Le tribunal criminel près la cour de Blida a entendu, hier, Adda Foudad, ancien commissaire divisionnaire, directeur de l'Ecole de la police nationale à Aïn Benian, accusé dans le procès de la caisse principale d'El Khalifa Bank. Une histoire de rapatriement d'argent et de placements tellement alambiquée que nul dans l'assistance n'y aura compris grand-chose. L'ancien responsable de l'Ecole de police expliquera avoir voulu rapatrier ses avoirs en devises vers l'Algérie. Il s'agit de 609 000 euros, soit l'équivalent de 4 millions de francs détenus par lui dans un compte à la Société marseillaise de crédit (SMC). Afin d'opérer le transfert de l'argent vers l'Algérie, il prendra attache, précisera l'accusé, avec le bureau de représentation d'El Khalifa Bank à Paris. Il signera trois conventions avec la banque pour ce transfert “deux à Paris, une à Alger, faute d'avoir pu se déplacer”. Adda Foudad expliquera que l'accord de principe a été conclu à Alger. “J'ai rapatrié mon argent au pays. J'ai tout fait rentrer”. Interrogé par la présidente sur le fait qu'à Paris, il n'y avait qu'un bureau de représentation et non une agence, il dira s'être déplacé afin de s'en assurer. “Pour moi KB était agréée, je me suis déplacé vers leur bureau, c'était une agence”, dira Adda Foudad qui précisera avoir demandé en août 2002 la faisabilité du transfert. Il a signé la première convention le 17 septembre 2002 à Paris avec Houcine Soualmi en sa qualité de “représentant de KB à Paris”. “J'avais affaire à lui uniquement”. Deux autres suivront. Il dira à la présidente qui l'interrogeait que la convention était signée par le P-DG et préparée bien avant son arrivée. Un compte lui a été ouvert à l'agence des Abattoirs à Hussein-Dey suite à cette convention et crédité d'un montant de 609 000 euros sur instruction écrite de RAK. Ce montant, il le placera en dépôt à terme courant jusqu'en septembre 2006 à 14% d'intérêt. Il était également détenteur de 21 millions de DA de placements auprès de KB, 18 millions aux Abattoirs et 3 millions à Chéraga. Pour la présidente, il s'agit d'un transfert fictif, l'argent n'étant jamais arrivé en Algérie. Chose que Adda Foudad a réfutée. L'argent a bel et bien été transféré, selon lui, du moment qu'il a remis les chèques au représentant de KB à Paris contre des décharges. La somme a été déposée, selon lui, auprès de la banque Sao Paolo par KB. “J'ai demandé une copie des chèques endossés, ils portaient le cachet rond de KB Paris”. Le problème se pose par la suite. Sur les conseils de son directeur d'agence, Houcine Soualmi en février 2003, il accepte un nantissement d'hypothèque pour la société algéro-espagnole d'alimentation. Cette société avait eu un crédit de 52 millions de DA suite à une hypothèque immobilière. À l'origine, Adda Foudad espérait récupérer son argent. “Soualmi me dira qu'il n'avait pas de liquidité”. Il s'y est pris trop tard. Il acceptera la proposition faite par H. Soualmi après consultation d'un certain nombre de responsables bancaires et de son notaire et après s'être renseigné sur les responsables de la société. Une reconnaissance de dette lui a été signée. Adda Foudad essayera au moment de la liquidation de récupérer son argent. Il rencontrera “l'adjoint du liquidateur” pour effectuer la compensation d'autant que les responsables de la société ne lui avaient versé jusqu'alors que 7,5 millions de DA sur les 52 millions que couvrait l'acte de nantissement. Il était recommandé, affirme-t-il, par Mohamed Djellab et M. Akrouf. Il affirme avoir reçu l'aval de ce dernier. Il révélera avoir rencontré le liquidateur lequel lui signifiera une fin de non-recevoir. “Il y avait M. Tidjani, le responsable du contentieux, et le liquidateur. M. Tidjani a lu le PV, une note de traitement, relatant tout ce qui s'est passé quand je suis parti le voir. À la lecture de ce document, M. Badsi a pris