L'ostentation est bien plus vénéneuse pour les croyants que pour quiconque d'autre, Dieu n'accepte pas l'infidélité et aucune âme salie par elle-même ne S'en approche.Une fois encore les piliers s'entrelacent ; la générosité est de mise en Ramadân et Zakât al Fitr couronne symboliquement le Jeûne. Ce n'est point le Jeûne que l'on purifie ainsi, mais le jeûneur.[9] De même, sans cesse réaffirmé dans le Coran, Prière et Zakât sont liées : « Bienheureux les croyants qui prient avec dévotion, se détournent de toute vanité, acquittent la Zakât » S23.V1-4. Tout comme le Jeûne lutte par l'abstinence contre les pulsions, purifie et élève ainsi l'âme, la Zakât s'oppose à notre attrait et appétence pour ce bas monde matériel. Ce « jihâd » purifie alors l'âme par l'abandon, le « don de soi », et participe ainsi à l'éducation spirituelle : « Prélève sur leurs biens une aumône afin de les purifier matériellement et spirituellement...» S9.V103. Le pèlerinage. La Kaaba, perle noire de beauté, est le pôle de tous les croyants : « En vérité, le premier Temple qui fut fondé pour les hommes est au val de la Mecque ; bénédiction et lumière pour l'humanité.» S3.V96.Cinquième des piliers le Pèlerinage synthétise en un unique creuset les précédents : L'Unicité : La Kaaba l'est en elle-même : qibla unique, lieu unique, point central ; la Demeure de Dieu, inaccessible en ses voiles de jais, symbolise la transcendante Unicité de l'Essence divine. Les hommes, aimantés, gravitent sur son orbite, la frôle, elle disparaît, sublime évanescente, sous le brocart...son cœur vide...Dieu n'est pas un symbole : « Lorsque nous eûmes indiqué à Abraham l'emplacement du Temple : « Nulle chose tu ne M'associeras ! ...» S22.V26. La Prière : Tout musulman prie tourné vers la Kaaba et orienté vers la Face de Dieu. Mais, au pied de Sa Demeure, il unifie tous les élans vers l'Unique en priant sur le lieu même où se tint Abraham le Patriarche de tous les croyants : « Nous fîmes alors de la Demeure un lieu de retour et de paix...prenez la Station d'Abraham comme oratoire...» S2.V125. Le Jeûne : Il est ici représenté non par l'apparence, ne manger ni boire, mais par l'astreinte véritable, celle qui combat l'âme insouciante puis rebelle : «...Pour qui s'engage au Pèlerinage, alors nulle obscénité, ni désordre, ni dispute...» S2.V197. La Zakât : Nous l'avons vu, elle purifie les biens matériels c'est-à-dire la concupiscence de l'âme. Celui qui en son Pèlerinage s'apprête à l'affronter voyagera léger, sans dette, il multipliera l'aumône et les dons. Il n'emportera que le strict minimum, c'est-à-dire l'essentiel : «...Quelques biens que vous fassiez Dieu en a connaissance. Faites donc provende car le meilleur des viatiques est la piété. » S2.V197. L'idée indiquée par la racine « hajja », « se diriger vers », est le marche vers Dieu, progression spirituelle dont le terme est la connaissance : « En vérité, Safâ et Marwa font partie des rites de la connaissance de Dieu...» [10] S2.V158. Ainsi, le développement spirituel des piliers de l'Islam et de toute pratique vertueuse est-il clairement indiqué par le Coran. Aucune raison de réfuter la mystique, aucune mystique à minimiser la pratique. La piété, l'amour et le respect révérenciel inspiré par la « présence » de Dieu, at-taqwâ, est le parcours obligé de la Voie de Dieu. Cette piété, viatique du voyage spirituel, s'acquiert donc primordialement par la pratique rituelle, chaque pratique étant liée à un aspect particulier de piété et « la Piété » étant la clef des ouvertures spirituelles : « Ô croyants, répondez sincèrement à Dieu et au Messager lorsque il vous appelle à ce qui vous vivifie. Sachez que Dieu s'interpose entre l'homme et son cœur et, qu'au final, vers Lui, vous serez rassemblés.» S8.24. « Ô croyants, si vous craignez Dieu de piété révérencielle, il vous attribuera un discernement...» S8.V29. [11] Il va s'en dire qu'en cette Voie, là plus qu'ailleurs en Islam, l'intention est prédominante. Seule une intention purifiée est purifiante et transforme un acte formel, une parole répétée, une pratique rituelle, en un mouvement réel de spiritualité.– Attester qu'il n'y a de dieu que Dieu sans avoir l'ardent désir de l'Unique brûle les lèvres et dessèche le cœur. – Prier sans désirer s'abaisser jusqu'à trouver Dieu en l'élévation n'est que gesticulation.- Jeûner sans viser le détachement pour l'amour de Dieu est inutile privation ou pur exercice d'endurance.– Verser l'aumône pour acquitter son devoir et sa dette n'est que blanchiment de conscience et noircissement de l'âme.