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Pourquoi il faut une loi d'amnistie générale pour sauver l'algérie
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Publié dans El Watan le 07 - 06 - 2015

Cinquante-trois ans sont déjà passés depuis l'indépendance du pays et l'Algérie est toujours malade, incapable de se développer comme nos voisins proches ou éloignés (Turquie, Espagne, Maroc, Malaisie, Emirats).
On est incapables d'exploiter nous-mêmes nos propres richesses gazières et pétrolières. 65% du gaz naturel d'adrar (1400 km au sud d'Alger) appartiennent à la France. Cette dernière a juste déboursé 2 petits milliards de dollars en 2002 pour contrôler 68,5 milliards de m3 de gaz naturel jusqu'en 2043. On est incapables également de changer démocratiquement de gouvernance comme nos voisins proches ou éloignés (Tunisie, Sénégal, Portugal, Grèce), incapables de lutter contre la corruption, la détérioration du système éducatif, de santé, de transports publics, etc. comme nos voisins proches ou éloignés.
Pourquoi ?
Je crois que la peur de nos dirigeants d'être traduits en justice et emprisonnés est un véritable frein pour ouvrir la voie à une véritable transition démocratique avec le principe d'une alternance politique. Mais cette crainte est également devenue un obstacle au développement et au décollage économique de notre pays afin de rattraper son retard par rapport aux autres pays développés.
Ainsi, toutes les énergies de nos dirigeants sont dirigées non vers la construction d'une Algérie forte et prospère, mais plutôt vers le maintien au pouvoir d'une oligarchie politico-financière avec comme outil opérationnel un appareil sécuritaire qui a été dans le passé instrumentalisé et fortement gonflé pour une population de 40 millions d'algériens (190 000 policiers alors que notre voisin de l'ouest n'en compte que 35 000).
La corruption des catégories sociales (commerçants, fonctionnaires, élite, jeunes) en mesure de dénoncer pacifiquement cette situation est tolérée et encouragée. Mais ce sont surtout les grandes puissances qui ont siphonné la majorité des richesses du pays en exerçant des pressions énormes sur des responsables politiques algériens fragiles qui empêchent l'Algerie de 2015 de regarder l'avenir avec confiance et espérance.
Comment sortir de cette colonisation économique de l'Algérie par la France et ses partenaires occidentaux ? La solution que je préconise ne va pas plaire à beaucoup d'Algériens. J'en prends le risque et j'en assume toute la responsabilité, au risque de décevoir des millions d'Algériens qui pourraient la trouver fortement injuste. Parfois, malheureusement, il faut prendre des mesures impopulaires pour faire avancer notre pays. Je crois, en effet, que nous n'avons pas d'autre choix. C'est un sacrifice nécessaire que nous devons tous accepter pour sauver notre pays
Tirer les leçons du passé
Ma formation d'historien m'a fait plonger dans l'histoire contemporaine et hautement douloureuse de notre pays. Et j'en ai tiré de précieux enseignements et quelques erreurs à ne pas renouveler et surtout à ne pas revivre.
Nos dirigeants pris en otages par la france
Oui, il faut «aider» les dirigeants actuels à partir, à quitter, à lâcher le pouvoir. Car il faut en prendre conscience. Une part importante des dirigeants actuels est prise en otage par la France et par ses partenaires étrangers qui peuvent à tout moment divulguer des secrets sur les comptes bancaires, les appartements ou les actions qu'ils possèdent à Paris, genève, Londres ou New York.
A la fin du siècle dernier, les dirigeants actuels ont proposé aux terroristes, à la fin de la décennie noire, le pardon et l'amnistie en échange de l'arrêt des violences. L'objectif était d'obtenir la paix civile en Algérie. grâce à Dieu, l'Algérie est stable aujourd'hui. S'ils sont amnistiés en Algérie, certains de ces dirigeants auront droit à leur tour à un pardon civil. Ils n'auront plus rien à craindre. Ils seront protégés par cette loi d'amnistie. Je ne propose pas cette loi pour leur faire plaisir ou défendre mes propres intérêts.
