Au moment où le monde entier célèbre aujourd'hui la Journée internationale contre la corruption, les tenants du pouvoir en Algérie font la sourde oreille à ce qui est qualifié de volonté populaire de se débarrasser de ce fléau dommageable pour la cohésion nationale. Il y a comme une volonté de mettre sous le coude toutes les affaires de corruption qui ont défrayé la chronique ces dernières années et impliquent essentiellement les proches du président de la République. Les dossiers Sonatrach II, de l'autoroute Est-Ouest, le deuxième volet (swift) de l'affaire Khalifa dorment encore dans les tiroirs de la justice. Et les arguments liés au temps nécessaire que doit prendre l'instruction s'avèrent peu convaincants lorsqu'on sait qu'en Italie, l'affaire avance à pas sûrs. Derniers développements en date : les révélations de Pietro Varone, ancien directeur de la division ingénierie et construction de Saipem, filiale d'ENI, accusé dans l'affaire des pots-de-vin dans des contrats en Algérie et mettant en cause le patron d'ENI, Paolo Scaroni. Selon un article de Maghreb Emergent, Pietro Varone a révélé que M. Scaroni savait tout sur les commissions et les rétrocommissions. Les juges italiens sont donc en train de démêler l'écheveau de la très complexe et grave corruption qui a touché Sonatrach. Chez nous, l'affaire patine et la justice algérienne peine à donner de la voix et traiter le dossier en dehors des interférences politiques qu'il implique. Personne ne connaît aujourd'hui le niveau atteint par son instruction. Ce qui est sûr c'est que personne ne veut communiquer sur le sujet, ni les magistrats en charge de l'affaire, encore moins le ministre de l'Energie qui a hérité d'une véritable bombe dans son secteur. Il y a comme une omerta qui frappe tous les scandales de corruption en Algérie. Mais qu'attendre d'une justice qui, semble-t-il, s'est trompée, sciemment ou par incompétence, même dans la procédure de lancement du mandat d'arrêt international contre l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, poursuivi pour «corruption, trafic d'influence, abus de fonction, blanchiment d'argent et direction d'une association de malfaiteurs et d'une organisation criminelle transnationale». A ce niveau de responsabilité, il est difficile de croire que l'erreur est anodine. Ce grave délit d'incompétence peut bien s'avérer être aussi un moyen de gagner du temps. Car le retentissement médiatique et les vagues que provoquerait un éventuel jugement de Chakib Khelil, dans un contexte politique très sensible, à quelques mois de l'élection présidentielle, chamboulera sûrement les desseins des tenants du pouvoir qui veulent encore s'y maintenir. Ce serait certainement le procès des 15 ans de règne du président Bouteflika. Et, bien évidemment, une telle mauvaise publicité pour le quatrième mandat n'est pas la bienvenue en ce moment. Peut-être qu'elle ne viendra jamais. Ceux qui ont trempé dans la corruption à grande échelle et porté à la collectivité nationale non seulement un préjudice financier mais aussi moral, peuvent toujours courir tant que la justice ne sait pas encore délivrer un mandat d'arrêt international. Les autres affaires – Khalifa programmée puis déprogrammée une énième fois, celle de l'autoroute Est-Ouest réduite à une affaire de délinquance mineure, expurgée de toutes les responsabilités à haut niveau qu'il implique – découlent de cette même logique d'étouffer tous les scandales pour ne pas gêner une campagne visant à mettre en avant un bilan positif des 15 années de pouvoir de Abdelaziz Bouteflika. Il ne faut donc pas s'attendre à ce que la justice rouvre ses dossiers avant longtemps.