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Environnement
Les risques de pollution pétrolière en Méditerranée
Publié dans El Watan le 11 - 09 - 2006

Quelque 220 000 mouvements de navires marchands de plus de 100 tonnes traversent la Méditerranée chaque année, soit 30% du volume mondial de transport maritime commercial et 28% du trafic mondial de transport pétrolier maritime, avec tous les risques que cela comporte (accidents, déballastages, dégazages).
Actuellement, c'est environ 370 millions de tonnes d'hydrocarbures qui y transitent chaque année, avec une moyenne de 250 à 300 passages de pétroliers par jour, principalement en provenance des pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, en direction de l'Europe et de l'Amérique du Nord. Cette importante activité est due au fait que sur cette mer s'ouvrent trois passages (détroit de Gibraltar, canal de Suez et détroit du Bosphore) qui relient trois continents et deux océans, à un coût de transport maritime réduit.Bien que la pollution marine accidentelle soit considérée comme un problème mondial, le risque d'un accident majeur doit ainsi être envisagé dans une perspective régionale, sachant que le risque peut être plus grand pour certaines zones plutôt que d'autres et que certains pays ont plus de moyens d'intervention que d'autres. Afin de limiter ces risques, des programmes de coopération entre Etats ont été mis en place, avec pour objectif de veiller à la sécurité des côtes et d'intervenir en cas d'accident. C'est dans cet esprit qu'a été initié récemment par le gouvernement algérien le projet de création d'une entreprise internationale de lutte contre la pollution marine par les hydrocarbures en Méditerranée et en côte atlantique africaine. Cette institution commence à devenir une réalité, avec l'adhésion des plus grandes compagnies pétrolières mondiales comme Sonatrach, Total, Eni, Cepsa, Statoil, Anadarko et bien d'autres, qui ont déjà souscrit à l'idée de participer à la mise en place de cette société. Par la position géostratégique de l'Algérie et la dimension internationale de la compagnie Sonatrach, il était donc tout à fait logique que le gouvernement algérien prenne l'initiative de cette entreprise stratégique, qui sera certainement appelée à avoir des unités d'intervention opérationnelle localisées aux points fragiles comme Suez, Gibraltar, le Bosphore et le golfe de Guinée, ainsi que les installations portuaires. Ce projet, dont l'urgence n'est plus à démontrer, devrait alors permettre aux pays du bassin méditerranéen de disposer non seulement d'un outil efficace et rapide de lutte coordonnée contre les catastrophes maritimes majeures, mais aussi de mettre en cohérence les réglementations régissant la navigation des tankers, ainsi que de renforcer la surveillance et les sanctions des navires qui, en totale clandestinité, procéderaient à des délestages (rejets de l'eau de mer remplissant les ballasts des bateaux pour faciliter leur navigation à vide, puis qui sont vidés en mer, souillées par du pétrole résiduel, au lieu d'être vidangés dans des stations prévues à cet effet) et à des dégazages (rejets des huiles et des lubrifiants issus des moteurs et autres machineries des bateaux). Les risques de la pollution pétrolière en Méditerranée : Le transport de pétrole dans le bassin méditerranéen pose d'importants problèmes environnementaux et les risques d'un grave déversement de pétrole sont réels, même si les accidents ont tendance à diminuer (81 entre 1991 et 1995 contre 99 entre 1981 et 1990). Si nous considérons la liste des accidents de bateaux ayant occasionné des déversements de pétrole depuis 1970 (établie en 2003 par l'International Tanker Owners Pollution Federation) nous constatons que depuis 1992 il n'y a plus d'accidents pétroliers de plus de 5000 t en mer Méditerranée. Le dernier en date remonte à 1991 et a eu lieu sur les côtes italiennes, avec un déversement de 140 000 t, soit le plus grave accident pétrolier en Méditerranée, après celui de 1980 au large de la Grèce (100 000 t). Mais si 298 000 t ont été déversées entre 1970 et 1989 suite à 14 accidents, il aura suffi de 3 accidents pour déverser près de 158 000 t entre 1990 et 1992. Selon l'Agence internationale de l'énergie, en 2004, la demande pétrolière mondiale était d'environ 82 millions de barils par jour (mbj). Si la consommation pétrolière connaît une évolution stable en Europe, et la demande augmente à un rythme dynamique en Amérique du Nord qui absorbe 30% de la demande mondiale, c'est la Chine qui est aujourd'hui le moteur principal de la croissance de la demande (+ 26% en 3 ans) et qui est