Les premier et deuxième jours de l'Aïd El Fitr, des dizaines de familles et de personnes seules se rendent, comme d'accoutumée et dés le matin, aux cimetières de la ville de Biskra pour se recueillir sur les sépultures de leurs proches parents et amis disparus. Tradition bien établie, cette pratique se perpétue à travers les âges du fait de la fidélité des vivants à leurs morts, peut-on dire. Il est 7 h en ce premier jour de l'Aïd. Comme le cimetière d'El Alia ou de celui de Laazilet, le portail d'entrée du cimetière populaire d'El Boukhari est ouvert. Une cohorte de mendiants, habitués des lieux subsistant de la charité des visiteurs, s'y est agglutinée. Il y a de vieilles femmes aux visages fripés, des vieillards, les uns estropiés, les autres malvoyants qui quémandent aussi les oboles des visiteurs. Les gens sont-ils plus généreux à l'entrée de ce lieu ? Même si l'accès au cimetière communal est libre et gratuit, rare sont en effet ceux qui ne mettent pas la main à la poche pour donner quelques dinars à ces éclopés de la vie. Les visages des visiteurs sont fermés et la tristesse perle de tous leurs êtres. D'une petite fontaine d'où s'écoule un filet d'eau, des enfants habillés de neuf remplissent des bouteilles en plastique. Le calme est de mise. Jour de fête certes mais jour de la mémoire des siens et de la douleur de les avoir perdus aussi. Chacun se dirige vers un coin de cet immense espace grêlé de tombes à pertes de vue. On vient nettoyer les tombes et les épitaphes, mettre un peu d'eau dans un récipient préalablement placé au dessus de la tète du défunt, arroser un arbre planté non loin, lire des sourates du coran et réciter des formules incantatoires pour le salut de l'âme de l'être aimé. Souvent on raconte à ce dernier le cours de la vie sans lui et le manque qu'il laisse dans le cœur des siens. On pleure, on se lamente, on rigole aussi en se rappelant les bons moments passés avec celui ou celle qui est désormais et à jamais sous terre. Jusque vers Midi, le cimetière d'El Boukhari ayant besoin d'un toilettage de fond, soit dit en passant, ne désemplit pas. On en sort avec une vision du monde et de la vie plus mesurée. C'est que l'existence prend un autre sens pour qui visite un hypogée où est enterré quelqu'un de cher.