Aucune loi de finances complémentaire n'est autant justifiée que celle de 2015. En effet, la loi de finances régulière était finalisée lorsque nous subissions le premier grave contre-choc pétrolier depuis 1986. Les éléments décisionnels contenus étaient forcément dépassés ; il fallait des ajustements structurels profonds pour adapter l'économie aux nouvelles données. Le temps ne permettait pas de tout insérer dans la loi de finance 2015 avant l'échéance prévue. Ainsi, tout le monde s'attendait à une complémentaire qui clarifierait un certain nombre de choix. Nous avons déjà quelques éléments qui devraient faire l'objet de propositions au débat. Certains journalistes ont pu communiquer un certain nombre de décisions qui y figurent. Les lois de finance complémentaires existent dans de nombreux pays développés et émergents. On y a recours lorsque des évènements imprévisibles ont eu lieu et qu'il y a nécessité de faire des ajustements au niveau du budget de l'état. C'est le cas pour notre pays en 2015. Cependant, une première observation s'impose avant de commenter quelques détails. Le facteur clé de succès numéro un des entreprises et des pays demeure la gestion de l'intelligence humaine. Plus on fait participer les ressources humaines d'un pays ou d'une entreprise au processus décisionnel plus les choix seront judicieux et cohérents. Ce qui implique qu'en amont nous aurions dû avoir des débats entre les partenaires sociaux, les pouvoirs publics, les experts, les ONG et le reste afin de disposer d'un cadre cohérent et de propositions plus fines et plus adaptées à la réalité. L'APN essaye de compenser quelque peu ce manque mais le degré de concertations autour des lois de finance régulières ou complémentaires demeure nettement insuffisant. L'aspect stratégique et l'aspect quotidien Lors de chaque publication des lois de finance nous assistons toujours au même rituel : un déluge de commentaires sur les détails. Certes, il est important d'analyser les changements des différents taux d'imposition. Ils nous envoient des messages sur les priorités des pouvoirs publics. Ils nous renseignent sur les préférences des décideurs. Ils peuvent constituer des avantages dont il faut tirer profit. Par exemple, la loi complémentaire 2015 envisage de porter les taux de la TAP à 1% et l'IBS pour les entreprises de production de biens à 19% et les services à 27%. C'est une indication forte pour privilégier la substitution à l'importation. Cependant, on aurait pu nettement mieux faire (voir ci bas). Mais ceci pose le problème de la continuité et de la cohérence des politiques économiques. Lors de la loi de finance 2015 on avait réduit les taux pour les entreprises d'importation et accru ceux des entreprises de production. On avait auparavant évoqué la raison de la simplification du système en fusionnant les taux. Est-ce à dire que nous avons maintenant commis une grave incohérence en éclatant ces deux taux ? Beaucoup d'indications tentent de montrer le peu de rigueur avec laquelle les lois de finance sont conçues. Mais le point le plus important doit être relevé : à savoir une loi de finance doit s'inscrire dans une vision, une stratégie, une cohérence d'ensemble des politiques économiques. C'est surtout en ce sens qu'elle doit être jugée. On ne peut rester éternellement figé sur des détails. Nos analystes doivent réviser profondément leur manière de lire les lois de finances. Comme précédemment souligné, les changements de taux sont importants, mais beaucoup plus encore l'est la question suivante : cette loi de finance régulière ou complémentaire vise à réaliser quelle vision ou quelle stratégie ? Nous avons là une question de fond. Si tous les analystes se posait cette question ; cela obligerait un tant soit peu nos dirigeants à essayer d'insérer les décisions dans un schéma qui est pour le moment quasi inexistant. Et le reste est aussi important l y a plein de choses à discuter dans le contexte de la loi de finance complémentaire. Il y a des choses intelligentes et raisonnables dans les nouvelles dispositions et d'autres beaucoup moins. Il y a un essai compréhensible d'améliorer les recettes sans trop alourdir la fiscalité. La décision de généraliser les taxes sur les habitations à toutes les wilaya est un choix qui consacre une plus grande justice fiscale. Cette disposition existe pratiquement dans la plupart des pays développés et émergents. Elle contribue à faire participer les citoyens mieux lotis à l'effort de distribution de richesses. Par ailleurs, pour eu première fois, on met des en place des mécanismes pour essayer d'absorber l'économie informelle. Les dispositions sont encore trop approximatives et peuvent ne pas produire les résultats escomptés. Mais au moins nous avons un processus qui démarre. Il va falloir certainement le réviser et le moderniser. Cependant, le système de subventions est à revoir de fonds en comble. Il nous faut moderniser notre système d'information de sorte à mieux identifier les situations spécifiques de chaque citoyen. Ceci nous permettra de de mieux cibler les couches les plus vulnérables pour orienter vers eux les ressources nécessaires. On économisera des dizaines de milliards de dinars. En ce sens, la décision d'octroyer un quota de produits aux automobilistes à un prix et passer à un prix supérieur par la suite –ce qui apparemment semble facile- serait en réalité extrêmement complexe à mettre en place. Elle nécessite une technologie et un savoir-faire que NAFTAL ne possède pas maintenant. Car il faut moderniser son système d'information, de contrôle de gestion et de technologie de distribution. Les « administratifs » qui l'on proposé n'ont peut-être pas envisagé les énormes difficultés à surmonter pour le mettre en place. Il ne serait pas étonnant que le système soit abandonné. Mieux vaut aller vers une modernisation d'un système d'information national pour arriver à une maitrise des sources de revenus des citoyens. Beaucoup reste à dire sur cette loi. Mais il aurait fallu développer une stratégie d'expansion de l'assiette fiscale surtout par la création d'entreprises. Nous avons besoin d'en créer plus d'un million cinq cent mille en plus d'accompagner les firmes qui constituent les fleurons de notre pays. Il faut des mesures réelles et symboliques dans ces deux directions pour assurer l'avenir de notre pays. On peut dire pour cette loi de finance des « améliorations ont été consentis mais peut beaucoup mieux faire ». PH.D en sciences de gestion