai commencé à jouer en cadets et parfois en juniors à la place de Gueraïni. Lorsque j'étais junior première année, Ahmed Arab qui rentrait de Limoges venait de prendre les destinées du CRB. Comme il était ancien gardien de but, il a tout de suite détecté chez moi des ''dons'' pour ce poste ingrat. Il m'a intégré dans les entraînements avec les seniors, et cela m'a beaucoup aidé vu ma réserve et ma grande timidité.
Arab m'a fait jouer 18 matches en équipe première alors que j'étais encore junior. Lors du premier championnat d'Algérie, au lendemain de l'indépendance, nous avons eu droit dans le cadre de la coopération à un technicien yougoslave, Sostarich, qui n'était autre que le gardien de but de son pays.
C'est avec lui que j'ai davantage affiné mes dons et ma technique, avec 8 ballons à moi seul, alors que d'ordinaire les autres travaillent avec seulement 2 ballons !» En 1967, Mohamed est convoqué en équipe nationale. «Mon premier match, c'était contre la Libye dans le cadre des éliminatoires de la coupe d'Afrique.» Résultat 2 à 1 aux Anassers. Au retour, le nul (1-1) a permis aux Verts d'accéder au prochain tour.
La razzia du chabab
Mohamed se souvient fort bien du match CRB-MCO (1-1) livré à Oran. «J'avais fait un grand match, arrêtant même un penalty. Mais à la fin, j'étais agressé. Le lendemain, j'étais convoqué en équipe nationale par Leduc. Je me suis présenté au lieu du stage avec un œil au beurre noir. Cela ne m'a pas empêché de jouer et de tirer ma partie», annonce-t-il avec un beau sourire Abrouk a-t-il souffert de la concurrence ardue mais loyale de Nassou ? «Nassou reste un très bon gardien.
Il jouait au Gallia, mais moi je l'ai vu quand il évoluait à l'O Marengo contre l'OHD à Hussein Dey. Même s'il y avait une petite jalousie, on ne la sentait pas. L'ambiance de l'équipe était saine et joyeuse. Lui a un style, moi j'ai le mien, on a l'impression que je suis ''lourdot'', que je n'arrivais pas à bouger. Ça, c'est le regard d'une prisme déformé».
Mohamed nous fait partager des moments qu'il n'a jamais racontés : des postures drolatiques, tendres, parfois cruelles, mais qui font tout le sel d'une carrière sportive accomplie où il faisait partie beaucoup plus de la classe des artistes que celle des artisans. «On jouait à Bel Abbès et Zouba était entraîneur de l'USMBA.
Après l'échauffement, on est partis chez l'arbitre pour les présentations d'usage. Juste après, Zouba a demandé à ses joueurs de rentrer dans les vestiaires et leur a dit à peu près ceci : ''Frappez des 30 m, je suis sûr que vous ferez mouche, car Abrouk est lourd et arrive difficilement à bouger. Au fil des matches, Zouba a été démenti. Il se tenait la tête entre les mains comme si le ciel lui tombait dessus. Il avait compris sa méprise. Cet épisode, il me l'a raconté 20 ans plus tard.
En me disant qu'il s'était trompé sur mon compte et qu'il avait confondu lourdeur et nonchalance…» Abrouk racontera avec délectation le pourquoi de la suprématie belcourtoise au lendemain de l'indépendance. «Les dirigeants avaient été très intelligents. Ils se sont accaparés des meilleurs joueurs, Zitoun Ahmed, Medehbi, Amar, Lalmas, Chenen, Achour, Selmi, Djemaa, Hamiti, Khalem, des joueurs expérimentés qui avaient fait largement leurs preuves dans leurs clubs respectifs… Avec cette harmonie et cet équilibre et un coach rigoureux comme Arab, les résultats ne pouvaient être que positifs.» Abrouk regrette l'élimination en phase de coupe du monde en 1970 face au Maroc, malgré le grand match qu'il a livré.
Une foi inebranlable
Sa consolation ? Son plébiscite en tant que meilleur athlète algérien en 1969 et finaliste de la coupe du monde militaire au cours de la même année en Grèce. Abrouk se rappelle que cette année-là (1969) a été la plus exténuante pour lui, «tiraillé» entre le CRB, l'équipe nationale et la sélection militaire. «60 matchs en une saison, avouez que c'est plus que de raison pour des joueurs qui n'étaient pas professionnels à l'époque». Des épisodes cocasses, il en a à raconter, comme cette finale de coupe d'Algérie en 1969 contre l'USM Alger, où le match-poursuite s'est terminé en faveur du CRB, vainqueur 5 à 3. «Le plus cocasse, note-t-il, c'est que le lendemain on devait embarquer pour la Grèce pour jouer la coupe du monde militaire.
Contre le pays organisateur, on a joué la finale face à une équipe renforcée de joueurs professionnels, on était 0 à 0. A 7e de la fin de la partie, l'arbitre leur a accordé un penalty. Je l'ai arrêté. La partie s'est terminée par un nul. L'arbitre nous a frustrés. La Grèce a eu la médaille d'or et nous on nous a refilé la médaille d'argent !» Le Chabab actuel lui donne-t-il des satisfactions ? Abrouk se désole des résultats obtenus forcément en inadéquation avec les moyens engagés.
Pourquoi, comment en est-on arrivé là ? C'est dur à dire, mais il explique cela par une gestion peu rationnelle des ressources financières. «Quand il y a valse des joueurs et des entraîneurs, la stabilité f… le camp ! J'aurais souhaité qu'on mette en place un cahier des charges et que ce dernier soit respecté. Où est le décret 90/11 relatif à la loi du travail ? Pourquoi le joueur exige 3 mois de salaire avant signature ? A notre époque, le CRB a eu 3 titres (coupe, championnat et première coupe du Maghreb) avec seulement 13 joueurs.
Actuellement, il y a 25 joueurs, tous rémunérés. Sur cet effectif, une dizaine ne joue pratiquement jamais ! Les jeunes catégories sont honteusement délaissées !» L'équipe nationale ? «C'est un bon groupe qu'il faut laisser travailler dans la sérénité.» Passionné jusqu'au bout des ongles, Abrouk, et pour assurer la continuité, s'est astreint à indiquer la bonne direction à ses enfants. Adlene a été gardien espoir du CRB avant de devenir entraîneur, Yazid joue comme gardien de but dans le club français de Roubaix, alors que Yacine a été champion d'Alger de full contact. Ses petits-fils, Fares est gardien de but à l'école de l'USMA, et Mehdi est attaquant dans les jeunes catégories du RCK.
L'épouse de Mohamed, malade et à laquelle on souhaite une rapide guérison, n'est pas étrangère aussi dans le choix sportif de ses enfants. Dernière question à Abrouk. quel est le secret pour arrêter les penalties ? «C'est un don, une technique et non pas un secret. Je m'informe sur le tireur, s'il est gaucher ou droitier. Mais je me concentre beaucoup plus sur le ballon que sur le joueur…» Comme on le constate, l'histoire de Abrouk est passionnante parce que dépassionnée. Comme l'homme bien dans sa peau et qui visiblement vieillit bien.


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