Des revenus pétroliers en forte régression, des liquidités bancaires en diminution, des poussées inflationnistes qui menacent, une croissance économique en berne et surtout des réserves de changes et des équilibres macroéconomiques qui commencent à chanceler. Pour le nouvel argentier du pays, Abderrahmane Benkhalfa, l'enjeu d'instaurer les conditions d'une rigueur budgétaire et d'une rationalisation des dépenses publiques sera, de fait, une urgence incontournable et non plus un simple choix fortement recommandé mais pas obligatoire, comme ce fut le cas du temps du pétrole cher. A peine un an après le début de la dégringolade des cours du brut, l'opulence et l'aisance sont bel et bien finies et le tableau de bord de l'économie nationale affiche déjà des voyants presque tous au rouge. Pour la première fois depuis 2000 et après quatorze années d'excédents du compte courant, la tendance à l'accumulation soutenue d'avoirs extérieurs s'est inversée en à peine quelques mois, les réserves de changes baissant d'un coup de plus de 15 milliards de dollars rien que sur les derniers mois de 2014. Les statistiques de 2015, non encore dévoilées par la Banque d'Algérie, seront, elles, sans doute bien plus alarmantes. En attendant, le Fonds monétaire international (FMI), dont les prévisions, faut-il le rappeler, sont basées sur les données officielles des institutions algériennes, a déjà donné le ton à travers son dernier rapport publié en avril passé. Le Fonds évoque en effet des perspectives économiques très moroses pour l'Algérie, avec notamment une aggravation du déficit de la balance des comptes courants à -15,7% du PIB en 2015 contre -4,3% l'année dernière, un taux de chômage qui passera de 10,6% à 11,8%, une inflation qui galopera à 4% et, enfin, un taux croissance économique médiocre d'à peine 2,6%. Au creusement du déficit du compte courant — qui, bien entendu, sera synonyme d'une évolution «proportionnellement défavorable» des réserves officielles de change — s'ajoute la difficulté de maintenir un train de dépenses publiques dont l'équilibre dépend d'un baril à au moins 111 dollars, selon une estimation du FMI, alors que les prévisions les plus optimistes excluent toute remontée des cours du brent à plus de 80 dollars. Dès lors que le budget de l'Etat pour 2015 s'autorise un déficit de plus de 22% du PIB, il devient donc évident, au vu de l'actuel contexte de crise de la rente pétrolière, que le département des Finances n'aura d'autre choix que d'opérer des coupes budgétaires et ce, probablement, dès la toute prochaine loi des finances complémentaire. L'autre option — qui consiste à diversifier en accéléré les sources de financement de l'économie — n'est bien évidement pas réaliste. Aussi, entre les budgétivores transferts sociaux, les quelque 25 milliards de dollars de subventions implicites et les programmes massifs d'équipements publics, le nouvel argentier du pays aura nécessairement à assumer des arbitrages très douloureux. Et entre les besoins politiques de maintenir une paix sociale des plus précaires et ceux, pragmatiques de sauvegarder la viabilité de l'économie nationale à moyen terme, Abderrahmane Benkhalfa aura sans doute fort à faire pour concilier les extrêmes.