Depuis un certain nombre d'années, l'Université d'Alger, dans son site historique du centre-ville, se vide de son sens et de sa substance. Ses étudiants et ses enseignants, ses centres de recherche et ses laboratoires spécialisés ont été déplacés les uns après les autres vers d'autres institutions universitaires. Le processus a débuté au début des années soixante-dix, avec le déménagement de la faculté de droit à Ben Aknoun. A partir de 1978, commence le déménagement des départements de sciences vers la toute nouvelle Université des Sciences et de la Technologie d'Alger… déménagement qui restera inachevé suite à la saturation très rapide de cette infrastructure d'accueil. En 2010, après le démembrement de l'université d'Alger en trois entités, «Alger 1, 2 et 3», auquel a succédé, à la rentrée 2014, le déménagement du décanat de la Faculté des Lettres et des Langues vers le site de Bouzaréah, il n'est resté à la Fac Centrale qu'une partie du département de Langue et littérature arabe, l'institut de Traduction et d'Interprétariat et une partie des enseignements en master de Droit, ainsi que quelques enseignements de la Faculté de Pharmacie. Certains laboratoires de sciences relevant de l'USTHB continuent de survivre dans des locaux dont la situation se dégrade au fil des années, privés qu'ils sont de décision officielle d'affectation. Les Universitaires algériens, toutes générations et toutes spécialités confondues, craignent pour le site dit de la Fac Centrale et tiennent à exprimer publiquement leur refus catégorique de se taire devant : - ce processus d'évacuation graduelle et systématique qui viendrait justifier a posteriori le caractère vide/vacant du Site pour l'affecter à d'autres fonctions/institutions ; - ce processus d'abandon et de dégradation du site dans toutes ses composantes inestimables avec son bâti, ses fonds documentaires, archives, collections, spécimens et autres pièces uniques et inestimables. Aussi, la nécessité impérieuse s'impose : - d'annuler tout dessein destiné à détourner et soustraire ce Site de ses fonctions et affectations naturelles et traditionnelles, et au contraire de le réhabiliter dans sa vocation de haut lieu de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique ; - de mettre en œuvre immédiatement un projet complet de préservation de ce Site dans toutes ses dimensions (foncier, bâti, contenus, histoire, vocation), sans qu'aucune d'elles ne soit dissociée des autres car l'enjeu va au-delà de ce précieux patrimoine matériel aujourd'hui menacé. Pour ceux qui ne le sauraient pas, il touche aussi à la dimension immatérielle du site, laquelle reste inestimable au regard de la noblesse de sa symbolique et de la valeureuse histoire des lieux Pour appuyer notre plaidoyer et insister sur la dimension fortement symbolique de notre action, nous affirmons notre fierté d'avoir poursuivi nos études dans l'université qui a vu les étudiants musulmans algériens s'organiser au sein de l'UGEMA et décréter la grève de 1956, notre fierté d'avoir été formés dans les mêmes murs qui ont été fréquentés par les martyrs Mohamed Rachid Amara, Abderrahmane Taleb, Maurice Audin et tous leurs compagnons de lutte qui ont quitté les bancs de l'université pour participer au combat libérateur : Zoulikha Bekaddour, Benyoucef Benkhedda, Mohamed Seddik Benyahia, Hafsa Bisker, Zohra Drif, Pierre Chaulet, Lamine Khène, Malika Mufti, Daniel Timsit… C'est pour cela et en hommage à tous ceux et celles qui ont contribué à écrire l'histoire de cette université, avant et après l'indépendance, que nous nous mobilisons aujourd'hui pour que les bâtiments qui constituent ce que nous appelons communément «la Fac Centrale» ne perdent pas leur identité et qu'ils demeurent dans le patrimoine de l'enseignement supérieur. Nous appelons tous nos collègues dans tout le pays et ceux qui résident dans d'autres parties du monde ainsi que nos étudiants et tous nos concitoyens à se mobiliser pour la sauvegarde de la doyenne des universités algériennes. Nous lançons donc un appel solennel aux deux ministres concernés, celui en charge de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, et le ministre en charge de la Culture pour qu'ils appuient et soutiennent notre démarche. Plus particulièrement, nous lançons un appel solennel à Monsieur le ministre de la Culture à diligenter le plus rapidement possible les procédures institutionnelles pour le classement de l'université d'Alger dans son site originel de la rue Didouche Mourad avec son patrimoine matériel et immatériel comme monument historique appartenant au patrimoine national. Pour recevoir le plaidoyer et/ou la pétition : Jamiaat Jazaïr [email protected]