Porté essentiellement par les opérateurs de téléphonie mobile, les concessionnaires automobiles et les groupes agroalimentaires, électroniques et électroménagers, le marché de la publicité en Algérie tarde à prospérer comparativement à ce qui se fait chez nos voisins. Et pourtant, ce ne sont pas les ingrédients qui manquent pour le développement de la communication publicitaire. Entre l'éclosion de la presse écrite, la restructuration de la télévision, l'ouverture de son espace aux chaînes privées et le besoin des entreprises de se faire connaître, les assises sont bien là. Cependant, les outils de régulation font défaut dans un paysage médiatique où la publicité reste l'unique source de financement, particulièrement pour la presse écrite. En l'absence d'autres ressources, il faut reconnaître que la publicité est le seul moyen permettant aux entreprises de presse d'engranger des bénéfices ou d'assurer un équilibre budgétaire. Un objectif difficile à atteindre dans le contexte actuel pour de multiples raisons. D'abord, parce que la presse écrite bénéficie de manière inéquitable de la publicité, notamment celle émanant de l'Agence nationale d'édition et de publicité (ANEP). Avec son monopole sur la publicité institutionnelle, l'ANEP distribue la publicité au gré des intérêts des uns et des autres. Ce qui suscité moult critiques. L'ANEP, une pratique «monopolistique » «Certains secteurs résistent encore à l'ouverture. Le plus emblématique est celui de la publicité institutionnelle qui reste régie par une pratique monopolistique qui est devenue aujourd'hui non seulement obsolète, mais contraire à la loi», écrivait à ce sujet l'avocat Mohamed Brahimi dans l'une de ses contributions à El Watan en novembre dernier parlant dans le même sillage d'un «cas flagrant de monopole et de concurrence déloyale puisque l'agence détient l'exclusivité absolue de la distribution des annonces publicitaires des annonceurs publics». Ce qui fausse, selon l'avocat, la «libre concurrence». Un point que soulève un éditeur interrogé à ce cet effet. «Certains journaux à petit tirage arrivent à fonctionner le plus normalement du monde, alors que leurs revenus des ventes sont très faibles. La seule chose qui leur permet de poursuivre leur activité est leur connivence avec l'ANEP ; je dirais même avec les décideurs en place. L'agence est au service de certains journaux en contrepartie de leurs positions vis-à-vis de la stratégie des pouvoirs publics», regrettera le directeur de ce journal nouvellement arrivé sur la scène médiatique nationale. La crise a réduit les budgets des annonceurs En plus de ce problème de monopole de l'ANEP, ces trois dernières années la contraction des activités industrielles en Algérie et la faible affluence des Investissements directs étrangers (IDE), notamment en ces temps de crise, ont fait que les investissements publicitaires sont également en baisse. Quand il y a la crise, les budgets de marketing se réduisent dans les entreprises. Les sociétés de communication et les supports médiatiques sont les premiers à être impactés par ces économies d'échelles, même si certains annonceurs préfèrent ne pas parler de crise, mais de changement de stratégie de communication. Il faut souligner dans ce cadre que les radios locales sont de plus en plus ciblées. Globalement, si le marché publicitaire en Algérie a évolué d'une manière importante depuis 2000, que ce soit dans la presse écrite, audio ou TV, les choses ont commencé à changer. «Au début des années 2000 et jusqu'à 2005, il suffisait de lancer une revue ou un journal pour que la pub tombe du ciel. C'était trop facile. Les annonceurs ne faisaient que ça... Ils répondaient par «oui» à tous les supports. Les budgets étaient là sans limites. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, nous dira une responsable d'une boîte de communication. La crise a eu un impact non négligeable sur le secteur. Les budgets dédiés aux campagnes de publicité ont été dans de nombreux cas réduits à la baisse pour toute la presse, mais surtout parce que les chaînes privées de télévision ont cassé les prix», explique-t-elle. Quand les chaînes privées pratiquent le dumping «A la limite, ces chaînes bradent leurs espaces au détriment des autres supports», nous dira encore notre interlocutrice. Ce que nous confirmera Karim Kerdache d'El Djazaria TV, dont la principale attente de la nouvelle loi sur la publicité est qu'elle mette fin au dumping pratiqué par certaines chaînes. Un annonceur du secteur de l'agroalimentaire abonde dans le même sens : «Les tarifs sont beaucoup plus bas chez les chaînes privées, parfois c'est la moitié de ce qu'on nous propose à l'ENTV», relèvera-t-il soulignant que le nombre de supports est devenu très important actuellement. Un point que fera également remarquer la représentante de la société de communication. «Depuis 2012, le marché a été inondé par les supports et les agences media sont devenues de plus en plus nombreuses avec des portefeuilles-clients importants», notera-t-elle. Combien sont-elles, justement, les agences à activer dans ce segment ? Près de 3000, selon les statistiques fournies par RH Communication. Ce chiffre peut d'emblée paraître important, mais les activités sont loin d'être encadrées. Ce qui fait que le marché est cerné par une petite partie de ces boîtes. Elles son très peu nombreuses par rapport au chiffre global les entreprises de communication à se partager le marché de la publicité nationale, 40 sur 3000, soit 1,33%. Certaines d'entre elles sont déjà des jointes-ventures avec des sociétés de communication étrangères, alors que d'autres «gravitent autour de groupes d'intérêts, notamment des départements ministériels», comme nous le dira un analyste du secteur, qui résumera la situation ainsi : «En Algérie, les boîtes de communication sont, à l'instar des autres secteurs, des boîtes de rente suite au privilège d'être nommé pour le bon fauteuil». Des boîtes qui se partagent un marché de 200 à 300 millions de dollars pour la partie médias (sur un total de 500 millions de dollars). Et ce, avec une évolution progressive entre 2010 et 2013. Suite à une baisse enregistrée en 2010 avec 108,2 millions d'euros contre 118,4 millions d'euros en 2009, le pic des investissements publicitaires a été enregistré en 2013 des montants qui ont atteint 160,7 millions d'euros, selon une étude de l'agence Media & Survey sur les investissements publicitaires en Algérie (2009-2013) dans la presse, la télévision, la radio et les affiches. Mais là aussi, les chiffres divergent dans certains cas. Difficile donc de quantifier un marché en l'absence de base de données. Un problème commun à d'autres secteurs.