Le manque de pertinence des questions du juge et les réponses directes de Abdelmoumen Khalifa ont surpris l'assistance nombreuse lors de l'audience au tribunal criminel près la cour de Blida. La première audition du principal accusé en a étonné plus d'un, même s'il a nié en bloc, mettant tout sur ses anciens chefs d'agence. Très détendu, à l'aise dans ses propos, driblant souvent les questions du juge en niant en bloc toutes les accusations d'«association de malfaiteurs», «vol qualifié», «escroquerie», «faux et usage de faux en écriture bancaire», «trafic d'influence», «corruption» et «banqueroute frauduleuse» et pour lesquelles il comparaît devant le tribunal criminel de Blida, avec 74 autres accusés, parmi lesquels 20 se trouvent avec lui au box, Abdelmoumen Khalifa a surpris l'assistance par sa grande distance par rapport à l'affaire. Manque de pertinence dans les questions du juge a permis à Abdelmoumen de sortir, de cette première journée d'interrogatoire, haut la main. A peine 9h, dépassée de 5 minutes, le président l'appelle à la barre. Mais avant, le juge demande aux journalistes de ne pas gêner la sérénité du procès en prenant des photos dans la salle d'audience. Abdelmoumèen Khalifa, pharmacien de profession, est né le 10 octobre 1966. Il dit avoir hérité de son père une pharmacie, qu'il a gérée entre 1989 et 1990, avant que le juge ne lui cite les chefs d'accusation pour lesquels il comparaît. «Vous êtes accusé d'avoir créé une bande de malfaiteurs pour commettre de nombreux faits, faux actes d'hypothèque d'une villa et d'un commerce, pour bénéficier d'un crédit de l'agence BDL de Staouéli, au profit de vos deux sociétés de médicaments KRG production et KRG commercialisation, pour avoir trompé les clients en leur promettant des intérêts attractifs en contrepartie du dépôt de leur argent, falsifié des écritures bancaires, pour avoir transféré illégalement à l'étranger plus de 20 millions d'euros», lance le juge sous le regard attentif de l'accusé. Sa réponse : «C'est faux. Les actes d'hypothèque de la villa de Hydra et du local commercial de Chéraga ne me concernent pas.» Le juge : «L'enquête montre qu'ils ont servi pour l'octroi d'un crédit à vos deux sociétés de médicaments…» Abdelmoumen nie catégoriquement expliquant : «Ces deux hypothèques concernent une société de matériaux de construction et de ferraille. Je n'ai jamais vu ces actes. Ils sont apparus en 2004 bien après mon départ.» Le juge revient sur la villa hypothéquée : «N'est-ce pas la villa familiale ?» L'accusé : «La description contenue dans le document ne ressemble pas à notre villa. Je ne sais pas comment cette société de vente de ferraille en gros a fait pour prendre l'argent au nom de KRG production» ; le juge : «Donc vous niez avoir obtenu un crédit avec une fausse hypothèque ?» L'accusé : «Il n'y a même pas de demande de crédit, comment la banque peut-elle accorder un crédit sans dossier ?» Le magistrat marque un temps d'arrêt puis lui demande s'il avait un compte à la BDL de Staouéli. Abdelmoumen Khalifa affirme en avoir ouvert un au début des années 1990, puis en 1997. Il persiste à nier l'accusation, et le juge revient à la charge, mais en vain. Abdelmoumen Khalifa ne cesse de dire : «Ce n'est pas moi.» «Les cadres de la BDL avaient le libre choix de nous rejoindre» Il explique qu'au niveau de la BDL de Staouéli, il bénéficiait de facilités de caisse seulement. «Un crédit suppose la constitution d'un dossier et d'une demande. Mais dans ce cas, il n'y a que ces deux actes, ce n'est pas normal. Je ne sais même pas d'où ils les ont ramenés. Je n'ai jamais présenté d'hypothèque», lance t-il. Le magistrat lui rappelle les propos du notaire Rahal (âgé de 92 ans et dans le box des accusés), et ceux de l'ancien cadre de la BDL (devenu directeur d'agence à Khalifa Bank), l'accusé Issir Idir, mais aussi ceux de l'accusé Djamel Guellimi, disant que Moumen avait présenté les deux actes pour obtenir les crédits. «Dans les procès-verbaux d'audition, Djamel Guellimi avait dit que je n'ai rien signé, et Issid Idir avant le contraire. Les deux se contredisent.» Le juge