Cette problématique émane d'elle-même du débat organisé au siège de l'association Bel Horizon pour dresser en quelque sorte le bilan d'une série d'activités organisées la semaine dernière autour de l'espace urbain, mais en partenariat avec l'Institut français, principal pourvoyeur d'animateurs et de spectacles. La rencontre a été co-animée par Danielle Bellini, docteure en sociologie et directrice des affaires culturelles à Tremblay en France (Seine-Saint-Denis). Pris individuellement, chacun souhaite redonner vie à la ville d'Oran presque morte vu sa taille mais où, dans les faits, le don de soi au profit de la collectivité reste très rare. Comme exemple, deux compagnies françaises ont crée l'événement à Oran. D'un côté, «Les grandes personnes» fabriquent et animent des marionnettes géantes (jusqu'à 4 m) actionnées par un mécanisme astucieux situé à l'intérieur même des personnages qui interviennent dans l'espace public comme cette fois avec la famille Long en «touristes» saluant et photographiant tout sur leur passage. De l'autre, «Les Rhinofanfaryngite» est un ensemble principalement de cuivres formé par des musiciens de talent qui ont animé tout le parcours de la balade urbaine avec parfois des idées originales comme cette représentation du haut d'un balcon d'un appartement situé au n°8, boulevard de l'ALN (Front de mer). Les deux formations ont associé à leur spectacle des artistes locaux, clowns, musiciens et danseurs. Pour quelques dizaines de minutes de spectacle, cela paraît simple mais derrière il y a tout un travail de créativité, de recherche d'originalité, etc., quitte à adapter des formes déjà existantes. Le concept des «grandes personnes» est inspiré d'une relative ancienne tradition mexicaine. La «fanfare» de Valence est fondée sur le principe d'atelier avec, du moins au départ, l'implication d'une vingtaine d'instrumentistes. «Nous avons assisté à un événement qui revient chaque année à la même période, mais en dehors de cette date il n'y a plus rien qui se passe», fait remarquer un participant. «Il ne faut pas se voiler la face, ici ce n'est pas l'Europe et les spectacles improvisés dans l'espace public on ne connaît pas...», avoue l'animateur de la troupe de danse urbaine «Quatrième dimension», qui existe depuis une dizaine d'années mais dont les performances restent confinées dans des salles de répétition où, occasionnellement, de spectacle. «Il ne faudrait pas non plus se contenter d'attendre les invitations de la mairie ou les encouragements du public pour activer car pour faire accepter l'art dans l'espace public, il y a aussi une part d'engagement et de don de soi», réplique Pascal Le Brun-Cordier, directeur artistique des ZAT à Montpellier et directeur du Master projets culturels dans l'espace public à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, un des partenaires français. C'est aussi une invitée de l'Institut français qui a eu l'idée, en faisant participer l'association locale FARD (femmes revendiquant leur droit), d'initier une performance artistique à la place Port Saïd mettant à l'honneur la galette traditionnelle. 70 kg de semoule, deux jours de préparation et le tour est joué. On parle beaucoup de la promenade Ben Badis (ex-Letang), une petite forêt urbaine entretenue par l'APC d'Oran, mais désertée par la population à cause d'une légende entretenue sur l'insécurité qui y règnerait. En promenade solitaire, le risque n'est pas à écarter parce que justement elle n'est pas fréquentée mais la peur est évidemment exagérée. C'est Javier Galvan, architecte venue en Algérie dans le cadre d'une coopération algéro-espagnole portant sur la sauvegarde du patrimoine de sidi El Houari, puis directeur de l'Institut Cervantès qui a «milité» pour redonner vie à cet endroit en organisant des activités artistiques régulières (peinture, musique, lecture) et même intellectuelles en invitant des personnalités comme Wassila Tamzali qu'il a voulu associer à une écrivaine chilienne pour une intervention commune en dehors des espaces de confinement. Les associations locales qui ont pris la relève tentent cahin-caha de perpétuer une tradition mais, sans ancrage réel, les expériences sont vouées à l'échec. Les partenaires français l'ont bien compris : «Il faut s'armer de patience et associer tout le monde et même, pourquoi pas, ces jeunes qui consomment de l'alcool dans ces lieux et c'est possible d'arriver à une cohabitation sans heurts.» A noter que lors de la tenue du dernier salon du tourisme à Oran, ce sont les images de ces partenariats festifs que les associations participantes ont fait défiler en boucle pour montrer une image positive de la ville. Mais tout le monde sait que la réalité est ailleurs.