Comme vous le savez, je n'ai jamais été lié à ce régime, ni impliqué de près ou de loin dans les affaires qui tourmentent notre pays. Je n'ai jamais été en contact avec les membres du gouvernement actuel. Et aucune pression venant d'Algérie ou de l'étranger ne peut m'obliger à dire ou à faire des choses contre ma volonté ou contre les intérêts du peuple algérien. Je suis un homme de principes, totalement libre et vierge de tout passé douteux ou affairiste.
Pardonner, oui. oublier, non
Les «aider» à lâcher le pouvoir signifie leur pardonner sur le plan légal. Mais «pardonner» ne signifie pas oublier sur le plan moral. S'ils ont des choses à se reprocher, c'est devant dieu qu'ils règleront leurs comptes dans l'au-delà . Souvenez-vous des deux moments après l'indépendance où l'Algérie avait une chance de connaître l'alternance au pouvoir. En 1991, avec les élections législatives remportées par le fis, et en 1992 avec la présidence de mohamed Boudiaf.
Dans les deux cas, l'échec a été au rendez-vous. Pourquoi ? Dans les deux cas, le fis et le président Boudiaf ont voulu que les voleurs soient poursuivis par la justice et rendent des comptes au peuple algérien. C'était noble sur le plan des principes. C'était une catastrophe sur le plan politique. En effet, ce qui peut sembler moral et juste du point de vue d'un citoyen peut s'avérer être une tragédie pour un pays tout entier.
Car un Etat ne se gère pas de la même façon qu'une famille. Vous connaissez tous le résultat politique, économique, social et sécuritaire de cette prise de position courageuse du fis et du président Boudiaf. Un arrêt du processus électoral, l'assassinat du président Boudiaf (Allah yarahmou), une guerre civile de 10 années avec 200 000 morts et 20 000 disparus, l'intelligentsia algérienne décapitée ou en exil, une économie dévastée, etc. Les voleurs n'ont pas été sanctionnés et ils sont toujours au milieu du pouvoir. Conséquence, l'Algérie a pris un énorme retard dans de nombreux domaines.
Brève comparaison entre l'algérie et les autres pays
Il suffit de comparer les pays de l'Est libérés du joug soviétique à la même époque (1989) pour voir à quel point l'Algérie a rétrogradé sur tous les plans. Ces pays ont réussi là où l'Algérie a échoué. Une transition démocratique avec l'alternance au pouvoir, combinée avec un développement économique incontestable sans avoir des atouts sérieux comme les richesses gazières et pétrolières que nous avons.
Ces pays de l'Est qui avaient de lourds handicaps structurels en 1989 ont investi dans la véritable richesse d'un pays : l'éducation et la formation de leur jeunesse avec une vraie vision stratégique pour l'avenir comme projet de société. Cela doit être la priorité de l'Algérie aujourd'hui. Même le qatar, un émirat de 11 000 km2 géré par les fils et petits-fils d'anciens bédouins et formés en moins de 30 ans dans les meilleures universités anglaises et américaines se projette déjà en 2030.
Il met en place des programmes concrets pour s'orienter vers une diversification de son économie afin de réduire sa dépendance à l'égard du gaz et du pétrole, tout en maintenant ses importants excédents financiers. L'Algérie, quant à elle, est incapable de mettre en place la moindre réforme de fond pour préparer l'après-pétrole. Au lieu d'imiter la dynamique corée du Sud qui était au même niveau économique que notre pays en 1962, je constate que l'Algérie de 2015 ressemble davantage à la stagnante Corée du Nord, au grand désespoir du peuple algérien.
Ansej
Les pressions fiscales et bancaires des bénéficiaires du dispositif d'aide à la création d'entreprises «Ansej» seront aussi supprimées dès lors que le matériel acquis avec les fonds publics sera restitué.Repartir sur de nouvelles bases. Si ensemble nous voulons que l'Algérie ne manque pas cette troisième opportunité de connaître l'alternance au pouvoir, nous devons planifier les actions et les politiques publiques durant les 20 prochaines années. pour y arriver, nous devons absolument aider et encourager les dirigeants actuels à quitter le pouvoir en votant une loi d'amnistie générale, couvrant des faits de corruption sur plusieurs années jusqu'à la date du 17 avril 2014.