commence à lire le contenu des deux actes en question, «ces documents disent qu'ils ont été signés en présence du frère de Moumen, Abdelaziz, de sa sœur qui était au Maroc, et sa mère, qui dit n'avoir jamais été mise au courant, de vous et de Issir Idir en tant que représentant de la BDL pour servir à l'octroi d'un premier crédit de 60 millions de dinars». L'accusé martèle encore une fois : «Ce crédit a été donné à une société de ferraille pas à moi. Ce que vous lisez est faux.» Le juge : «Votre frère aussi a dit qu'il n'était pas présent lorsque les actes ont été signés tout comme votre sœur qui était au Maroc.» Abdelmoumen ne fléchit pas. «Ce document ne me concerne pas. Il concerne une autre personne qui a une société de matériaux de construction.» Le juge : «D'accord. Est-ce que cette hypothèque est fausse ou non ?» L'accusé : «J'en ai entendu parler en 2004.» Le juge relit les déclarations de Issir Idir une seconde fois et Abdelmoumen répond : «Je connais Issir Idir depuis 1993, lorsque j'étais client à la BDL et lui y travaillait. J'ai eu des facilités de caisse auprès de cette banque mais pas de crédit.» Le magistrat insiste, en rappelant les propos du notaire et de Guellimi Djamel qui travaillait à ce moment-là chez le notaire, «Guellimi dit que c'est lui qui a préparé les documents, et vous êtes venu au cabinet, il vous a remis une copie, et que le bien appartenait aux héritiers qui n'étaient pas présents, mais que vous aviez dit qu'ils vous ont signé une procuration. Issir Idir dit que sur la base de ce document non enregistré, vous deviez l'enregistrer, mais vous ne l'avez pas fait, vous avez obtenu un premier crédit de 70 millions de dinars». L'accusé : «C'est une histoire fictive.» Le magistrat lui rappelle que Issir Idir a bien déclaré, qu'il l'avait accompagné chez le notaire, et Abdemoumen répond : «C'est la même histoire. Ce crédit n'était pas en ma faveur. Il a été accordé à une autre société, mais laquelle, je ne sais pas.» Il persiste à dire qu'au niveau de la BDL, il n'a bénéficié que de facilités de caisse. «La banque ne peut pas donner de crédit sans dossier et sans demande. Comment peuvent-ils avoir trouvé ce document en 2004 et non pas en 1999», ressasse-t-il. Le juge lui fait savoir que l'expertise technique a montré que ces deux actes étaient des faux. «Je n'ai rien signé. Ce n'est ni ma signature ni ma société. C'est une banque publique elle ne peut pas accorder un crédit comme ça.» Le juge lui fait savoir que cette affaire n'est pas venue comme cela. «C'est le résultat d'une enquête», dit-il. Il lui rappelle le montant de 95 millions de dinars, accordé dans le cadre de ces deux crédits, et Moumen continue à nier. Le président revient sur les deux sociétés de médicaments de l'accusé. Il demande des détails sur leur création et leur capital. Me Lezar, l'avocat de Moumen, réagit et le juge lui demande de ne pas l'interrompre, «même s'il s'agit d'un point d'ordre». L'accusé martèle encore une fois : «Ma société se trouve à Tipasa, et celle qui a pris les crédits à Alger. Ce n'est pas ma signature.» «Les EES sont une belle histoire techniquement impossible » Le juge : «Quelque chose ne va pas. J'ai ici des personnes qui disent le contraire. Issir Idir dit que c'est vous avez signé.» L'accusé : «Jamais, ce n'est pas moi !» Le juge : «Pensez-vous que Issir Idir ment ?» L'accusé : «Il a une autre histoire, c'est pour cela que nous sommes ici.» Le juge : «Si vous vous ne vous étiez pas enfui, vous auriez confronté les autres. Le problème est là.» Le magistrat revient aux sociétés de Moumen. Il affirme qu'elles se trouvent à Chéraga et c'est son ex-épouse, Amirouchène, qui était gérante et lui directeur technique. Le juge : «Vous aviez les moyens de produire les médicaments.» L'accusé : «Nous ne produisons pas de médicaments, nous ne faisons que reproduire du générique. C'est le cas de tous les laboratoires à ce jour. A l'époque nous étions parmi les premiers.» Le juge : «Aviez vous déjà travaillé dans le domaine ?» L'accusé : «J'étais actionnaire dans un laboratoire, LPM, avant de vendre mes parts et de créer, quelques