devenue le second plus gros consommateur, après les Etats-Unis. Cette configuration a fait qu'en 2000, le flux annuel de pétrole et de produits pétroliers avait atteint environ 360 millions de tonnes (voir ci-dessous la carte des transits pétroliers en Méditerranée). Cependant, il faut relever que même si l'activité maritime en Méditerranée reste à un niveau modeste par rapport aux façades littorales de la mer du Nord, du Nord-Est atlantique américain et du Japon, le trafic qu'elle connaît demeure considérable, dans la mesure où cette mer ne représente que 1% de la surface des mers du globe, mais qu'elle concentre 17% du trafic maritime mondial, alors qu'elle est caractérisée par un manque de marées et une absence de courants forts. La cause principale de sa fragilité tient donc à sa géomorphologie et à son hydrologie particulière qui font que le cycle de renouvellement de ses eaux est très lent (80 ans, selon les spécialistes) et ce faible débit d'évacuation et sa surface réduite (à peine 2,5 millions de km2) la rendent plus vulnérable et l'exposent à une pollution plus grave et dont les effets sont plus difficiles à éliminer. C'est pour réduire les risques d'accidents que des réseaux de pipelines ont été mis en place, comme l'oléoduc SUMED qui relie la mer Rouge à la Méditerranée et qui vise à faciliter le passage à vide des supertankers (qui rechargeront leur cargaison à la sortie du canal) et à diminuer les risques sur le canal de Suez. Les transits par la Méditerranée seront également allégés par les pipelines dont la construction est envisagée par la Russie à travers l'Europe orientale, réduisant ainsi le transit par le Bosphore et le détroit des Dardanelles. Depuis 2002 déjà, le pipeline russe « Baltic Pipeline System » (BPS) transporte du pétrole brut depuis la Russie jusqu'au port de Primorsk, dans la partie russe du golfe de Finlande. Un autre projet de pipeline est également à l'étude et sera probablement destiné à alimenter les USA, car de ce port les bateaux ne mettront que dix jours pour rejoindre les Etats-Unis, donc beaucoup moins de temps que ne met le pétrole qui provient du Moyen-Orient. Avec ces deux nouveaux pipelines, la Méditerranée pourra ainsi être « soulagée » d'un trafic de près de 3 millions de barils/j, ce qui représente presque la somme des exportations des trois pays exportateurs de pétrole de l'Afrique du Nord, à savoir l'Algérie, la Libye et l'Egypte. Importance de la lutte contre la pollution pétrolière en Méditerranée : La Méditerranée joue un considérable rôle économique, dans la mesure où elle génère un chiffre d'affaires d'un montant approximatif de 100 milliards de dollars (2001) pour le secteur du tourisme et une pêche de près de 1,5 million de tonnes (2004) pour l'ensemble des pays riverains. La pollution maritime, par rejets de pétrole, n'est donc pas sans conséquences et peut même mettre en péril l'économie de certains de ces pays pour lesquels le tourisme représente une part importante de leurs recettes en devises et la pêche représente également une importante source de revenus. Compte tenu de ce rôle socioéconomique, la mer Méditerranée est la troisième mer (après la mer du Nord et la mer Baltique) où un accord régional de coopération pour combattre la pollution en cas d'urgence a été adopté sous l'égide du Programme environnemental des Nations unies (UNEP). La logique de tels accords est que, lorsque les efforts nationaux sont insuffisants pour traiter un problème majeur de pollution, le regroupement des moyens et de l'expertise demeure la solution la plus efficace et la plus économique pour affronter une pollution. Toutefois, bien que beaucoup de moyens aient été mis en œuvre pour développer les capacités collectives (en aidant les pays à construire de solides bases nationales institutionnelles, soutenues par un équipement et une capacité de déploiement approprié de ressources humaines), il est aisé de constater que si la situation des pays du Nord de la Méditerranée semble maîtrisée pour traiter ce type de risques de pollution, la capacité des pays de la rive Sud nécessite encore plus de soutien et de coopération, d'autant plus que si pour les pays développés, il demeure difficile de traquer la pollution provenant des navires auteurs d'opérations illégales de déchargement en mer d'huiles et de lubrifiants des machines (dégazages) et d'eau chargée des restes de pétrole de réservoirs (déballastages), puis d'arrêter et de sanctionner les responsables. Ceci reste encore du domaine de l'impossible pour les pays du Sud, ce qui rend donc la coopération entre les pays des deux rives impérative et urgente.
