C'est une troupe de jeunes comédiens dynamiques et prometteurs qui s'est produite, jeudi dernier, pour trois jours de représentations, au Théâtre régional de Constantine (TRC). Il s'agit de la troupe «New Theatre» des Issers (Boumerdès). C'est la première fois que le texte du défunt Abderrahmane Madoui, l'un des pionniers de la bande dessinée algérienne, est porté sur les planches. Une adaptation radiophonique a été réalisée dans les années 1980, précisera le scénographe Abdelghani Chentouf lors d'une conférence de presse tenue pour la circonstance. La pièce retrace le parcours de Jugurtha, roi numide, petit-fils de Massinissa, fils de Mastanabal, frère de Micipsa. Elle expose son opposition à la puissance romaine, ses guerres pour maintenir le royaume numide uni et les conspirations au sein du clan du roi numide qui finissent par le livrer aux Romains par le biais de son beau-père Bocchus, roi de Maurétanie. Sur scène, Jugurtha est incarné par Ahmed Dehham, jeune comédien imposant par son physique et la portée de sa voix, pour un meilleur rapprochement du personnage historique. Douze comédiens se partagent la distribution de cette pièce d'une heure et demie. Le spectateur est d'emblée plongé dans ces années 111-115 avant J.-C, à l'aube de la guerre que livrera Jugurtha contre les Romains. Le décor et planté et le choix des couleurs est opportun. Le rouge pour les Romains, les tons vert et nature pour les Numides. La figure de Jugurtha rappelle la lutte d'un chef numide contre la pénétration romaine en Afrique à la fin du IIe siècle avant l'ère chrétienne. La trame de la pièce se situe dans ces années charnières, où face aux visées expansionnistes de Rome, les tenants du pouvoir dans le royaume numide se scindent en deux clans, les farouches opposants et adeptes de la «realpolitik». Le premier, drivé par Jugurtha dont les visées restent la préservation de la Numidie unie, le second, par ceux qui ne voyaient de survie qu'en pactisant avec les Romains. Le texte est d'une triple symbolique dont le parallèle avec l'époque de son écriture, les années cinquante, est fortement établi. Ainsi, un triumvirat s'en détache pour symboliser l'Algérie sous le joug colonial, les mouvements nationaux dont ceux favorables à l'intégration et la révolution armée. Une symbolique qui n'a pas échappé à l'œil du colonisateur français. Il interdira le texte et détruira les œuvres de Abderrahmane Madoui en 1957. Le père du fameux M'quidèche ne récupérera son texte qu'après l'indépendance du pays. Il sera interprété à la radio dans les années 1980. Sur une musique de Amine Bentamer et la réalisation de Abderrezak Kouadri, la pièce théâtrale Jugurtha a été appréciée par le public quelque peu dissipé et dont les motivations ne sont ni historiques ni culturelles, mais qui a vu en ces représentations théâtrales dans le cadre de Constantine, capitale de la culture arabe 2015, une occasion pour sortir et se divertir. La troupe «New Theatre» des Issers n'en est pas à son 1er essai. Son palmarès est assez impressionnant au regard de sa courte existence. Entre 2008 et 2015, elle aura à son actif 8 créations, dont L'ours, qui lui a valu le Grand prix du Festival international d'Arfoud au Maroc en 2009. L'association, selon le scénographe Abdelghani Chentouf, qui fait de la promotion de la culture théâtrale via la formation son crédo, a ouvert, en 2006, une école aux fins de maîtriser les techniques de mise en scène, de scénographie et d'écriture dramatique.