La violence à l'égard des enfants prend une ampleur inquiétante en Algérie. Si le danger est souvent encouru à l'extérieur, la cellule familiale n'est pas pour autant aussi sécurisante. Ni la stratégie de protection des mineurs mise en place ni les lois promulguées ne viennent à bout de ces sévices. Selon les statistiques de la DGSN, sur les 1281 enfants violentés, 756 ont été victimes de violences physiques au premier trimestre 2015. La liste des victimes s'allonge malheureusement de jour en jour. Un phénomène qui ne cesse d'effrayer les services hospitaliers d'urgence, de pédiatrie et de la médecine légale. Un enfant de cinq ans, natif d'Alger, est décédé en mars dernier suite à des châtiments corporels infligés par sa mère qui prétend pratiquer la roqia pour faire de son enfant un bon religieux. Il a été admis aux urgences, son corps portait des traces de morsures, de coups et de brûlures, il a succombé à ses blessures et les expertises médicales faites suite à une autopsie ont révélé une mort était liée à une violence, dont l'étouffement. Des traces sur le corps frêle de l'enfant témoignent des châtiments subis quotidiennement par lui et ses trois frères et sœurs. Le père de ces enfants, qui semble tout ignorer, a affirmé à l'équipe médicale qui a mené l'expertise médicale, que son épouse pratique la roqia et qu'elle s'est perfectionnée en regardant les émissions spéciales roqia sur les chaînes de télévision du Moyen-Orient. Elle est actuellement admise au service de psychiatrie de Blida. A l'EPH de Belfort, il y a deux jours, un garçon de 13 ans non scolarisé, habitant à Aïn Taya, est admis en urgence. Il n'arrive plus à se tenir debout car ses deux jambes sont en sang et fragilisées par de violents coups de bâton. «Ses jambes ont été massacrées et son corps porte de multiples traces et lésions, des coups, des morsures et des cicatrices», raconte l'infirmier. Il est victime de maltraitance faite par sa mère avec qui il vit seul. Une enquête est en cours après le dépôt d'une plainte de l'hôpital, où une petite de fille de 5 ans est hospitalisée depuis vingt jours pour le même motif. Cette fillette qui normalement est en classe préparatoire n'a pas encore fait ses premiers pas. «Elle ne marche pas», nous surprend le médecin qui la prend en charge. Elle est maltraitée depuis sa naissance. Sa mère lui interdit de marcher et elle est l'objet de violences quotidiennes. «Elle a déjà été hospitalisée dans un autre hôpital pour traumatisme crânien en neurochirurgie et elle est aujourd'hui chez nous pour de multiples traumatismes. Rupture de la rate, lésions au pancréas et calcification de ses deux reins. C'est ignoble de la part d'une mère», poursuit le praticien qui signale que l'hôpital a déposé une plainte, au moment même de l'admission et le procureur s'en est autosaisi. «La mère est actuellement à la prison d'El Harrach», a-t-il ajouté. Les enfants brutalisés et violentés n'arrivent pas toujours dans les services médicaux. «Ils arrivent chez nous que lorsqu'ils décèdent après avoir été examinés par un médecin des urgences qui les orientent vers nous pour mort suspecte», nous confie un praticien de la médecine légale. Il regrette que ces quelques cas ne représentent en réalité que la partie visible de l'iceberg. Le phénomène reste encore caché. La campagne de sensibilisation contre les violences faites aux enfants lancée par l'Unicef le 26 avril dernier en partenariat avec des acteurs institutionnels et de la société civile, «Enfance zéro violence, zéro silence Dites-le !», est à soutenir pour enfin rompre ce grand silence autour de cette tragédie.