années après, mes propres sociétés qui étaient très rentables, au point d'ouvrir une filiale en France ou nombre d'étudiants ont été envoyés pour faire des formations.» Le juge : «Khalifa Bank accordait des taux d'intérêt trop élevés par rapport au ratio de la Banque d'Algérie, elle accordait des crédits sans aucun dossier ni demande. Que dites-vous ?» L'accusé : «C'est faux. J'avais 100 milliards de dinars dans les caisses.» Le juge demande s'il a accordé des taux d'intérêt élevés aux sociétés publiques pour les pousser à placer leur argent à Khalifa Bank. Abdelmoumen répond : «Je n'ai pas pris l'argent. Ce sont des opérations économiques pour ramener des intérêts à la société. Quand on donne des bons de caisse, contre un taux d'intérêt de 4 et 5%. Moi je faisais travailler l'argent et elles gagnaient aussi de l'argent. Ce sont des opérations financières très courantes.» Le magistrat tente de savoir comment un pharmacien peut-il passer des médicaments à l'activité bancaire, puis aérienne. «A l'époque, il y avait une forte pression sur les banques publiques qui n'arrivaient pas à satisfaire la demande. Les opérations financières étaient trop lentes. La création de la banque à ce moment-là était bénéfique. J'ai fait de nombreuses formations de courte durée pour m'imprégner du domaine. L'idée m'est venue en 1995, le dossier a été déposé en 1996 et quelques mois après le projet naissait. J'ai remis le dossier à la direction des études de la Banque d'Algerie, qui avait comme gouverneur M. Keramane, puis au Conseil de la monnaie et du crédit.» Le magistrat l'interroge sur le lien de parenté qui le lie à Keramane. «Je ne le savais pas. C'est après qu'on m'a dit qu'une cousine était mariée à un de ses cousins. C'est un parent éloigné. Je ne l'ai jamais rencontré dans les fêtes familiales, par exemple», répond-il, précisant qu'il était président du conseil d'administration étant donné qu'il était actionnaire majoritaire avec 67% des parts et Ali Kaci était directeur général de Khalifa Bank. Les membres du conseil étaient son frère Abdelaziz, sa sœur Farida, sa mère, son épouse et l'épouse de son frère. Le juge évoque le statut de la banque et Moumen lance : «Oui, c'est moi qui l'ai signé.» Eclats de rire dans la salle. Le juge : «Je sais, n'ayez pas peur !» Revenant sur la question de la banque, Moumen continue à tout nier, y compris le fait qu'il n'a pas déposé le quart du capital chez le notaire pour établir les statuts de la banque et la créer. «Vous deviez remettre au notaire un reçu de dépôt de 85 millions de dinars sur le montant de 125 millions de dinars….» L'accusé rejette en bloc : «Pourquoi les services du Trésor n'ont découvert cela qu'en 2004 ? Et les impôts, où étaient-ils pendant ce temps ?» Le magistrat demande à l'accusé si les compétences de Ali Kaci étaient suffisantes pour gérer une banque et Moumen répond qu'il était «député, président de la commission finances. Il avait toutes les compétences. De plus, cela faisait à peine trois ans que la banque existait il fallait quelqu'un d'âgé». Revenant sur le fonctionnement de la banque, il précise qu'«à Chéraga, il y avait la direction générale mais aussi l'agence. Akli n'était pas à la caisse principale, mais à la caisse principale de Chéraga». Interrogé sur le «détournement des cadres» de la BDL, Khalifa estime que c'était la règle de l'offre et de la demande d'emploi sur le marché. «J'avais un ami, Nadir, à la BDL de Staouéli, il m'a ramené des cadres, puis il y en a eu d'autres…» Le juge : «Mais le premier était Nanouche, qui venait de la BNA.» L'accusé confirme. Sur Issir Idir, il raconte qu'«il travaillait à la BDL Staouéli et qu'il a eu un problème, Ali Kaci l'a reçu et l'a nommé à la tête de l'agence de l'hôtel Hilton». Le juge l'interroge sur ses capacités à lui de gérer une banque. Moumen affirme avoir un minimum de connaissances sur les opérations bancaires. Sur le départ de Ali Kaci quelques mois après sa désignation et le changement de statut de la banque sans que la commission bancaire ne l'y autorise, Abdelmoumen déclare que «Ali Kaci avait déposé sa démission au niveau