L'APC a décidé de fermer le Conservatoire de Tiaret. Officiellement, pour des travaux de rénovation. Mais le gérant affirme que la mairie s'en sert comme dépôt pour ses archives. L'établissement, qui existe depuis trente ans, est la seule institution culturelle de la ville. «La musique me passionne, le piano est mon seul loisir et le conservatoire est l'unique endroit où je peux en jouer.» Louisa, 15 ans, fréquente le conservatoire de Tiaret depuis sept ans. Mais, aujourd'hui, cette lycéenne doit renoncer à son loisir favori car l'unique conservatoire de la ville a été fermé le 14 mars dernier. «Cela s'est fait du jour au lendemain sur ordre du P/APC de Tiaret, mais on ne sait pas comment cette décision a été prise», affirme Mohamed Bouamama, responsable du conservatoire. L'établissement a ouvert il y a trente ans, lorsque la décision a été prise de transformer l'ancienne synagogue du centre-ville en conservatoire. Depuis 1985, Mohamed Bouamama assure, de façon bénévole, sa gérance avec «peu de moyens». «Ils ne nous ont même pas prévenus, poursuit-il. Le 14 mars, on n'a pas pu ouvrir la porte, car la serrure avait été changée. Les enfants sont restés dehors. On a été très surpris !» poursuit-il. Le maire a déclaré à une chaîne de télévision privée que cette fermeture a été décidée pour rénover la bâtisse et les équipements du conservatoire. «Curieusement, relève Mohamed Bouamama, l'endroit semble servir de dépôt pour les archives de la mairie. Il n'y a aucune excuse qui les pousse pourtant à mettre des enfants dans la rue», déplore-t-il. Le conservatoire de la ville, qui se situe à quelque cinquante mètres du siège de l'APC, a toujours été «oublié» par ses responsables, selon Mohamed qui ajoute : «Les autorités ne sont même pas au courant de ce qui se passe à l'intérieur de l'établissement. Je n'ai jamais reçu le P/APC, ni son adjoint malgré mes invitations à venir constater les conditions lamentables dans lesquelles nous travaillons.» Et, au moment où l'équipe du conservatoire s'attendait à une sérieuse implication des autorités locales, suite à une promesse du chef de daïra, elle se retrouve dehors. Vide Juridique La veille de la fermeture, cette ancienne synagogue accueillait une soixante d'élèves ; enfants et adultes, encadrés par sept professeurs bénévoles assurant des cours de piano, guitare, chorale, solfège… Seule institution active sur la scène culturelle à Tiaret, ses choristes et musiciens avaient l'habitude de représenter la ville depuis des années dans plusieurs manifestations culturelles. Comme Rachid, autrefois professeur au conservatoire, aujourd'hui professeur de musique dans un autre conservatoire à Paris. En l'absence d'un texte juridique qui gère et organise les activités du conservatoire – le conservatoire est une institution à caractère culturel dépendante des autorités locales –, un contrat avait été signé avec l'APC. Et même si techniquement aucun document officiel n'autorisait Mohamed à gérer cet endroit, ce dernier traitait officiellement avec la maison et la direction de la culture de la wilaya et recevait des subventions des autorités locales. Khalida Bouakkaz, la mère d'une élève, se désole : «Le conservatoire était la seule occupation pour les enfants de Tiaret. La ville ne compte pas d'autres moyens de divertissement, surtout culturels». Mokhtar, un autre parent d'élève, s'emporte : «Plusieurs musiciens de la région ont été formés entre les murs de cette bâtisse». Son fils Abd El Hafid, 12 ans, y suivait des cours de piano depuis presque quatre ans.