Voilà une décision qui risque de compromettre le projet du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat. L'Union européenne, les Etats-Unis et la Suisse ont appelé hier le gouvernement burundais à reporter les élections alors que le pays est en proie, depuis fin avril, à des manifestations émaillées de violences contre un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. «L'idée d'un glissement du calendrier électoral serait à nos yeux une bonne chose», a déclaré un envoyé spécial de l'UE, Koen Vervaeke, s'exprimant au nom de l'Union européenne, de la Suisse et des Etats-Unis lors d'une réunion avec le gouvernement. L'ambassadrice américaine, Dawn Liberi, a lu une déclaration similaire en anglais. Le Burundi a initialement prévu de tenir fin mai et fin juin des législatives, communales et une présidentielle. Plus tôt dans la journée, la Belgique avait annoncé sa décision de suspendre son soutien au processus électoral. Premier partenaire bilatéral du processus électoral et ex-puissance colonisatrice du Burundi, la Belgique a aussi interrompu sa coopération policière avec Bujumbura, a indiqué le vice-Premier ministre et ministre de la Coopération au développement, Alexander De Croo, dans un communiqué. «La coopération belge au développement avait prévu un budget de 4 millions d'euros pour soutenir les élections au Burundi. Une première tranche de 2 millions a déjà été versée. Le vice-Premier ministre De Croo estime que dans les circonstances actuelles, le versement de la tranche restante de 2 millions doit être suspendu», selon le communiqué. Forte mobilisation La campagne électorale des législatives et communales du 26 mai, qui précèdent la présidentielle du 26 juin, a été officiellement ouverte dimanche. M. De Croo a relevé que la mission d'observation électorale de l'Union européenne au Burundi avait pris les devants la semaine dernière, en jugeant que «les conditions pour des élections libres n'étaient pas réunies pour l'instant». Une coopération policière est également en cours entre la Belgique et les Pays-Bas, et la police burundaise. La Belgique «estime que, dans les conditions présentes», elle «doit être suspendue provisoirement». Sur un budget total de cinq millions d'euros, trois millions sont en suspens. Le gouvernement belge souligne notamment que le Hau-Commissariat aux droits de l'homme des Nations unies a fait état de 11 manifestants abattus par la police, «alors qu'elle n'était pas en situation de légitime défense». La candidature à la présidentielle de Pierre Nkurunziza a, rappelle-t-on, déclenché un mouvement de contestation émaillé de violences qui ont fait au moins 18 morts. Les opposants au troisième mandat jugent cette action inconstitutionnelle, ce que le camp présidentiel réfute. Les autorités burundaises ont sommé, samedi, les manifestants de cesser «immédiatement» et «sans condition» le mouvement qui agite le pays depuis le 26 avril, et demandé aux forces de sécurité de «déblayer» toutes les barricades sous 48 heures. Hier, les manifestations se sont cependant poursuivies dans les quartiers périphériques de la capitale Bujumbura, foyers de la contestation depuis le début et où les opposants au troisième mandat ont tenté d'empêcher des habitants de rejoindre le centre-ville pour aller travailler. Depuis des mois, les communautés internationale et régionales craignent que la candidature de Pierre Nkurunziza, élu en 2005 et 2010, à un troisième mandat, ne déclenche des violences à grande échelle. L'histoire post-coloniale du pays a déjà été marquée par des massacres interethniques et une longue guerre civile (1993-2006). Un sommet de la Communauté d'Afrique de l'Est (Burundi, Rwanda, Kenya, Ouganda, Tanzanie) sur la crise burundaise est prévu demain à Dar es Salam, en Tanzanie.