Avouons quand même que les mois de ramadhan se suivent et ne se ressemblent pas. Demandez aux anciens ce qu'ils pensent du temps présent. Surtout quand il s'agit de célébrer un événement ou vivre le mois sacré de ramadhan. Ammi Messaoud, lui, en sait quelque chose. «Notre temps est bien différent du vôtre, reconnait-il avant d'avancer quoi que ce soit. Dans ma jeunesse, les senteurs du mois de ramadhan ont ce quelque chose de particulier qu'on ne retrouve plus aujourd'hui. Quand on traverse les venelles de la ville, le soir avant l'heure du f'tour, des odeurs aussi agréables les unes que les autres éveillent vos papilles et vous mettent l'eau à la bouche. De cette maison se dégagent de bons parfums s'échappant des marmites des grands-mères; des odeurs chargées d'épices, ou fleurant bon la coriandre, le persil et la menthe, parfois encore, les narines sont accrochées par les saveurs d'un plat qui mijote lentement sur un réchaud fonctionnant au charbon de bois. De cette autre maison montent une alchimie de parfums et d'effluves capiteux, prompts à éveiller l'appétit des plus réfractaires.» Comme pour prendre le relais, le vieux Mansour dresse un parallèle entre le temps qui fut le sien et celui-ci. «Pour moi les temps que voici sont loin de ressembler à ceux que nous avons vécus. Aujourd'hui, quand on passe le soir devant les maisons, aucune odeur, aucun parfum ne se dégage des alentours. On dirait que les produits actuels sont dépourvus des arômes d'antan. Et c'est vrai, dans les marchés, les fruits ne dégagent plus leurs parfums. Ils n'embaument plus les espaces que hantent la clientèle. Tout ce que nous consommons aujourd'hui est insipide, sans saveur, sans odeur. Les produits chimiques utilisés dans l'agriculture ont fini par tout altérer.» Les deux vieux ne cesseront jamais de faire l'apologie du temps qui fut le leur, considérant que l'actuel est artificiel et sans charme.