de la Banque d'Algérie et celle-ci avait été informée puisque toutes les correspondances qu'elle envoyait à Khalifa Bank étaient adressées au PDG qu'il était». Le juge l'interroge sur les 10 rapports de l'inspection de la Banque d'Algérie faisant état de graves anomalies qui n'auraient jamais été corrigées. «J'ai fui pour éviter des émeutes du sang» Là aussi, Abdelmoumen nie catégoriquement, affirmant qu'il a toujours répondu aux remarques des inspecteurs. Il dénonce la décision de stopper le commerce extérieur prise par la Banque d'Algérie, alors que la mesure, dit-il, relève des prérogatives du ministère des Finances. «Nous avions eu des problèmes avec la Banque d'Algérie lorsqu'il y avait l'équipe de Ali Kaci. Celle-ci partie, nous avons réglé la situation», explique l'accusé, précisant : «Mais la Banque d'Algérie n'a rien voulu savoir, elle a quand même pris des mesures contre nous. Pourtant, Laksaci, lors du procès, avait bien déclaré que les remarques n'étaient pas passibles de mesures disciplinaires. Il avait parlé de notre bonne foi. C'est très grave.» Durant des heures, le juge lit et relit les rapports de la Banque d'Algérie concernant la gestion «catastrophique» de Khalifa Bank, et Abdelmoumen n'y voit que «des mesures arbitraires». Le juge lui demande comment une banque florissante peut-elle louer tous les locaux et l'accusé répond : «Pas toutes les agences. Nous avions celles qui étaient commercialement bien situées qui étaient louées, la moitié était propriété de la banque.» Sur l'idée de ramener les sociétés publiques, Abdelmoumen affirme que la politique de la banque était de renforcer les placements et les comptes courants et de jouer sur les taux d'intérêt pour capter les déposants qui placent leur argent et veulent le faire fructifier. Pour ce qui est des sociétés publiques, «le taux d'intérêt ne dépassait jamais 7 à 13%. Ce taux n'était pas fixe, il était libre et les inspections ne nous ont jamais dit le contraire». Le juge : «Et les risques prudentiels, qu'en faites-vous ?» L'accusé : «Cet argent est utilisé par la banque, mais en contrepartie les déposants bénéficient d'une facilitation de leurs opérations commerciales.» Le juge revient sur les fonds retirés des caisses sur son ordre. L'accusé dément catégoriquement, parlant «de belles histoires techniquement impossibles». Le magistrat relit les déclarations de nombreux directeurs d'agence accusés qui l'incriminent directement. Moumen répond : «Mes directeurs d'agence n'ont pas accès aux coffres. Ce sont les caissiers qui y ont accès. Si les directeurs retirent de l'argent, c'est avec la complicité des caissiers.» Le juge : «Et les 11 EES (écritures entre sièges) qui ont été falsifiées pour couvrir, sur votre ordre, un trou dans la caisse principale, qu'en dites-vous ?» L'accusé dément : «Le mélange argent et hommes est très difficile et dangereux en même temps.» Le juge : «Pourquoi, selon vous, tous ces responsables vous accusent ?» Abdelmoumen : «Posez-leur la question. Moi-même je ne sais pas !» Le juge : «Vous avez une banque, puis vous passez à une compagnie aérienne. Pourquoi ?» L'accusé : «Une banque, c'est comme une compagnie aérienne. L'une transporte l'argent et l'autre les personnes…» Abdelmoumen revient sur ses déboires en France ; il croit dur comme fer que ce sont les Français qui l'ont détruit parce qu'ils n'aiment pas les Algériens. Le juge lui demande : «Pourquoi avoir financé l'équipe de foot de Marseille et acheté la villa de Cannes ?» L'accusé répond : «Parce que Marseille, c'est l'Algérie ; il y a beaucoup d'émigrés.» Sur la création des 12 filiales, il explique qu'elles étaient des directions devenues des entités autonomes, plus rentables. La chaîne de télévision, ajoute-t-il, «a été créée pour redorer l'image de marque de l'Algérie, dont on ne parlait que de sang». Le juge : «La Banque d'Algérie dit que ces sociétés ont été financées à partir de la banque.» L'accusé dément catégoriquement, comme il dément avoir importé des stations de dessalement vétustes. Il affirme à ce sujet que c'était une «opération humanitaire» au profit des Algériens. Dans