En théorie, en se basant uniquement sur les chiffres officiels, la wilaya de Tizi Ouzou est bien placée à l'échelle nationale en matière d'investissement. 1139 projets déclarés à l'Agence nationale de développement et d'investissement (ANDI), venant en deuxième position après Alger qui compte 1897 projets déposés. Tizi Ouzou compte 41 000 registres de commerce, soit la quatrième position au CNRC.La wilaya se situe, en outre, à la cinquième place s'agissant du tissu des petites et moyennes entreprises (PME). Si les chiffres paraissent encourageants, la réalité de l'activité économique est tout autre. La plus grande partie des projets d'investissement reste à l'état embryonnaire. Les opérateurs économiques parlent de marasme, d'un environnement peu favorable et l'administration locale peine à assurer l'accompagnement des projets affectés dans les zones d'activité. Créée au début des années 1990 sous l'appellation d'« Office de gestion des zones d'activité (OGZA) », devenu plus tard « Office de promotion de l'investissement », l'actuelle Société de gestion immobilière (SOGI) est propriétaire de 2,5 millions de mètres carrés de terrain, répartis en 12 zones à travers la wilaya. Dotée du statut de SPA, relevant de SGP Centre, la SOGI est actuellement le principal instrument de développement dans la wilaya de Tizi Ouzou. « Propriétaire et aménageur des zones d'activités », la SOGI présente un bilan en demi-teinte plus d'une décennie après sa création. Les contraintes ont été nombreuses, selon son directeur, M. Ould Rabah. Décennie de terrorisme puis événements de Kabylie, l'environnement a été peu favorable à la création d'activité pendant de longues années. Plus d'un millier de projets d'investissements ont été déposés en une quinzaine d'années. De désistements en annulation, les dossiers ont subi des coupes successives. Sur 903 projets agréés ces dernières années par l'administration de wilaya et ayant signé des contrats de réservation (ou promesse de vente des terrains), près de 600 ont été annulés, soit deux projets sur trois qui sont éliminés de la liste. 86 projets sont en cours de réalisation et seulement 27 sont entrés en activité. 218 projets n'ont pas encore été lancés et leurs promoteurs sont mis en demeure de lancer les travaux de réalisation sous peine de résiliation des contrats. Les annulations des contrats de réservation ont donné lieu à des remboursements des montants versés par les promoteurs, avec une déduction de 10% au profit de la société de gestion, ce qui a permis à cette dernière d'engranger près de 10 millions de dinars. Deux projets sur trois sont annulés en cours de route, après leur agrément par l'administration et l'affectation des terrains d'assiette. La SOGI ne voit pas d'un mauvais œil cette déflation du nombre de projets. Le directeur parle de « tamisage » des postulants à l'investissement. Dans l'exposé fait récemment devant l'APW, la direction de la société de gestion immobilière relevait « l'absence de culture d'investissement chez une bonne partie desdits porteurs de projets. Il s'agissait beaucoup plus de porteurs d'idées avec intention d'accéder au foncier que de véritables investisseurs ». L'avis des opérateurs est tout autre. Les désistements, disent-ils, sont consécutifs à la multiplication des aléas rencontrés sur le terrain et la défaillance des autres protagonistes impliqués dans l'aménagement des sites et l'accompagnement des projets. Il s'agit donc, en premier lieu, du défaut de viabilisation des zones d'activités. « L'eau, l'électricité et la voirie ne suivent pas des années après le lancement des travaux de réalisation des unités de production », déclarent les investisseurs à chaque réunion avec les autorités locales. Aujourd'hui encore, il existe des entreprises dans le secteur de l'agroalimentaire qui s'approvisionnent en eau avec des camions-citernes. Cela illustre la gravité et la dangérosité de la situation dans certaines zones d'activités. « D'autres chefs d'entreprise réalisent des forages près de leurs unités, ce qui est pourtant interdit », se désole-t-on du côté des investisseurs. Les autorités locales ont mis plus de dix années pour obtenir un financement gouvernemental pour la réhabilitation de certaines zones d'activité. 300 millions de dinars avaient débloqués par l'Etat en 2004. La SOGI a engagé de ses propres ressources près de 200 millions de dinars, produit des versements opérés par les attributaires des lots de terrain. Cette manne financière a permis de ramener le taux de viabilisation à la moyenne de 80% sur l'ensemble des zones, selon les indications de la SOGI. Elle compte cependant introduire une autre demande de financement étatique, avec une enveloppe budgétaire de même hauteur, afin d'achever les travaux dans les zones restées en souffrance. S'agissant de la régularisation foncière (acquisition des titres de propriété au profit de la SOGI), la procédure a abouti dans dix zones sur douze, indique-t-on. Les deux autres zones d'activité sont en cours d'acquisition. La régularisation juridique et administrative a été longtemps attendue par les promoteurs qui ont rencontré d'énormes difficultés dans l'obtention du permis de construire et des crédits bancaires. Le rôle des collectivités locales a été négligé jusqu'ici, alors que leur coopération est indispensable pour l'aménagement des zones d'activités. M. Ould Rabah insiste sur la nécessité de créer une « synergie » avec les APC. « Le certificat de conformité, le permis de construire, l'autorisation d'exploitation et la police d'urbanisme ne relèvent pas de la SOGI alors que la mise en œuvre des projets est tributaire de tous ces éléments », dit-il. « Si les réseaux internes sont à la charge de notre société, les réseaux primaires au niveau de la zone relèvent des collectivités locales », souligne-t-on à la SOGI. La sensibilisation des élus locaux reste un chantier difficile à engager. « Nous avons invité une douzaine d'APC à une rencontre, récemment, en présence des opérateurs pour faire le point sur les zones d'investissement. Seule une APC sur deux était venue », regrette M. Ould Rabah. De nouvelles rencontres seront organisées à partir de cette rentrée pour tenter de lever les dernières contraintes qui plombent les dizaines de projets ayant été agréés et localisés. La dernière grande rencontre autour du développement local dans la wilaya de Tizi Ouzou remonte à mai 2000. Le wali de l'époque avait proposé de mettre sur pied un observatoire de l'investissement qui devait se réunir deux fois par mois. Six ans plus tard, l'on cherche toujours les voies et moyens de lancer la machine économique dans la région et de mettre un frein à l'évolution du chômage.