En un an, le nombre de personnes qui ont fui leur domicile a doublé dans les pays du Sahel. Un risque sécuritaire et humanitaire pour la région. Le 9 février dernier, une femme se fait exploser parmi la foule des camionneurs et des petits commerçants de la ville de Diffa, au Niger. Quelques jours plus tôt, le groupe Boko Haram avait attaqué la ville de Bosso. Cinquante mille personnes, des Nigérians mais aussi des Nigériens qui avaient fui leur pays quelques années plus tôt s'enfuient vers le nord, jusqu'à Zinder, deuxième ville du Niger. Le 12 février, une autre attaque de Boko Haram dans l'Etat de Borno, au nord-est du Nigeria, fait plusieurs dizaines de morts. Les habitations et les boutiques sont incendiées. Quinze mille Nigérians partent précipitamment au Tchad. Le 24 février, 16 000 personnes s'enfuient vers le Cameroun. Aujourd'hui, plus de 3 millions et demi de personnes qui vivent dans le Sahel sont des déplacés, selon l'ONU. Ils sont désormais deux fois plus nombreux qu'il y a un an. Au début de 2014, les services du coordonnateur humanitaire de l'ONU pour le Sahel, Robert Piper, avaient fait état d'environ 1,6 million de personnes déplacées à travers neuf pays : Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Gambie, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria et Sénégal. Aujourd'hui, la présence de Boko Haram a aggravé les déplacements de populations. Ainsi, plus d'un million de Nigérians ont quitté leur ville pour une autre. Le conflit dans le nord du Mali est aussi un facteur aggravant. Au cours des 4 dernières semaines, plus de 57 000 personnes ont fui leurs régions à cause des affrontements armés dans le nord du pays. Ces déplacés sont des personnes vulnérables, selon les organisations humanitaires qui s'inquiètent de la faiblesse de l'aide internationale : les opérations de l'ONU au Sahel doivent actuellement faire face à un manque de fonds, car l'organisation n'a reçu que 22% des 2 milliards de dollars réclamés cette année, selon Robert Piper. Insécurité alimentaire Plus de 20 millions d'habitants de la région sahélienne sont en insécurité alimentaire et les fonds obtenus ne permettent même pas d'aider la moitié d'entre eux, selon l'Onu. C'est particulièrement le cas dans le camp de M'bera, à la frontière mauritanienne avec le Mali. Au milieu du désert, 52 000 Maliens vivent sous des tentes depuis 2012. Ils survivent grâce aux Ong qui craignent de ne plus pouvoir les aider. «Le Programme alimentaire mondial (PAM) prévoit d'assister 52 500 réfugiés jusque fin décembre. Faute de ressources suffisantes, nous avons dû suspendre temporairement ces distributions (de nourriture) aux réfugiés en mars et nous devrons réduire la taille des rations distribuées en juin et septembre. Si des ressources supplémentaires ne sont pas rapidement mobilisées, le PAM pourrait arrêter les distributions à partir d'octobre. Il faut noter aussi que cette situation a lieu dans un contexte où de nombreuses familles mauritaniennes vulnérables font déjà face à une situation d'insécurité alimentaire très difficile», s'inquiète Janne Suvanto, représentante du PAM en Mauritanie. La menace sécuritaire est permanente, ce qui freine l'accès de ces populations à l'aide humanitaire. «Le nombre de contraintes est en constante augmentation depuis ces derniers mois», regrette Anouk Desgroseillers, du bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'Onu à Bamako. Trois travailleurs humanitaires sont morts en service depuis 2014.