Le remaniement ministériel effectué jeudi dernier par le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, est un non-événement, pour la majorité de la classe politique. Les partis de l'opposition, qui se sont exprimés sur le sujet, affirment tous que le changement de quelques ministres du gouvernement de Abdelmalek Sellal est un coup d'épée dans l'eau. Dans un communiqué parvenu le même jour à notre rédaction, l'ancien candidat à l'élection présidentielle d'avril 2014, Ali Benflis, déclare que «le régime politique en place s'enfonce dans l'absurde». «Il improvise des replâtrages alors que l'ensemble du pays est dans une impasse politique, économique et sociale», indique le fondateur de Talaîou El Houriyet dont le congrès constitutif se tiendra les 13 et 14 juin prochain. Pour lui, «les remaniements ministériels auxquels il procède ont atteint un tel degré d'insignifiance politique qu'il est difficile de les astreindre à quelque lecture politique que ce soit». «Ils se suivent, se ressemblent, n'ont pas de sens et il serait bien ardu de leur en donner un», soutient Ali Benflis, qui s'interroge : «Pour tous ceux qui savent qu'une vacance du pouvoir existe bel et bien au sommet de l'Etat, les premières questions qui se posent sont celles de savoir qui a procédé à ce remaniement ? Qui l'a décidé ? Qui a jugé de son opportunité ? Et quels objectifs politiques ou autres lui assigne-t-il ?» Mais en fait «à quoi peut bien servir le remaniement d'un gouvernement qui ne gouverne pas ?». L'ancien chef de gouvernement, qui fait remarquer que «si l'on exclut un Conseil ministériel restreint et une réunion protocolaire de signature de la loi de Finances, le Conseil des ministres ne s'est pas réuni depuis près d'une année jour pour jour», il précise que «certains ministres partant n'ont jamais pris part à un Conseil des ministres tenu en bonne et due forme». «Nous avons affaire à une gestion pathétique des affaires de l'Etat. Mais cette gestion n'est pas que pathétique ; elle est aussi aventureuse, inconsidérée et porteuse de périls qu'il importe de ne sous-estimer en aucun cas», indique M. Benflis. Au Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), initiateur de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CLTD), c'est le même ton. «Encore une fois, des reclassements et un jeu de chaises musicales dans le même collège qui a miné le destin de la nation», souligne son secrétaire national à la communication, Athmane Maâzouz. «Nous sommes face à une gouvernance qui a atteint ses limites», dit-il avant de préciser que «ce remaniement attribué au chef de l'Etat porte dans ses gènes l'échec et le blocage». «Il confirme le statu quo et intervient à un moment où le gouvernement est éclaboussé par une série de scandales de corruption et de grands déballages sur les errements de nombreux ministres de l'actuel gouvernement», ajoute le responsable du RCD pour qui «ce gouvernement, qui, certainement, est le fruit d'une lutte à couteaux tirés, est comme les précédents : une association de prédateurs dévoués aux ordres du clan». Selon lui, «cette manière de faire ne fera pas oublier la panne et l'impasse totale dont souffre le pays». «Le traitement du malaise que vivent les Algériens ne peut se satisfaire de replâtrages et de promesses souvent non tenues», indique encore Athmane Maâzouz. Il estime que «l'Algérie est dans un bourbier et ce n'est pas le défilé de ministres incompétents, détachés de la réalité algérienne qui pourra changer quoi que ce soit». Le responsable du RCD considère enfin que «les Algériens sont à la recherche d'un vrai changement et ne peuvent se contenter de fausses solutions en jouant sur l'usure et la manœuvre». Le parti islamiste Ennahda, qui a réuni hier son bureau politique, n'en pense pas moins. Dans un communiqué rendu public le même jour, il indique que «le peuple algérien aspire à un changement radical et à une solution au vide institutionnel et à l'impasse politique qui ont accentué la répression et les atteintes aux libertés devant l'échec économique et social». La formation islamiste affirme en effet que «le remaniement ministériel, effectué jeudi dernier, est ‘‘un non-événement''». Intervenant une année après l'élection présidentielle d'avril 2014, qui a accentué la crise au sein du pouvoir, ce remaniement, selon Ennahda, est une «tentative de remplir le vide institutionnel et les échecs du pouvoir». «Il confirme, dit-il, la mainmise de ce dernier sur la scène politique et les membres du gouvernement ne sont que des fonctionnaires sans identité politique, donc sans légitimité populaire et sans crédibilité.» Pour le FFS aussi, le remaniement ministériel est «un non-événement». Selon, son secrétaire national à la communication, Youcef Aouchich, «il y a eu quatre changements en trois ans, mais ce n'est pas pour autant que les choses changent pour le pays et pour le citoyen». Le responsable du parti de Hocine Aït Ahmed estime que «la crise ne fait que s'aggraver et le changement des hommes n'apporte rien au quotidien des Algériens». Au FFS, affirme-t-il, «la priorité pour nous c'est de continuer à travailler pour le consensus national qui permettra l'avènement d'un Etat de droit».