Trois centres commerciaux et de loisirs ont vu le jour en l'espace de cinq ans à Alger, plus précisément entre Bab Ezzouar et El Mohammadia. City Center est le dernier en date à avoir ouvert officiellement ses portes au début du mois de Ramadhan. Trois centres commerciaux et de loisirs ont vu le jour en l'espace de cinq ans à Alger, plus précisément entre Bab Ezzouar et El Mohammedia. City Center est le dernier en date à avoir ouvert officiellement ses portes au début du mois de Ramadhan. Il est venu renforcer le réseau des hypermarchés dans la capitale puisqu'il abrite l'enseigne française Carrefour sur un espace de 4000 m2. Carrefour, qui marque son retour sur le marché algérien après l'avoir quitté en 2009 suite à une petite expérience avec le groupe Arcofina, est le fruit d'un partenariat entre Asicom, une société d'investissement avec des capitaux algériens et saoudiens, et Ulysse Hyper Distribution. La gestion de cette grande surface commerciale est attribuée à Hyper Distribution Algérie (HDA). Carrefour Algérie, qui a choisi de s'implanter sur le même axe qu'UNO de la filiale Numidis de Cevital et Ardis, du groupe Arcofina, ouvre timidement la porte à la concurrence dans la grande distribution en Algérie. Les citoyens forts nombreux à venir du Centre (particulièrement d'Alger, Blida, Tizi Ouzou, Boumerdès et de Tipasa) découvrir ce nouvel espace commercial ne s'empêchent pas d'ailleurs de faire des comparaisons entre les trois hypermarchés concernant les prix appliqués, les produits proposés et l'accueil réservé aux clients. A chacun son commentaire et son appréciation. Certains sont satisfaits, et d'autres regrettent certains manquements. De plus en plus exigeants, les consommateurs font attention à de nombreux détails. Rien ne semble leur échapper. «Les prix ne sont pas attractifs, aucune différence avec ceux appliqués dans le petit commerce», fera remarquer un sexagénaire à un caissier en panne de monnaie. «Certains rayons ont vite été vidés. Je n'ai pas retrouvé certains produits», signalera une jeune dame qui ajoutera : «Cela est peut-être dû au rush enregistré cette semaine». Un rush qui bénéficie, comme c'est le cas dans les autres espaces de vente, aux produits importés. Car il faut noter la production nationale ne se taille pas la part du lion dans les rayons. Des produits alimentaires aux cosmétiques en passant par l'électroménager, ce sont les biens provenant d'outre-mer qui garnissent les étals. Et c'est le cas à travers toutes les grandes surfaces de types supermarchés et hypermarchés implantées à travers le territoire national. Elles sont en effet loin de répondre aux exigences de la loi régissant ce secteur. A titre illustratif, elles ne réalisent pas 60% de leur chiffre d'affaires en commercialisant des produits nationaux, mais plutôt des produits importés. Et pour cause, la production nationale ne peut pas répondre à cette demande. Ce qui fait que plus de 70% des produits proposés à la vente ont une origine étrangère selon certaines estimations, même si pour l'heure actuelle aucune étude n'a encore été menée sur ce dossier.
Rush sur les hypermarchés de la capitale Au moment où la campagne ‘‘Consommons national'' bat son plein, on nous propose des marchandises importées à des prix élevés», nous dira d'ailleurs à ce sujet un père de famille habitué à fréquenter les grandes surfaces. Autre manquement, «l'espace réservé au stationnement n'est pas grand», selon les témoignages recueillis sur place. Justement, aux alentours du City Center situé en pleine zone urbaine (entre immeubles et villas, contrairement à ce que stipule la loi, en l'occurrence le décret exécutif n°12.111 du 6 mars 2012), les jeunes qui se sont improvisés gardiens de parking se frottent les mains. Ils ont trouvé l'occasion idoine pour se faire de l'argent, particulièrement en cette période de grandes dépenses. De leur côté, les riverains ne manquent pas d'afficher leur mécontentement face au brouhaha engendré par les va-et-vient incessants des voitures. «Il faut s'attendre à des bouchons autour de la cité Zerhouni Mokhtar. Il faudrait chercher un autre chemin pour échapper aux embouteillages», nous dira un père de famille qui emprunte quotidiennement cette route pour rentrer chez lui. En somme, au même titre qu'UNO et Ardis à leurs débuts en Algérie, Carrefour ne peut pas échapper aux remarques des uns et des autres. De même qu'il est appelé à mettre le paquet pour assurer une bonne gestion et se frayer une place dans un secteur toujours à l'état embryonnaire. En effet, le retour de Carrefour rappelle aussi que la grande distribution en Algérie est encore à ses premiers pas. Sinon, comment expliquer la ruée des citoyens à chaque fois qu'un nouveau centre est ouvert. «S'il y avait un réseau étoffé de grandes surfaces à travers nos villes, les citoyens ne viendraient pas d'aussi loin pour faire leurs courses ou pour découvrir tout simplement les nouveaux espaces», observera un client de Carrefour, comme pour rappeler les obstacles au développement de la grande distribution en Algérie contrairement aux autres pays du Maghreb. Des contraintes multiples, selon les spécialistes. UGCAA : «Les grandes surfaces, une menace pour les détaillants» En tête de liste, vient le climat des affaires instable de l'avis des opérateurs économiques désirant se lancer dans ce créneau. Une problématique