Avec la nouvelle hécatombe du 19 avril dernier, le 2e trimestre 2015 s'annonce des plus macabres : en moins de 4 mois, 1622 migrants sont déjà morts en essayant de rejoindre l'Union européenne. «Il s'agit de la plus grande catastrophe de l'histoire récente de la Méditerranée impliquant un bateau de réfugiés», déplore l'Organisation internationale Watch the Med dans une déclaration adressée à notre rédaction par Helmut Dietrich, représentant du service presse. Cette ONG, qui a lancé le projet Alarm Phone en octobre 2014, géré par un réseau transnational d'activistes et de groupes de migrants située de part et d'autre de la Méditerranée, dénonce avec fermeté la responsabilité de l'UE dans la mort de ces 800 hommes, femmes et enfants : «Avec sa décision du 27 août 2014 de réduire les opérations de secours en mer, l'UE est responsable de ces morts en masse». Pourtant, s'indigne l'ONG, l'UE ne manque ni de moyens, ni de possibilités de secourir les réfugiés naufragés en mer méditerranée. Et, «au lieu de cela, elle laisse les personnes se noyer». Ces dernières semaines, grâce à Alarm Phone — téléphone joignable jour et nuit les 7 jours de la semaine — dont la finalité est de porter conseil et donner l'alerte quand un bateau de migrants se trouve en difficulté, Watch the Med affirme être devenue «le témoin direct de la lutte pour la survie, de la mort sur ces embarcations, de l'angoisse des proches. Egalement témoin des efforts considérables dont ont fait preuve les garde-côtes d'Italie et de Malte, ainsi que les équipages des navires commerciaux, mais qui ont souvent été dans l'impossibilité d'empêcher les morts faute d'équipements suffisants pour mener les opérations de secours.» Outre les politiciens, poursuit l'ONG, sont non moins responsables les forces policières et militaires qui ont établi Frontex au cours des dix dernières années, transformant la mer Méditerranée, entre la Libye et l'Italie, depuis l'avènement du «printemps arabe», en une «Zone de Haute Sécurité». Le drame interminable qui se joue à ciel ouvert doit impérativement prendre fin : pas moins de 31 500 migrants morts en Méditerranée du 1er janvier à 1993 au 20 avril 2015, comptabilise Watch The Med Alarm Phone. D'où «la création immédiate d'une ligne directe de ferries destinés aux réfugiés à partir de Tripoli et d'autres pays d'Afrique du Nord vers l'Europe, soit des voies sûres et légales pour les réfugiés, leur permettant de rejoindre les lieux de refuge sans être obligés de risquer leur vie», qu'exige l'ONG. Et de conclure par un appel pressant à «une action directe et immédiate contre les décisions et doctrines politiques meurtrières de l'UE». En fait d'actions immédiates annoncées lors du sommet extraordinaire du jeudi 23 avril, cette UE a pris des décisions qui viennent «conforter, renforcer et durcir encore sa politique migratoire pour des considérations purement géostratégiques, avec le pillage autorisé des ressources des pays de ces migrants afin de renforcer sa propre économie en désastre», conclut Mme Haddad, lorsque nous l'avons interrogée, saluant dans la foulée la mobilisation imminente par l'Organisation Médecins sans frontières (MSF) d'un bateau d'une capacité de 400 personnes destiné à patrouiller sur les côtes entre la Libye et l'Italie.