un premier temps, le programme d'importation concernait deux stations-pilotes de 3,5 millions dollars sur un total de 26 millions de dollars, qui devait être complété par la réception d'autres stations. Le juge lui fait savoir que l'expertise a démontré que les deux premières stations étaient vétustes et contenaient de l'amiante. L'accusé répond : «L'expert n'y connaît rien.» Le juge : «Et les autres stations ?» L'accusé : «Je crois qu elles ont été vendues après le problème de 2003, et le montant total transféré était de 36 et non de 54 millions de dollars comme affirmé.» Le juge lui fait savoir que les factures proforma ne sont jamais parvenues à la banque ; l'accusé encore une fois dément. Le juge l'interroge sur les 45 millions de dollars transférés sur des comptes privés après l'interdiction du commerce extérieur en swift, et lui nie en bloc. Sur la villa de Cannes, Abdelmoumen dit avoir «déjà donné des réponses aux Français » et promet que s'«il me reste une journée à vivre, j'irai poursuivre l'Etat français pour avoir confisqué mes biens». Il affirme que «cette villa était un investissement de Khalifa Airways. Elle valait 100 millions de dollars et je l'ai achetée 30 millions. Elle a été revendue à 17 millions. Les Français ne nous aiment pas». Le juge : «Pourquoi ?» «Parce que je menaçais leurs intérêts. Regardez aujourd'hui leurs banques sont partout en Algérie.» Abdelmoumen affirme avoir eu le sentiment, dès septembre 2002, que sa banque allait être fermée en raison des nombreux problèmes que l'ancien vice-président, Touati, lui causait. Il accuse son ancienne équipe, dirigée par Aloui, d'avoir pris part à ces problèmes «en créant des histoires». Sur les ordres qu'il aurait donnés pour transférer les fonds, il nie en bloc et incrimine ceux qui ont accepté de donner l'argent sans écrit. Pour lui, Akli Youcef, le caissier principal, a menti. Le juge lui demande pour quelle raison ses anciens dirigeants l'accuseraient et Abdelmoumen répond : «J'aimerais bien le savoir moi aussi !» Toutes les opérations dit-il, sont «comme des histoires, belles, mais techniquement illogiques», ne cesse-t-il de répéter. Pour ce qui est du trou dans la caisse principale, il le balaye d'une phrase : «Lorsque je suis parti, j'ai laissé les caisses pleines.» Le juge l'interroge sur la somme de 30 000 euros que Ajli lui aurait remis, il dit qu'elle a été débitée de son compte et non de la caisse, pour prendre en charge les frais de déplacement de la délégation de la FAF au Mali. Le juge l'interroge sur son départ à l'étranger et l'accusé explique : «J'avais deux choix. Soit rester et aller vers l'affrontement dans la rue avec comme conséquence des morts, ou partir et laisser la banque. J'ai opté pour l'exil. Je suis parti aux USA, et 48 heures après j'ai regagné la Grande-Bretagne. Il y a des choses bizarres qui se sont passées et dont je ne peux pas parler. Durant cette période de retrait d'agrément du commerce extérieur, la situation a profité à certains. Les commissaires aux comptes avaient abandonné le travail, laissant d'abord Djellab, l'administrateur, seul, puis le liquidateur que je respecte beaucoup.» Le juge commence à lire une lettre que Moumen a signée et adressée aux chefs d'agence pour leur ordonner de remettre de l'argent même sur appel téléphonique ou sans papier. Moumen dit ignorer le contenu de ce document. Tout comme il ignore comment ces écritures entre sièges ont été confectionnées. Il dit à ce sujet : «On a même déclaré que j'ai ordonné de couvrir deux comptes à Koléa de plus de 14 milliards, dont celui de Abdessalem Bouchouareb de 8,4 milliards de centimes. Mais ce n'est pas vrai, ça ne tient pas la route. Le groupe Alioui a réglé des comptes aux autres. Il a dû créer cette histoire de trou. Il faut le prouver.» Moumen dit, à propos de son ancienne secrétaire Aiouaz, qu'«elle n'a jamais été ma secrétaire et qu'elle s'est foutue de la tête de tout le monde sans qu'il y ait une vérification de ses propos». Celle-ci, faut-il le rappeler, l'avait confondu en témoignant avoir vu de nombreux cadres venir récupérer des sacs d'argent.