Conclusion :
Sur la base de l'analyse de l'évolution actuelle des marchés du pétrole (délocalisations industrielles vers l'Asie, induisant ainsi une hausse de la consommation chinoise) et des efforts nationaux en matière d'économie de la consommation dans le secteur des transports (secteur gros consommateurs de produits pétroliers), il est fort probable que les flux pétroliers en Méditerranée diminueront progressivement en intensité, si ceci est conjugué avec un renforcement de la surveillance des mouvements maritimes, une sévérité des normes de construction des tankers et une généralisation des stations de déballastage dans les ports pétroliers. Cette stratégie globale et intégrée diminuerait progressivement les risques d'accidents et les rejets volontaires. D'ores et déjà, deux modifications structurelles se dessinent : d'une part, les moyens de transports, qui sont responsables de l'essentiel de la croissance de la consommation de produits pétroliers sont en pleine mutation vers les moteurs hybrides (gaz et méthanol), d'autre part, les risques de pollution se déplacent vers des océans à plus grande dimension (selon British Petroleum, l'augmentation de la consommation de pétrole révèle que les pays asiatiques sont ceux dont la consommation de pétrole a progressé le plus rapidement entre 1965 et 2003, et que la Chine a multiplié par il a multiplié par 11 sa consommation de pétrole en 38 ans), la géostratégie de consommation de pétrole se modifiera sensiblement dans les prochaines décennies, car si l'on se base sur les tendances, la Chine pourrait devenir le plus grand importateur mondial de pétrole et de produits pétroliers, ce qui provoquera un changement dans les approvisionnements mondiaux et donc sur les flux de circulation de pétrole, ce qui permettra une réduction des transits pétroliers en Méditerranée et une diminution progressive des risques d'accidents. Toutefois, ceci entraînera une augmentation du trafic des autres navires marchands, notamment de porte-containers, avec comme revers une hausse des risques de dégazages volontaires. Il apparaît toutefois que si les risques d'accidents diminuent, grâce au doublage des coques des tankers, au guidage par satellite et à l'abandon progressif des équipages à faible coût et à compétence insuffisante (que permettait le recours aux pavillons de complaisance), l'effort devrait être mis sur les ports pétroliers, qui devraient être tous équipés de stations de déballastages rapides et de capacités suffisantes, avec comme règle stricte : pas de chargement sans déballastage au port. En attendant, 350 pétroliers naviguent chaque jour en Méditerranée et parmi lesquels plus de 200 rejettent quotidiennement leurs déchets de pétrole en mer, alors qu'à peine quelques dizaines de déballastages sont déclarés et effectués dans les ports. A noter que certains ports vont jusqu'à refuser cette opération et que certains armateurs préfèrent que leurs bateaux vident leurs ballasts en mer afin de réduire les taxes portuaires à payer.


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