L'Etat pris en otage par l'oligarchie», «habitués de la ‘‘chkara''» et «les corrompus sont au pouvoir»… La levée de boucliers des députés du FLN contre la mesure imposant le paiement par chèque pour toutes les transactions supérieures à un million de dinars, en vigueur depuis hier, a été fortement critiquée par des acteurs politiques de l'opposition. Ce refus des députés de l'ex-parti unique de une mesure visant à mettre fin à l'économie informelle est, pour eux, un signe confirmant l'arrivée des «affairistes» au Parlement et au sommet de l'Etat. «Ceux qui ont fait fortune à l'ombre du système agiront pour maintenir le statu quo qui enrichit une poignée oligarchique et appauvrit gravement la nation», explique Ramdane Taazibt, député du Parti des travailleurs (PT). Selon lui, la mesure gouvernementale «pourrait être une décision positive». «Mais y a-t-il une volonté politique pour l'appliquer ? Cette mesure vient à un moment caractérisé par la débandade politique et la montée en puissance de la prédation, du pillage, des affairistes de tous bords, qui dictent leur loi», dénonce-t-il. Selon lui, «parler d'amnistie fiscale, c'est encourager la fraude». «Dans ce cas, ceux qui s'acquittent d'habitude de leurs obligations vis-à-vis du fisc diront pourquoi le faire. L'Etat est fragilisé et pris en otage par l'oligarchie qui dicte sa loi», ajoute-t-il. Pour le président du MSP, cette sortie des députés de l'ex-parti unique fait tomber les masques de ces petits corrompus qui sont parvenus à occuper le comité central du FLN. «Nous l'avons dit à plusieurs reprises. Il y a une nouvelle distribution de l'argent sale qui a donné naissance à de petits corrompus qui ont réussi à prendre place dans le comité central du FLN. Ce sont eux qui sont à l'origine de cette levée de boucliers contre le paiement par chèque. Le citoyen sait maintenant qui est à l'origine de la situation actuelle. Ce sont les corrompus qui sont contre le paiement par chèque. L'argent sale a pris les commandes du pays», lance-t-il. Le gouvernement résistera-t-il ? Estimant que l'obligation de paiement par chèque est une bonne initiative, Atmane Mazouz, chargé de communication du RCD, affirme que cette levée de boucliers des opposants à cette mesure qui se recrutent en partie dans le cercle présidentiel et le FLN, habitués aux transactions par la chkara, témoigne de la difficulté de sa mise en œuvre. «Mais il y a aussi la passivité des organes de contrôle et la soumission de la justice qui est plus que jamais le plus grand mal du pays», explique-t-il. Selon lui, cette mesure peut atténuer l'ampleur de la fraude et de la corruption qui gangrènent l'économie nationale «si volonté et crédibilité il y a chez le gouvernement». «Toutefois, cette mesure ne peut avoir des effets positifs dans un pays géré par un pouvoir mafieux et des institutions illégitimes squattées par une cohorte de corrompus. Comment peut-on croire à l'effectivité d'une décision dont les premiers qui la violeront seront les ministres eux-mêmes ? Les Algériens n'ont pas oublié les ‘‘chkaras'' dont ont usé des ministres de différents gouvernements dans leurs déplacements pour entretenir leurs clientèles à la veille de chaque rendez-vous électoral», indique-t-il. Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, pourra-t-il gagner cette bataille, perdue déjà par ses prédécesseurs en 2006 et 2011 ? Survivra-t-il à cette campagne ? «Je ne sais pas si le ministre des Finances savait à quoi il s'attendait quand il a décidé de mettre en œuvre cette démarche. Mais je pense qu'il est soutenu, parce que certains nouveaux ministres ont pour mission de faire bouger les lignes. Mais s'il y a problème, le premier qui va sauter c'est lui», précise Rachid Grim, politologue. Selon lui, l'Exécutif manquait, auparavant, de courage pour appliquer cette mesure. «Cette fois le courage existe. Mais est-ce que les tenants du pouvoir maintiendront cette mesure et feront face à la grogne des barons de l'informel ? Est-ce qu'ils ont les coudées franches pour pouvoir lutter contre eux ? Cela sera une guerre de tranchées. Qui va l'emporter ? On le saura plus tard», lance-t-il.