Le temps presse pour le gouvernement. Il y a urgence à retrousser les manches pour repousser un tant soit peu le spectre d'une crise dont les signaux d'alerte retentissent sans répit sur la santé financière du pays. Au lendemain du dernier remaniement ministériel, il aura fallu se séparer aussi de certains responsables avec lesquels l'obligation de résultats exigée en ces temps de crise serait une stupide illusion. Il y a eu, hier, des changements à la tête d'institutions financières et entreprises publiques. Et non des moindres. Sonatrach vient de consommer un nouveau PDG, bien qu'il n'ait été qu'un intérimaire de Abdelhamid Zerguine, limogé en juillet 2014 pour des raisons jusqu'ici inexpliquées. Saïd Sahnoun a été remercié hier, remplacé par Amine Mazouzi qui occupait le poste de directeur du pôle stratégie-planification-reporting de Sonatrach depuis 2008. Le choix porté sur Amine Mazouzi et, avant lui, sur Salah Khebri, nouveau ministre de l'Energie, répond, certes, à un critère de compétence, mais est imposé aussi par la situation critique dans laquelle est empêtré le secteur pétrolier. Pendant une douzaine d'années, le secteur naviguait dans le brouillard et l'opacité, des phénomènes de non gouvernance favorisés, d'une part, par des prix pétroliers élevés et, d'autre part, par les deux précédents ministres de l'Energie dont l'ego n'a pas pu leur permettre d'éviter à l'Algérie d'aller vers le précipice occasionné par un pétrole à 60-70 dollars le baril. Amine Mazouzi, natif d'Alger, bientôt la cinquantaine, est ingénieur d'Etat de l'Ecole polytechnique d'Alger ; lauréat au concours national, il a obtenu un diplôme d'enseignement approfondi à l'école Centrale de Paris et un doctorat à l'université Paris VI. Il a travaillé sur des contrats de recherche et développement au LIMSI-CNRS (France). Il est auteur et co-auteur d'une vingtaine de publications internationales. Le nouveau PDG de Sonatrach a gagné ses galons grâce à son excellente maîtrise technique des gisements, dans l'amont pétrolier et gazier et dans la stratégie. Il a conçu plusieurs plans pour améliorer le rendement de certains gisements, dont Hassi Messaoud, et freiner leur déclin. La situation devient urgente sur les terrains pétroliers pour qu'il faille dépêcher un «senior ingénieur» capable de remettre sur rails les trains de production. Amine Mazouzi est armé d'une longue expérience dans le domaine d'excellence qu'est le réservoir engineering, c'est-à-dire le cœur des gisements pétroliers. Cependant, les défis auxquels est confronté le dixième PDG de Sonatrach depuis 1999 sont assurément nombreux : un prix du pétrole (60-70 dollars le baril) insuffisant pour assurer l'équilibre budgétaire ; une entreprise nationale en déclin dans les classements internationaux ; l'absence de comptabilité analytique ; la non-gouvernance, les investissements et les surcoûts associés sans commune mesure avec ce qui se fait dans le monde ; l'utilisation insuffisante des technologies modernes ; de graves erreurs stratégiques… Le constat de départ est donc clair. L'héritage de l'ère Khelil et Yousfi est pour le moins dramatique. Dans l'amont pétrolier et gazier qui a souffert des pires années de désinvestissement, la production chute d'année en année. Outre le désinvestissement, plusieurs éléments combinés expliquent le déclin alarmant de la production. Le défi immédiat en la matière consiste en la maîtrise de l'exploitation des gisements matures (Hassi Messaoud, Rhourde El Baguel…) en vue d'en porter la production à un niveau double. Pour ce faire, Amine Mazouzi dispose de plusieurs atouts, de l'avis de certains cadres qui le connaissent de très près. Il pourra notamment compter sur sa solide formation polyvalente, son expérience, ses compétences managériales…. Sur le plan moral, tout le monde s'accorde à dire que l'actuel PDG de Sonatrach est d'une parfaite intégrité. Il ferait bon ménage avec le tout nouveau ministre de l'Energie. N'est-il pas temps d'en finir, par la même action, avec l'instabilité maladive de Sonatrach ? Depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir, en 1999, la compagnie publique des hydrocarbures a consommé huit PDG, dont quatre depuis les premiers scandales de corruption, en 2010. En juillet 2014, Abdelhamid Zerguine avait été remplacé pour une courte durée par Saïd Sahnoun. Ce fut le dernier changement d'une longue série de destitutions entamée en 2000.