Photo : Riad Par Hasna Yacoub A en croire la dernière étude de Transparency International (TI), publiée au début du mois, l'Algérie a encore une fois perdu des points en matière de lutte contre la corruption. Le pays se classe à la 112e place sur 182 pays. Avec ce classement de 2011, l'Algérie perd 7 places par rapport à l'indice de 2010. Est-ce une nouvelle preuve que le phénomène prend encore de l'ampleur en Algérie ? Que cette étude soit exacte ou non, l'existence de la corruption est un secret de polichinelle pour le commun des Algériens. Ce dernier vit au rythme des scandales révélés au grand jour –quotidiennement sommes-nous tentés de dire – par la presse nationale. Le simple citoyen s'interroge certes sur les raisons de l'échec des actions menées par les autorités afin de réduire l'étendue de ce phénomène. Il a, cependant, plus d'incompréhensions devant le traitement de ces affaires par la justice. Il ne comprend pas pour quelle raison certains scandales, où sont impliquées de grosses pointures, n'arrivent jamais devant le juge. Ces affaires prennent des chemins procéduriers complexes dans les couloirs impénétrables de la justice, jusqu'à en oublier leur existence. Ainsi donc, malgré l'intensification et la récurrence du débat sur les droits, la justice et son respect, l'impunité reste l'obstacle principal au traitement des violations de ces principes cardinaux en Algérie. Et depuis longtemps. Faut-il rappeler les nombreuses commissions d'enquêtes mises en place depuis 1962 pour enquêter sur des scandales financiers et dont les rapports n'ont jamais quitté les tiroirs de ceux qui les ont élaborés ? Faut-il aussi rappeler que dans le scandale de l'empire Khalifa, la condamnation d'une centaine de personnes n'a pas permis de lever le voile sur les vrais coupables de l'arnaque du siècle. Le déroulement du procès en 2007 devant le tribunal criminel près la Cour de Blida, a laissé un goût d'inachevé chez tous ceux qui y ont assisté. Faut-il encore rappeler les «j'assume», «c'est un complot» ou encore «je suis victime d'un lynchage médiatique commandé». Des déclarations faites par des responsables en poste alors que des opérations frauduleuses ont été menées à El Khalifa Bank. Ces responsables n'ont jamais été inquiétés. Les raisons ? Personne ne peut s'aventurer à en donner. Le procureur de la République s'était engagé à poursuivre tous ceux dont la culpabilité sera révélée au cours du procès El Khalifa mais les procédures sont…… toujours en cours. Le citoyen est donc en droit de se poser des questions lorsqu'un procureur de la République annonce publiquement que la procédure est entamée contre les personnes bénéficiant du privilège de juridiction et qui impliquées dans l'affaire Khalifa, mais, des années après, ne voient toujours pas les enquêtes bouclées. Il suffit, pour s'en convaincre, de citer le témoignage de Iouaz Nadjia, la secrétaire et assistante personnelle de Abdelmoumène Khalifa. Il est vrai que ce témoin était gêné de dire certaines choses, de faire des révélations, les mots (plutôt les noms) sont restés suspendus à ses lèvres mais certains ont fini par être lâchés. Nadjia avait affirmé que des personnalités défilaient dans le bureau de Abdelmoumène Khalifa. Reconnaissant qu'elle était responsable de la gestion des cartes de voyage et des billets gratuits, elle avait fini, sur insistance de la partie civile, par citer un nom. Celui d'un ministre en poste. Mais il faut aussi citer la réaction de la magistrate qui avait écourter l'audition du témoin pour dire à l'avocat de la partie civile : «Vous avez la liste et les noms maître». Qu'est devenue cette liste ? A-t-elle était mise au fond d'un tiroir et oubliée? Mieux encore, dans le procès Khalifa, un seul volet a été traité par la justice. Les autres, à savoir les volets liés à Khalifa Airways, Khalifa TV et aux Swifts, attendent toujours que l'enquête se termine ! Les exemples des affaires anesthésiées au sein de l'appareil judiciaire sont légion. On peut en citer d'autres : celle de Bouricha, l'ex-wali de Blida, qui a éclaté en 2005 et qui n'a toujours pas été jugée. Il y a aussi lieu de citer ces cas de justiciables qui sont au- dessus de la loi comme cet ex-inspecteur général de Khalifa Airways qui après avoir été condamné à deux ans de prison ferme a bénéficié de la liberté provisoire pour quitter la prison et, quelques mois après, le pays. Comment a-t-il pu quitter le territoire national alors qu'il était sous le coup d'une liberté provisoire ? Une lourde interrogation comme celle qu'a suscité le scandaleux procès de l'ancien président de l'Association nationale des zaouïas, conseiller du président de la République. Enrôlé à la dernière minute, ce procès a eu lieu très tard dans la nuit et s'est terminé par la condamnation du mis en cause à quatre ans de prison, dont trois avec sursis. Le plus scandaleux pour la défense est le prononcé du verdict. En effet, le juge a déclaré le verdict contradictoire, alors que l'ex-conseiller du Président n'était pas présent aux débats. Donnons un dernier exemple : celui de M. Aboudjerra Soltani. En 2006, l'ex-ministre d'Etat avait affirmé qu'il détenait des noms liés à la corruption en Algérie. Le parquet, dans le sillage du discours du président, a décidé de «s'autosaisir» de l'affaire. Aboudjerra Soltani devait être entendu par la justice. Théoriquement, on devait se retrouver avec deux possibilités. La première est que les dossiers impliquant des personnalités et des hauts responsables dans des affaires de corruption en Algérie existent vraiment, et ils serviront à l'ouverture d'informations judiciaires. Si les dossiers n'existent pas, le président du MSP se retrouvera, du point de vue du droit, dans la posture d'avoir émis des dénonciations calomnieuses. Qu'en est-il ? Officiellement, aucun suivi n'a été donné à cette affaire. Quel exemple veut-on donc donner au citoyen algérien ? Celui d'un Etat où l'impunité règne ? Ce dernier énumère les scandales : Khalifa, BCIA BEA, OREF, la générale des concessions agricoles, Sonatrach, autoroute Est-Ouest… et se demande toujours si ceux qui sont à l'origine des scandales sont au-dessus des lois. Aujourd'hui, l'Algérien sait que son pays ne fait pas exception à la règle qui veut que le politique a besoin d'argent, même sale, pour son prestige autant que l'homme d'affaires a besoin d'appuis politiques pour préserver ses intérêts et faire fructifier ses affaires. Il sait que l'Algérie est encore loin de pouvoir effacer d'un revers de la main – avec toute la bonne volonté que peuvent avoir ses gérants – toutes les formes de clientélisme, de passe-droits ou de corruption. Et reste convaincu que seuls les lampistes paient pour les «gros bonnets». Comment faire pour gagner de nouveau la confiance du citoyen ? Ce n'est sûrement pas avec des discours ni avec des textes. Ce qui manque à l'Algérie, c'est le passage à l'acte. Ce sera pour quand ? 2012 ? Le citoyen peut l'espérer même si tout porte à croire que le fléau de la corruption semble avoir encore de beaux jours devant lui. Une seule vérité donc en 2011 : la corruption est là, les Algériens le savent. Alors, ils risquent de suivre l'exemple ou de se révolter.