Les Etats-Unis d'Amérique vont devoir commémorer aujourd'hui le cinquième anniversaire des attentats contre les Twin Towers dans le souvenir de la tragédie. C'est tout. L'émotion va encore une fois l'emporter sur la réalité du terrain dans la mesure où l'Administration de George Bush, partie en guerre contre Ben Laden, n'a toujours pas récolté le fruit de sa croisade mondiale contre le terrorisme. Et la presse des States se fait forte de rappeler aux « faucons de la Maison-Blanche » que la moisson est plutôt maigre par rapport au serment fait aux Américains martyrisés par les terribles attentats. Pour le très sérieux Washington Post, la sentence est sans appel : « Depuis deux ans, aucun nouvel indice solide n'est parvenu aux Américains pour les aider dans la traque d'Oussama Ben Laden, le chef du réseau terroriste Al Qaîda. » Et dire que la capture de ce « fantôme » parqué quelque part dans les montagnes de Kandahar ou de Tora Bora fait office de seul programme politique de George Bush qui a bâti sa dernière campagne électorale autour du très fédérateur thème de la sécurité nationale qui lui a valu de garder le bureau ovale encore un mandat. Mais au 11 septembre 2006, force est de relever qu'à l'exception du chaos irakien provoqué par la « démocratie héliportée » de Bush, le chef d'Al Qaîda demeure incroyablement introuvable. Pis encore, Oussama Ben Laden semble vouloir narguer les Etats-Unis en faisant régulièrement des apparitions télévisuelles sur la chaîne Al Jazeera, pour dire « je suis là, vous avez échoué ». Des images qui ne vont sans doute pas faire plaisir à George Bush qui voit son ennemi public numéro un le défier en « live », alors que son pays est censé détenir la technologie de pointe lui permettant de localiser la retraite du terroriste en chef. Mais faute de pouvoir mettre la main sur Ben Laden, Bush semble vouloir exhiber un autre gibier, en la personne de Saddam Husseïn. Bien qu'il soit difficile d'établir un lien probant entre les deux personnes qui ne partagent, a priori, pas grand-chose, l'Administration américaine semble se contenter du peu. C'est là, incontestablement le plus grand échec de Bush, même si lui ne le reconnaît pas. « Les Etats-Unis sont plus sûrs depuis cinq ans après les attentats du 11 septembre », a déclaré hier sa secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Condoleezza Rice. Son trophée de guerre ? Le réseau terroriste Al Qaîda serait « sérieusement affaibli ». Les ratés d'une démarche Rice sait, bien sûr, que son propos n'est sans doute pas partagé par de larges secteurs de l'opinion américaine. C'est pourquoi elle tempère son ardeur en lâchant ceci : « Il est clair que nous sommes plus en sécurité, pas encore complètement en sécurité, mais davantage », a-t-elle déclaré hier sur la chaîne Fox. Mme Rice a estimé, également, que « nous avons sérieusement affaibli l'organisation Al Qaîda qui a planifié, préparé et commis (les attentats) du 11 septembre, en capturant leurs principaux leaders sur le terrain ». Sauf que le « cerveau » demeure encore hors de portée de la CIA et des autres forces lancées aux trousses de Ben Laden cinq ans après le va-t-en-guerre Bush. Le recentrage des objectifs militaires de l'Administration américaine autour de l'Irak, et de l'Iran notamment, et accessoirement la Syrie, lève le voile sur les limites de la stratégie de George Bush visant à mettre la nébuleuse Al Qaîda hors d'état de nuire. Le chaos organisé en Irak, un pays qui risque l'éclatement, en dit long sur les ratés d'une démarche qui, au lieu d'attirer le maximum de sympathisants à la cause de la lutte contre le terrorisme lancée par l'oncle Sam, a fini par projeter dangereusement l'image d'un pays (les Etats-Unis) « belliqueux, arrogant et plus grave encore anti-arabe et anti- musulmans ». Ce sont autant de dommages collatéraux provoqués par les « frappes chirurgicales » de Bush qu'il va certainement léguer à son successeur en guise de cadeau empoisonné. Et pour cause, son vice-président, Richard Cheney, a reconnu hier, s'agissant de l'Irak qu'il avait été trop optimiste concédant que « l'insurrection (comprendre la résistance) avait été plus longue et plus difficile qu'il ne l'avait imaginée au printemps 2005, quand il assurait qu'elle en était à ses "derniers soubresauts" ». C'est dire que si des milliers, voire des millions de personnes vont commémorer aujourd'hui dans la douleur les victimes du 11 septembre, d'autres milliers et d'autres millions auront les oreilles tendues vers l'Irak, le Liban, la Palestine et l'Afghanistan où des dizaines de femmes et d'enfants meurent quotidiennement sans que les grandes puissances ne s'émeuvent. A Baghdad, Al Qods et il y a quelques jours à Beyrouth, tous les jours on commémore des 11 septembre…