Les scandales de corruption et de prédation alimentent abondamment la chronique nationale accablant de hauts dirigeants. Grand déballage au tribunal d'Alger où se déroule le procès d'un des grands scandales de la corruption, l'autoroute Est-Ouest. Sur les bancs de l'Assemblée nationale, les députes du Parti des travailleurs accusent, documents à l'appui, des ministres de favoritisme et de malversation. A longueur de colonnes, la presse rapporte et de manière incessante des révélations de corruption, de gabegie et de prédation qui rythment la vie des institutions et des entreprises publiques. De Milan, les juges ne cessent de lever le voile sur d'accablantes affaires de commissions et de rétrocommissions dans la contraction de marchés de l'énergie et de l'armement avec l'Algérie. Toutes ces affaires et celles qui ne sont pas encore révélées mettent en cause des ministres en poste ou en retraite, des hauts responsables politiques et militaires et des cadres occupants des postes stratégiques dans la haute administration. Les pots-de-vin s'ajustent au coût et surcoût des marchés publics nationaux et internationaux. Le boom pétrolier des années 2000 a permis l'émergence d'une oligarchie prédatrice nourrie par la rente faisant main basse sur le pays et ses richesses. Il s'est développé une corruption à l'échelle industrielle qui illustre de manière éhontée le délitement de l'Etat. L'ampleur de la prédation est inversement à la mesure de l'effacement de l'Etat de droit. Le coût politique et économique infligé au pays est considérable. Des ministres sur lesquels pèsent des soupçons de délit de trafic d'influence sont maintenus en poste, alors que d'autres dont la culpabilité est avérée sont promus à des postes encore plus importants dans la hiérarchie institutionnelle. Une prime à la corruption. Avoir les mains trempées dans le pot de miel Trésor public est devenue la règle sinon la condition pour pouvoir postuler à un poste de responsabilité. C'est la mécanique par laquelle tout un encadrement politique, administratif servile s'est mis en place. Les honnêtes cadres rasent les murs. Au lendemain du remaniement ministériel post quatrième mandat, le Premier ministre échangeant avec un leader politique d'opposition sur les nouveaux ministres, il aurait lâché à propos des walis promus : «Un sur les quatre ministres, il y en a un qui est propre !» Sidérant. Est-il nécessaire de rappeler, à la veille du 1er mai, Journée internationale des travailleurs, la fameuse phrase lâchée par le patron de l'UGTA devant la juge lors du procès Khalifa en 2007 : «J'ai produit un faux et j'en assume la responsabilité.» Rassuré par la juge, Sidi Saïd règne aisément sur «la Maison du peuple». Impunité L'impunité assurée aux chefs prédateurs a fini d'achever définitivement la confiance entre une société désenchantée et des dirigeants politiques et économiques disqualifiés. Pour l'opinion publique, la corruption est loin d'être un phénomène marginal ou le fait de quelques cadres ripoux. Mais bien plus ancrée dans les mœurs et les pratiques d'institutions hors de portée de tout contrôle ni de la justice soumise ni d'un Parlement-maison. Elle est consubstantielle à la nature du système du pouvoir fondé sur l'autoritarisme, la cooptation, le népotisme et qui surtout s'exonère du devoir de la reddition des comptes. In fine, la corruption est l'un des composants essentiels de l'ADN du système du pouvoir. La multiplication d'instruments et d'organes de lutte contre la corruption est un leurre. Une procédé insidieux pour donner l'impression de combattre la prédation qui cache une mise en scène destinée au final à disséminer et dissimuler les grandes opérations de détournement du déni public. L'état dans lequel se trouve la Cour des comptes, censée veiller scrupuleusement à la bonne conduite des affaires du pays, en est une des illustrations. Les rares médias, qui osent tremper leurs plumes dans la plaie de cette gangrène, subissent les foudres rageuses du pouvoir. «L'Etat privatisé par le clan d'Oujda s'est subordonné la société et par son cadrage autoritaire des Algériens, a empêché l'émergence d'une élite politique», constate avec colère le syndicaliste, Adel Abderrezak. Pour les organisations de lutte contre la corruption, les lanceurs d'alerte, les dénonciateurs et les partis de l'opposition, l'équipe au pouvoir, de part la nature et le fonctionnement du système politique, ne peut prétendre à combattre le fléau de la corruption, car elle en est le produit. Pour les animateurs de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CLTD), la solution passe nécessairement par le changement politique et la fin du régime politique en place. «La lutte contre la corruption commence par le départ de ce système», peste le président du RCD, Mohcine Belabbas. En tout état de cause, l'éclatement des affaires de corruption (BRC, Sonatrach, Khalifa, autoroute Est-Ouest et bien d'autres) résume le sinistre bilan des équipes dirigeantes. A la faveur des procès en cours et à venir, c'est le pouvoir en place qui est jugé et condamné, même s'il s'emploie à s'extirper. En somme, quelle que soit l'issue, le régime a réussi la «prouesse» de faire du pays une République de la corruption.