Concrètement, cette amnistie signifiera qu'aucun Algérien ne sera poursuivi en justice au motif d'avoir détourné des fonds publics. En clair, on repart à zéro sur de nouvelles bases solides. L'objectif étant de construire un véritable Etat de droit, avec une vraie vision de développement pour l'avenir et avec la mise en place d'organismes de contrôle à tous les niveaux (local, wilayal et national) pour éviter un retour des pratiques liées à la corruption. L'objectif de ces mesures concrètes est de réduire la corruption de 50% en 5 ans et de 90% en 10 ans.
Renégocier tous les contrats
Avec cette amnistie générale et une nouvelle gouvernance, on pourra dans un premier temps auditer et ensuite renégocier sans pressions et sans tabous tous les contrats de gaz et de pétrole avec nos partenaires étrangers. Car, aujourd'hui, les multinationales étrangères possèdent entre 49 et 65% du gaz et du pétrole algériens. De fait, l'Algérie a perdu non seulement le contrôle de ses richesses, mais pire que cela, elle est sous l'influence directe de multinationales françaises et étrangères.
Récupérer 15 milliards de dollars par an
Concrètement, amnistier les dirigeants algériens actuels, c'est engager un processus important pour espérer récupérer, d'ici 5 ans, 15 milliards de dollars par an grâce à la renégociation de tous les contrats avec les multinationales par le biais de l'arbitrage international. Le chiffre de 15 milliards de dollars correspond à la différence entre les 49 à 65% que détiennent les multinationales étrangères aujourd'hui et les 25% que ces entreprises devraient posséder en réalité demain dans le cadre d'une bonne gouvernance. Pour le citoyen algérien, 15 milliards de dollars, c'est l'équivalent de la totalité des importations agro-alimentaires de notre pays ou la totalité des dépenses militaires de notre pays.
Règle des 75/25 dans les tous les secteurs stratégiques
Nous devons fixer une nouvelle règle en matière de partenariat avec les entreprises étrangères. La participation maximale d'une société étrangère dans des secteurs stratégiques comme le pétrole ou le gaz sera désormais de 25% et non de 49%. La sonatrach devra toujours détenir 75% des participations de tous les projets pétroliers ou gaziers. C'est l'intérêt de l'Algérie et du peuple algérien qui doit toujours primer.
Consolider sonatrach
Amnistier les dirigeants actuels, c'est aussi donner à Sonatrach tous les moyens techniques, technologiques et humains pour maîtriser toute la chaîne opérationnelle (prospection, exploration, forage, exploitation, raffinage, distribution) qui nous permettra d'augmenter le volume et la valeur de nos exportations en hydrocarbures. Acheter une entreprise étrangère clé en main afin de bénéficier de son savoir-faire et de ses réseaux peut être une piste à explorer. L'Emirat d'Abou Dhabi nous a montré l'exemple en achetant 100% du capital de la compagnie pétrolière espagnole cepsa en 2011 pour seulement 6,5 milliards de dollars.
Dès lors, nous pourrons diversifier par exemple nos investissements dans l'énergie solaire, l'agriculture intensive, l'industrie et le tourisme culturel, en développant, par le biais des pouvoirs publics, les infrastructures nécessaires à l'industrialisation des secteurs prioritaires pour notre pays. On pourra mettre en œuvre, avec de fortes ressources humaines et financières, une politique publique performante, en matière scolaire, permettant la formation d'une main-d'œuvre qualifiée.
Dans le cadre de cette redynamisation de notre tissu économique, nous devons aussi absolument tout mettre en œuvre pour attirer les investisseurs privés algériens vivant à l'étranger. Voilà ce qui semble être un challenge important pour préparer la transition énergétique et l'avenir de notre pays.
Présidentielle anticipée en 2015
A court terme, avec cette amnistie générale, je crois qu'on pourra envisager d'organiser dans les mois à venir une élection présidentielle anticipée libre et sans fraudes, sous le contrôle d'une commission électorale indépendante. En effet, la maladie et l'absence sur la scène nationale et internationale du président Abdelaziz Bouteflika constituent des éléments qui nous ouvrent une fenêtre constitutionnelle pour l'arrivée d'une nouvelle génération d'hommes politiques et de managers compétents au pouvoir pour relever notre pays qui a de formidables atouts, dont le principal est sa jeunesse. Ainsi, nous pourrons enfin écrire un nouveau chapitre de l'histoire de l'Algérie avec l'encre de la démocratie et du développement.


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