qui se résume à travers la persistance des lenteurs bureaucratiques et la frilosité des banques. A ces freins s'ajoute la difficulté d'accéder au foncier, comme c'est le cas pour d'autres projets d'investissement. L'indisponibilité des assiettes foncières, notamment autour des grandes agglomérations, est considérée comme le principal frein au lancement des grandes surfaces. Exemple : Cevital attend toujours pour mettre en œuvre son programme de réalisation d'une centaine d'espaces commerciaux. globalement, il y a peu d'attractivité en Algérie pour les grandes enseignes. De même qu'il y a une appréhension du côté des commerçants. L'Union nationale des commerçants et artisans algériens le dit clairement. «Les grandes surfaces qui commercialisent quotidiennement 500 à 600 fois la quantité vendue dans les épiceries de quartier sont un danger pour le petit détaillant», soulignera dans ce cadre le porte-parole de l'Union, Hadj Tahar Boulenouar. «Qu'on le veuille ou non, le consommateur algérien est attaché au commerce traditionnel et à l'épicier du quartier, notamment dans les zones rurales», précisera M. Boulenouar pour justifier son appréhension. «Tout n'est pas positif dans les grandes surfaces. Nous ne nous sommes pas contre l'arrivée des enseignes internationales, mais il faudrait les limiter aux alentours des grandes villes et mettre les balises pour encadrer leur activité», poursuivra le représentant des commerçants et artisans algériens. Pour ce dernier, avant d'encourager l'ouverture des grandes surfaces, il y a d'abord lieu de multiplier les marchés de proximité. «Comment un Etat qui n'a pas pu ouvrir des marchés de proximité facilite la tâche à la grande distribution ?», s'interroge t-il. Et d'enchaîner. «Avant, on était sous le monopole de la production. Dans quelques années, avec l'arrivée des grandes enseignes, nous serons sous le monopole de la grande distribution». Comment faire alors ? «Pousser les gérants des grandes surfaces à signer des contrats avec les fournisseurs algériens et exiger d'eux à recourir à l'importation qu'en cas d'urgence». Mais, d'emblée, cette condition semble difficile à réaliser. Réseau de distribution désorganisé Par ailleurs, pour M. Boulenouar, il ne faut pas se faire d'illusions, ces surfaces ne contribueront pas à absorber l'informel ni à encourager la consommation des produits algériens. Pour cela, l'Etat devrait, de l'avis des spécialistes, s'impliquer à tous les niveaux en renforçant la lutte contre le marché informel. Mais surtout en mettant en place une politique d'urbanisme commercial à long terme. Ce qui fait défaut en dépit des engagements tenus à cet effet, notamment à l'issue des assises nationales du commerce de juin 2011. Quatre ans après cette grande réunion, aucune suite au plan promis. Donc, le retard risque encore de perdurer dans l'organisation des réseaux de distribution, comme le montrent clairement l'absence de marché, de gros et le manque de centrales d'achat. «A ce jour, nous n'avons pas un marché de gros aux normes», regrettera M. Boulenouar citant l'exemple du marché d'Es Semmar à Alger. Un manquement qui pénalise les circuits d'approvisionnement indispensables au fonctionnement des commerces de détail et des grandes surfaces. Les consommateurs le constatent régulièrement. Des produits auxquels ils se sont habitués disparaissent des étals faute d'un circuit de distribution bien encadré. Un constat qui rappelle que beaucoup reste à faire pour assurer l'émergence d'une production nationale importante et d'un réseau de commercialisation solide susceptibles d'accompagner la grande distribution. Il y a, en somme, la nécessité de rapprocher les agriculteurs, les producteurs, les transformateurs, les intermédiaires, les grossistes et les consommateurs. Le Centre international du management de la distribution (Formadis) a déjà soulevé ces points lors d'une des rencontres organisées sur cette question. «La grande distribution algérienne peut être un moteur efficace de l'économie nationale, dans la mesure où elle offre aux producteurs locaux un marché immense, pour peu que ceux-ci se modernisent, se professionnalisent, sachent produire en série de qualité constante, en grande quantité et puissent livrer à temps», relève Formadis. Or, ce n'est pas encore le cas. En l'absence d'une infrastructure et d'un secteur logistique organisé et adapté, l'avenir de la grande distribution n'est pas encore tracé, au grand bonheur des petits détaillants et des réseaux de l'informel.» Les initiatives peuvent donc encore attendre, comme celles de Cevital qui envisage de réaliser une centaine de supermarchés et des centrales logistiques à travers le pays dans les prochaines années. Avec toutes ces lacunes, le défi d'organiser un secteur gangrené par l'informel et la spéculation semble difficile à relever. Et dire que les représentants du gouvernement ont à maintes reprises conditionné la régulation du marché et la réduction de l'inflation par le développement de la grande distribution. Le ministre du Commerce, Amara Benyounes, l'a bien dit lors l'une de ses sorties médiatiques. «C'est avec les hypermarchés et les marchés de gros que nous pouvons réguler le marché. La faiblesse de la grande distribution est une des sources de l'inflation dans notre pays». Mais entre les discours et la réalité du terrain, le fossé est énorme.