Ancien divisionnaire et directeur de l'école de police de Aïn Benian à Alger, Adda Foudad est le dernier accusé poursuivi pour des crimes. Il ne cesse d'affirmer que les 609 000 euros qu'il possède et qui sont «le revenu de plusieurs années de location d'une villa à Bouzaréah, aux ambassades du Mexique et du Burkina Fasso», ont été transférés de ses comptes en France vers El Khalifa Bank, bureau de Paris, pour être versés à son compte domicilié à l'agence Khalifa Bank de Hussein Dey, à Alger. Il explique que le directeur de cette agence, Soualmi, lui a exprimé son accord verbal pour un nantissement d'une hypothèque sur une usine algéro-espagnole, d'un montant de 55,5 millions de dinars, contractée auprès d'El Khalifa Bank. «M. Tidjani, que j'ai vu au bureau de la liquidation, m'a clairement signifié l'accord de M. Badsi, pour me restituer le montant en question en le convertissant en dinars, après le nantissement sur l'hypothèque sur de la société algéro-espagnole et la reconnaissance de dette effectuée par celle-ci à mon profit, d'une valeur de 52 millions de dinars. M. Tidjani m'a affirmé que l'opération était possible et que M. Badsi a donné son accord. Il m'a même fait la conversion en dinars, au cours de l'euro à l'époque. Le montant que je devais prendre était de 52 millions de dinars.» L'accusé se dit certain que son argent a été transféré et converti en dinars (soit 50 millions de dinars), le 28 octobre 2003. Il ajoute : «Quelques jours après, les responsables de la société algéro-espagnole m'informent que leur avocat leur a demandé de rembourser le montant à la liquidation. J'ai vu M. Badsi et quand je lui ai parlé du procès-verbal que m'a montré M. Tidjani, il s'est énervé et l'a déchiré. Il m'a dit qu'il allait partir en justice. J'ai décidé de rembourser le montant avancé dans le cadre du nantissement.» Le juge lui précise que son argent n'a jamais été transféré de France, mais l'accusé conteste, le juge revient à la charge: «Le document trouvé dans votre bureau prouve que cet argent n'a pas été transféré.» L'accusé s'explique : «Ce document a été fait, juste pour le mettre dans le dossier de demande d'une une carte de résidence touristique. J'en fais la demande chaque année, et pour l'obtenir, il faut prouver que vous avez de l'argent en France. Je le fais depuis 1991. Cependant, je leur ai demandé de faire une attestation de transfert, mais la réponse a pris trop de retard.» Le juge : «Votre argent n'a jamais été transféré et le nantissement est fictif. Vous l'avez utilisé dans le but de récupérer votre argent. Le liquidateur trouve l'opération illégale.» Il lui fait comprendre que s'il n'avait pas recouru à ce nantissement, il n'aurait pas été poursuivi. Mais l'accusé insiste sur le fait que de nombreuses personnes, citant M. Djellab, lui auraient déclaré que l'opération de nantissement «était légale». Le magistrat l'interroge sur le placement de 250 millions de dinars de la mutuelle de la Sûreté nationale à El Khalifa Bank. L'accusé affirme que la décision a été prise par un comité de 20 membres, dont lui. «Le comité cherchait à fructifier l'argent de la mutuelle. J'étais un simple membre. Le président Belarbi Salah Hadane et Mohand Mokrani, étaient les ordonnateurs.» Le juge : «Mokrani Mohand Ameziane a déclaré que l'opération de dépôt s'est faite en votre présence. L'argent a été transféré de l'agence Khalifa de Chéraga à celle de Hussein Dey, là où vous aviez déposé votre argent.» L'accusé : «En quoi cela me concerne ? C'est le comité qui a le pouvoir de placer.» Le juge : «Vous vous êtes déplacé à l'agence Chéraga. C'est Mokrani qui l'affirme…» L'accusé : «Il ment !» Foudad nie avoir bénéficié d'un quelconque avantage auprès de Khalifa, mais le juge lui lance : «Votre fils, en deuxième année universitaire, a bénéficié d'une formation de pilote auprès de Khalifa Airways, à Londres et à Dubai, votre fille a fait une formation d'hôtesse de l'air, et sa sœur a travaillé à la direction de l'aviation civile de la même compagnie.» L'accusé un peu déstabilisé répond : «Mon fils n'a pas terminé son cursus, ma fille a rejoint Khalifa Airways comme les nombreux jeunes qui ont rêvé d'y travailler, et sa sœur est partie seule sans me demander d'intervenir.» Le juge lit une longue liste de comptes appartenant à l'accusé : Bna staouéli, Didouche, Zéralda, CMC Paris, El Khalifa Bank Chéraga, Hussein Dey, et ABC Bank. L'accusé : «C'est mon argent.» Le juge : «Lors de la perquisition dans votre bureau à l'école de police, un certificat de scolarité vierge et cacheté a été récupéré.» L'accusé : «Un policier l'a trouvé et me l'a remis. C'était le 17 avril, le 18 avril, j'ai été interpellé. Le policier a confirmé mes propos.» Des biens à outrance…. Le président poursuit : «Vous avez un commerce à Kharrouba.» L'accusé : «Jamais…» Le juge précise : «Un fast-food…» Foudad lâche : «Ah, C'est vrai ! Je l'ai eu en tant qu'ancien moudjahid. Je le loue à 105 000 DA le mois.» «Comment le directeur d'une école de police peut avoir un commerce ? » L'accusé : «Je voulais quitter la police, mais cela m'a été refusé. La direction des moudjahidine m'a proposé ce commerce. Il fallait que le prenne sinon je l'aurais perdu.» Dans le lot des documents retrouvés au bureau de Foudad, le magistrat cite encore : «Une demande de terrain adressée au maire de Staouéli, portant le cachet de l'école de police et une autre adressée à l'APC de Aïn Benian pour intervenir au profit d'un citoyen. N'est-ce pas un trafic d'influence ?» L'accusé : «Je ne les ai jamais utilisées...» Le juge continue : «Une lettre adressée à M. Chevènement, une autre au ministre de l'Intérieur français, les deux portant le cachet de l'école…» L'accusé s'énerve. «La première n'a jamais été utilisée, et la seconde a été écrite dans le but de demander une carte de résidence touristique de 10 ans.» Le président l'interroge à quel titre il a établi une déclaration de perte de permis, au directeur de l'agence d'El Khalifa Bank de Hussein Dey et Foudad déclare : «J'ai la qualité d'officier de la police judiciaire et c'est grâce à cette déclaration que son permis a été retrouvé, deux jours après.» Le juge n'en finit pas. Il lui précise que l'enquête a révélé l'existence d'au moins une dizaine de logements appartenant à l'accusé, mais ce dernier explique que ce sont des biens «acquis d'une manière légale». Me Meziane, avocat d'El Khalifa Bank, lui demande s'il s'est rendu au bureau de la banque Khalifa à Paris, et de décrire les lieux. Foudad affirme qu'il se trouve en plein Champs-Elysées, et lorsqu'il s'y est rendu, c'est Soualmi, le directeur de Hussein Dey, qui l'a reçu en tant que responsable. Me Meziane lui demande s'il recevait des documents en contrepartie des versements, et l'accusé répond : «Ils m'ont donné une attestation.» L'avocat réussit néanmoins, à susciter le doute, en montrant que Foudad, était enregistré au niveau de la liquidation d'El Khalifa Bank, en tant que déposant, pour être remboursé, mais en même temps, il s'est engagé dans une opération de nantissement au moment où les comptes d'El Khalifa Bank étaient déjà arrêtés.