– Voyager vers la Demeure Sacrée sans avoir comme unique objectif la face de Dieu n'est que tourisme religieux. Inversement :– Chercher l'Un sans en témoigner par la pratique dans l'Unicité de l'adoration n'est qu'illusion.– Rechercher l'élévation spirituelle sans la Prière n'est qu'ascension horizontale.– Aspirer à la proximité sans jeûner est charrier à contre-courant sa propre âme avariée.– Espérer de la générosité de Dieu sans s'être dépouillé n'est que corruption.– Désirer l'union sans avoir longuement marché vers le lieu des noces, est espérance infatuée. Au final, les cinq pratiques principales de l'Islam, c'est-à-dire du musulman, sont telles les cinq doigts de la main, celle saisissant l'anse solide, l'indéfectible lien [12] : «...Qui espère rencontrer son Seigneur, alors œuvre vertueusement et n'associe rien à l'adoration de son Seigneur.» S18.V110. Si Dieu a mis tant de soin à nous imposer un minimum obligatoire de pratique c'est qu'Il a voulu que tous les croyants puissent accéder à une spiritualité. Intrinsèquement, il n'y a pas d'amande sans coque ni de pulpe sans fruit. Toute pratique sans spiritualité n'est que coquille vide, toute spiritualité sans pratique n'est que prétention, amande amère : « Ô croyants, craignez Dieu de piété révérencielle et recherchez ce qui à Lui rejoint, luttez en Sa Voie...Connaîtrez-vous la félicité ! » S5.V35. Qu'il me soit donné l'occasion de souhaiter, à toutes et à tous, un Ramadân de lumière. [1] Hadîth qudsî rapporté par Al Bukhârî et Ibn Hibbân. [2] Il a toujours été convenu des nombreuses difficultés structurelles et théologiques de ce verset. Notre traduction, que nous ne pourrons ici justifier en intégralité, est cependant, comme d'usage, littérale. Les termes [témoignent que], grammaticalement justifiables, sont nécessairement sous-entendus dans le texte, étant compris que la Réalité évoquée en ce verset relève de « l'Imperceptible ». [3] Cette belle parole est régulièrement citée comme un hadîth du Prophète, ce n'en est pas un. [4] « Pour vivifier Ma présence » mis pour « li dhikrî ». Dhikr signifie communément « pour mon souvenir, ma mention ». Mais, le terme « dhikr » connote aussi les notions d'évocation, de répétition, de force, d'insistance, de réminiscence, de fécondation. En fonction de quoi, en ce verset, dans le contexte de la prière et au vu de ses mécanismes, il nous semble légitime de traduire le sens de « wa aqimi-s–salâti li dhikrî » par : « accomplis la prière pour vivifier Ma présence ». [5] Le verbe « talâ » signifie tout à la fois, réciter, lire, et suivre, d'où notre « lis et mets en pratique » conformément à l'éthique pratique du Coran. En ce verset, « dhikru-llâh », le « dhikr de Dieu », sa réminiscence, n'est pas une troisième action ajoutée à la suite de la prière mais une expression synonyme de « lire le Livre et prier » ; actions qualifiées de « réminiscence de Dieu », « dhikru-llâh», et de « plus grande chose qui soit ». [6]S2.V185. [7] « Nuit du Destin » ; d'aucuns aiment à prétendre qu'il nous faudrait traduire l'expression « laylatu-l-qadr » par « nuit du décret » ou « nuit de la prédestination », ce n'est pas inexact. Mais, en français, le sens premier du terme « Destin », avec une majuscule, indique précisément ce qui détermine le cours des évènements... [8] S97.V4-5. [9] De nombreux hadîths insistent sur le fait que Zakât al Fitr purifie le jeûne...ils sont tous inauthentiques. [10] La locution « font partie des rites de la connaissance de Dieu » traduit bien l'expression synthétique « min sha'â'iri-l-llâh ». La racine verbale « sha'ara » signifie : savoir, saisir, avoir connaissance, puis par extension les signes même de cette connaissance, la poésie, les marques distinctives, les emblèmes, les rites, ici ceux du Pèlerinage, la mort... [11] Le contexte de ces versets est double, d'une part un jihâd armé et, d'autre part, un appel à la foi intériorisée, à la spiritualité profonde, l'autre jihâd. Le terme « furqân », ici sans l'article, peut alors se comprendre tout à la fois comme signifiant victoire, issue favorable, ou, discernement, distinction, en une perspective mystique. Nous aurions donc pu traduire pour conjoindre ces deux champs par « ...Dieu vous accordera une victoire spirituelle. » Ailleurs, S48, cette double possibilité se retrouve en un contexte similaire pour le terme « fath », conquête de territoire, mais aussi ouverture spirituelle. [12] S2.V256. Dr Al Ajamî