Parmi les mets rejetés de la meïda du Ramadhan se retrouvent les pâtes, sous le faux prétexte qu'elles sont lourdes à digérer. Idée reçue nous disent les spécialistes. Bien préparées, les pâtes seraient un aliment idéal pour tenir une longue journée de jeûne. Les marathoniens ne s'y trompent pas… Ils s'en gavent la veille des compétitions. TAGLIATELLES FRAÎCHES AUX ŒUFS * INGREDIENTS 400 g de semoule fine de blé dur l 4 œufs frais 4 pincées de sel l 1 cuillerée à soupe d'huile d'olive. Préparation l Sur un plan de travail, tamisez la semoule et formez une fontaine. Cassez les œufs, puis battez-les délicatement à la fourchette. Ajoutez le sel, l'huile d'olive et mélangez le tout progressivement à la farine. Lorsque la farine et les œufs sont complètement amalgamés, pétrissez avec la paume de la main pour obtenir une pâte bien lisse. Battez plusieurs fois la pâte sur le plan de travail, écrasez-la de nouveau de la paume de la main, puis formez une boule. Couvrez et laissez reposer 30 minutes. Farinez le plan de travail et le rouleau à pâtisserie. Abaissez la pâte pour obtenir un rectangle de 1mm d'épaisseur. Farinez légèrement l'abaisse (moins vous rajouterez de farine pendant ces opérations, plus les pâtes seront délicates), et roulez-la sur elle-même sans la presser. Avec un couteau bien aiguisé, coupez des lanières de 7 mm de large puis déroulez-les avec soin sur un torchon propre. Gardez les pâtes au frais, couvertes de film alimentaire, avant de les cuire, afin qu'elles ne se dessèchent pas. Cuisson 7 à 8 minutes. * Simplement au beurre, à l'huile d'olives avec une sauce tomates, les pâtes sont délicieuses, digestes et énergétiques. Momo [email protected] LECTURE À la table de Yasmina On raconte que, voilà très longtemps, il y a avait dans la grande et très heureuse ville de Palerme, qu'Allah la conserve toujours prospère et riante, une auberge renommée pour les mets qu'on y cuisinait car ils étaient délicieux jusqu'au prodige : quiconque les mangeait, contaminé par leur bonté, se découvrait une âme bonne et généreuse... Yasmina marqua une pause car Roger était manifestement distrait par l'arrivée d'un premier plateau où les mets étaient disposés dans des assiettes de céramique décorées d'esquisses d'animaux, formes se dégageant à peine de l'abstraction des arabesques et pleines encore de leur énergique beauté. Se détachant nettement sur ce sobre décor, des tranches de potiron caramélisés aux fragrances vinaigrées, des sardines enroulées autour d'une farce croustillante et parfumée, des petits rougets fleurant l'orange et le laurier, et un lapin découpé mais reconstitué, dans la nudité de ses chairs nimbée d'une sauce amarante, tout cela composait un tableau riche de couleurs contrastées et d'odeurs enivrantes. Tandis que les papilles du Comte s'épanouissaient sous la caresse aigre-douce du potiron, Yasmina reprit : - Hassan le propriétaire de l'auberge, était un riche marchand comblé des bienfaits de la fortune, qui lui avait agrandi un domaine sur lequel poussaient toutes les richesses que Dieu offre aux hommes. [...] Il y avait aussi de grandes réserves de cette pâte sèche, pasta asciutta qu'on fabrique depuis deux cents ans près de Trabia avec de l'eau et de la farine et qu'on fait cuire dans l'eau bouillante avant de la consommer : les pâtes, en effet, sont un de ces mets que nous autres Arabes, nous nous flattons d'avoir apporté en terre italienne. Mais le secret du succès de la maison de Hassan se dissimulait dans ses cuisines, dans ces pièces auxquelles on accédait par une cour intérieure remplie du gargouillis des fontaines. De derrière les fenêtres voilées parvenait un brouhaha étouffé de voix et de rires féminins. [...] Déjà, dans son enfance, Dinah, fillette à l'œil vert comme la pistache, au caractère doux comme l'amande, toujours prête à sourire, les mains voltigeant comme le papillon, aimait passer de longues heures à observer ce qui se passait dans et autour des énormes marmites qui, nuit et jour, mijotaient dans les cuisines de Hassan, elle fourrait son nez aux narines frémissantes dans les réserves et les coffres, et plongeait les mains dans les grands sacs pour faire courir entre ses petits doigts des ruisselets de farine ou de grains, assaillait les femmes et les frères aînés de questions. Devenue grande, Dinah mit en pratique tout ce qu'elle avait appris quotidiennement de ses grands-mères, mère, frères, tantes et cousines, avec des résultats surprenants. Car elle qui connaissait toutes les recettes, les règles et les traditions, ne cessait de les parfaire en les transgressant : son habileté à rapprocher des saveurs qui jusqu'alors ne s'étaient jamais mélangées, son talent pour ajouter une épice dans un plat qui l'attendait depuis mille ans, à glisser un zeste d'orange là où sa saveur s'épanouirait de manière inattendue, à laisser tomber une pépite d'ail dans un ragoût dont on se régalait jusque-là sans s'avouer qu'on le trouvait quand même un peu fade, sa hardiesse à mêler le salé et le sucré, l'aigre et le doux, la terre et la mer, rendaient ses petits plats dignes du paradis d'Allah. Dinah avait à peine commencé à mettre la main à la pâte que la rumeur de son art s'était répandue dans la ville et en avait franchi les confins avec les récits des marins et des voyageurs qui, durant les longues nuits passées sous les étoiles, au bivouac ou sur le pont des navires, rappelaient avec nostalgie ces délicieux moments de bonheur gourmand. Maruzza Loria, Serge Quadruppani, À la table de Yasmina.