La présidence burundaise a affirmé, hier, le retour du président Pierre Nkurunziza en déplacement en Tanzanie depuis la tentative de coup d'Etat. Malgré les violents combats survenus hier et les incertitudes sur son retour, un calme fragile entoure la capitale Bujumbura. De violents combats ont éclaté, hier matin, autour du siège de la télévision nationale dans la capitale Bujumbura entre militaires loyalistes et putschistes. Au moins trois militaires ont été tués dans ces violences qui interviennent au lendemain d'une tentative de coup d'Etat contre le président burundais, Pierre Nkurunziza, en déplacement en Tanzanie. «La crise actuelle au Burundi était prévisible», affirme Cyril Shango, expert et chercheur dans un centre pour la prévention des conflits en Afrique basé à Dakar. «Le mouvement de milliers de manifestants sortis dans les rues de Bujumbura, la capitale, n'est que la cristallisation d'une société qui suffoquait dans un système pourri par une mauvaise gouvernance. Le président Pierre Nkurunziza a cru pouvoir berner son peuple, alors que ses voisins l'ont prévenu d'éviter de briguer un troisième mandat, prévu le 26 juin prochain. Il aurait pu éviter sa destitution à distance et ne pas violer par la même occasion les accords d'Arusha, signés en 2000 en Tanzanie sous l'égide de Nelson Mandela», explique Cyril Shango. Pierre Nkurunziza se trouvait toujours à Dar es Salam, en Tanzanie, où il était en déplacement officiel mercredi, au moment de l'annonce du coup d'Etat. Hier, les tirs à l'arme lourde ont cessé en milieu de matinée dans la capitale burundaise, Bujumbura, que les putschistes disent désormais contrôler quasi totalement, au lendemain de l'annonce de la destitution du président Pierre Nkurunziza. Tirs Selon des médias, quelques rafales étaient encore sporadiquement entendues, mais les tirs à l'arme lourde ont cessé autour de la Radio et la télévision nationales (RTNB), toujours aux mains des militaires et policiers loyaux à Pierre Nkurunziza. Le porte-parole des putschistes, Vénon Ndabaneze, a assuré que son camp contrôlait «pratiquement toute la ville». «Les soldats et policiers qui sont en train de se déployer sont fidèles à notre camp», a-t-il ajouté. La radio nationale burundaise, attaquée par les putschistes qui tentent d'en prendre le contrôle aux troupes loyales au président Pierre Nkurunziza, a cessé d'émettre hier après-midi. Le directeur de la station Freddy Nzeyimana a confirmé que l'émetteur avait été coupé. «Nous sommes attaqués, c'est vraiment très, très fort, l'émetteur vient d'être coupé, on n'émet plus», a-t-il dit, alors que l'attaque durait depuis plus d'une heure. Le bâtiment de la RTNB avait déjà fait l'objet d'intenses affrontements à l'arme lourde hier à l'aube, dans la foulée d'une intervention du chef de l'état-major de l'armée, Prime Niyongabo, qui avait annoncé l'échec du coup d'Etat lancé la veille par le général Godefroid Niyombare. Les déclarations du général Niyongabo avaient immédiatement été démenties par les putschistes, qui assurent contrôler la quasi-totalité de la ville. Les putschistes n'avaient pas réussi à prendre le bâtiment dans la matinée. Mais leur porte-parole Vénon Ndabaneze avait assuré qu'ils avaient arrêté leur offensive pour ne pas «verser le sang inutilement» et que des pourparlers étaient en cours pour rallier les loyalistes à leur cause. Général «Pour comprendre les clés de cette confusion, il faut remonter à la guerre civile qui avait décimé le pays, entre 1993 et 2006. Le pouvoir actuel veut triturer la Constitution et faire oublier les années de paix. Du moins, c'est ce que les manifestants revendiquent ‘non à un troisième mandat', encore moins à une guerre civile et ethnique», explique Cyril Shango. «Le général Godefroid Niyombaré constitue en lui-même un vecteur qui encourage le soulèvement populaire. Il faut savoir qu'il a été limogé en février, parce qu'il avait déconseillé à Nkurunziza de briguer ce mandat inconstitutionnel», poursuit-il. Aussi, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a exhorté «au calme et à la retenue». Des diplomates ont indiqué que le Conseil de sécurité de l'ONU a tenu hier des consultations d'urgence sur la crise au Burundi, à la demande de la France. Les ambassadeurs des 15 pays du Conseil entendront un exposé de la situation par vidéoconférence par l'émissaire de l'ONU pour le Burundi, Saïd Djinnit. A Washington, la Maison-Blanche a appelé toutes les parties burundaises à «déposer les armes». La chef de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini, a, elle aussi, appelé les parties à faire preuve de «retenue et à éviter la violence». «Nous exhortons toutes les parties à coopérer pour trouver une solution pacifique à la crise», a-t-elle dit.