Cinq jours après la frappe américaine qui l'a visé en Libye, l'Algérien Mokhtar Belmokhtar semble toujours en vie. Ce n'est pas la première fois que le chef djihadiste est déclaré mort. El Watan Week-end a enquêté dans son entourage. L'annonce de sa mort dans un raid aérien américain dans l'est de la Libye, dans la nuit de samedi à dimanche derniers, en avait laissé plus d'un sceptique. La publication de la liste des 7 djihadistes tués par les phalanges islamistes armées libyennes, sur laquelle son nom ne figurait pas, a complètement persuadé ses proches : Mokhtar Belmokhtar, qui a survécu à bien des opérations militaires et aux rumeurs qui l'ont donné pour mort à plusieurs reprises, semble toujours en vie. Ibrahim Oudak, un repenti d'Illizi qui mena son djihad aux côtés d'Abou Zeid et de Belmokhtar avant de se rendre pour bénficier de la charte pour la paix et la réconciliation nationale en 2006, explique : «Confirmer le décès de Belmokhtar demande beaucoup de temps. Parce qu'il ne parle à personne de ses déplacements. Il apparaît et disparaît très rapidement. Il a aussi une manière particulière de fixer les rendez-vous, en les changeant plusieurs fois. Même lorsqu'il s'agit de rendez-vous avec des chefs d'organisations terroristes. Le seul qui connaît la vérité sur Belmokhtar, c'est Belmokhtar. Et même son fils et sa femme ne peuvent rien affirmer sur lui.» Une fois, un des proches de la famille du chef djihadiste a rapporté que sa mère avait reçu des condoléances pour son décès après l'opération de Tiguentourine. «Une autre fois, j'ai appris à travers des proches de notre tribu que Belmokhtar était mort à Tin Kinine (Bir Kinine) au sud de la Libye, entre Ghadamès et El Ghat, un endroit fréquenté par les nomades où se trouvent des puits creusés du temps d'El Gueddafi, raconte Abd El Mounîim Khemmar, un des proches de la femme de Belmokhtar. Mais il n'y a eu aucune preuve de sa mort parce que dans la tradition des Barabiches, ce sont les notables de la tribu qui annoncent officiellement le décès.» Et puis il y a eu cette rumeur d'empoisonnement. «Les services de sécurité algériens ont reçu des informations sur le décès de Belmokhtar après empoisonnement, se souvient une source sécuritaire. La seule manière pour nous de confirmer est trouver le corps et de l'identifier grâce au témoignage de plusieurs terroristes. Nous le surveillons à travers un réseau de sources très différentes.» Si un jour on devait le retrouver empoisonné, cela ne pourrait être des services secrets comme ce fut le cas pour les chefs djihadistes comme le Jordanien Khattab empoisonné par les Russes en Tchétchénie et Ayoub Al Libi empoisonné en Syrie en 2013. L'année où l'armée tchadienne avait aussi annoncé l'avoir tué. Instructions Allal Touiher, un intermédiaire de Tamanrasset, qui a beaucoup travaillé sur les dossiers de reddition de plusieurs terroristes témoigne encore : «J'ai appris la mort de Belmokhtar le 7 avril. Mais je crois que c'est une manœuvre de sa part pour échapper aux services secrets. Je le connais très bien, je l'ai rencontré en 2003 près de Taoudouni, au nord du Mali, lorsque je devais convaincre certains membres de l'émirat du GSPC de se rendre. La préparation du rendez-vous a duré six mois. Il avait demandé un numéro de téléphone d'un intermédiaire. J'ai reçu 7 ou 8 appels de différents endroits avant de me demander de me déplacer seul à Taoudouni et d'attendre les instructions sur place. Il est obsédé par sa sécurité au point qu'il est difficile de le tuer. Je sais aussi qu'il avait procédé à des mesures beaucoup plus strictes, lorsqu'il a rencontré sa mère et son frère.» Khaled Abou Al Abbas aurait échappé à une dizaine de tentatives de meurtre, dont cinq sont certaines. Lui-même en évoque deux dans des interviews publiées dans des publications d'Al Qaîda. Dans un entretien accordé à la revue du GSPC, il raconte qu'à Ouargla en 2005, dans la région d'Al Hadjira, il a échappé à la mort en compagnie de Djamel Okacha face aux forces spéciales algériennes. Ils auraient été sauvés par Abou Zeid. Selon le site Ansar El Moudjihidine, il a aussi échappé à la mort avec un groupe d'hommes armés lors d'une embuscade de l'ANP au nord de Bordj Badji Mokhtar en 1999. Il a aussi survécu à la bataille de Tigharghar avec les forces françaises, maliennes et tchadiennes. En 2003, il a également échappé à une opération de l'armée malienne à Gao, lorsque le responsable d'AQMI, Abou Qomqom Hemada Ould Hamada Ould Mohamed Al Khayri, est tombé entre les mains de l'armée malienne. Il s'est fait libéré dans le cadre d'échange de prisonniers. En 2004, il reste en vie malgré une opération américaine qui le visait et qui a coûté la vie à un autre djihadiste algérien, soupçonné d'être un infiltré, tué par un missile. Il s'appelait Abou Al Foutouh, Lahcene Alane, et était originaire de Ménéa.