le document et l'a déchiré”, affirmera l'accusé. Face aux difficultés qu'il avait à récupérer la somme, il procédera au payement des 52 millions dus par Hispano. “De ma propre volonté, je n'avais rien à me reprocher, j'ai restitué tout l'argent et versé les 50 millions”. Une opération effectuée alors qu'il était en prison. Interrogé par le parquet sur la valeur qu'il accorde aujourd'hui à ses “bons” conseillers, Adda Foudad exprimera le sentiment d'avoir été “trahi”. Quant à la preuve que l'argent a bien été transféré de Paris vers l'Algérie, il est catégorique : “Je les aurais poursuivis et j'aurais demandé à être remboursé.” Un conflit opposera Me Miloud Brahimi au PG alors que ce dernier posait des questions à caractère personnel à l'accusé sur ses comptes en France, au Maroc et en Algérie, ainsi que sur les 10 appartements et villa qu'il a eus de 1969 à 2000. Sa villa a été louée à des ambassades. L'avocat s'énervera une nouvelle fois quand le PG demandera des précisions sur le recrutement de ses quatre enfants à K. Airways. Adda Foudad niera une quelconque implication dans le transfert des fonds de la mutualité de la police vers El Khalifa Bank ou vers l'agence des Abattoirs, à Hussein Dey. L'avocat de la partie civile s'interrogera sur le fait que A. Foudad ait fait une déclaration de créance à la liquidation en 2003 et sur la valeur de la reconnaissance de dettes. Cela créera un nouvel incident avec Me Brahimi. Adda Foudad ne pourra répondre si la liquidation lui a remis un document “écrit” l'informant de l'acceptation de son dossier. L'argent en question n'a pas servi, précisera-t-il, à un quelconque achat de lot de terrain ou d'appartement. Face aux déclarations de Adda Foudad, le tribunal rappellera à la barre Moncef Badsi, le liquidateur d'El Khalifa Bank. Ce dernier expliquera qu'une des règles instituées “dès le départ” à la liquidation est “l'écrit”, à travers les notes de traitement, celles-ci ayant besoin de sa signature pour la régularisation. “Dès le départ, j'ai trouvé les esquisses d'anomalies. Il s'agissait d'une main levée d'hypothèque octroyée illégalement.” Cette opération était selon lui “déloyale” puisqu'elle transférait une hypothèque immobilière sur des “titres sans valeur”. Il arguera du principe et de la religiosité de la non-compensation au moment de la liquidation. “C'est une règle d'équité”. M. Foudad a plaidé selon lui “des choses non plaidables”. “Il est venu deux ou trois fois et s'est acharné à décrocher une couverture.” Moncef Badsi s'offusquera que les accusés aient tenté ces derniers jours “d'entacher l'honneur de la liquidation”. “Vous êtes pleins d'irrégularités vous et le chef d'agence. Il voulait que je lui donne mon accord pour tout ce qui s'est passé à mon insu. J'ai dit niet”, lancera-t-il. Il s'agissait pour le liquidateur de rembourser les bons de caisse et les devises en même temps que les autres créanciers. Il confirmera avoir déchiré une note de traitement, “non signée, non datée, non cachetée”. C'était pour lui “un torchon, un chiffon”. Il affirmera en avoir des exemplaires. M. Tidjani n'a, selon lui, aucun pouvoir, aucune décision. Il a demandé l'annulation de la main levée jusqu'au remboursement des crédits détenus par la société. Il confirmera que pour lui, celle-ci n'est plus débitrice du moment qu'il a bien été payé avec des agios de 9% et que M. Foudad est toujours créancier jusqu'à ce que la liquidation puisse déterminer si réellement l'argent a existé. Et le problème subsiste selon lui. “Il n'y a rien comme justificatif, rien n'est disponible aucun dossier.” Pour ce qui est de la citation de K. Akrouf, SG de la commission bancaire, M. Badsi indiquera que des centaines de doléances dont est destinataire la commission bancaire lui sont réacheminés pour traitement. Ses propos et leur teneur n'ont pas été du goût des avocats de la défense. Samar Smati