L'attaque perpétrée le jour de l'Aïd contre une patrouille de l'ANP à Aïn Defla démontre encore une fois que la bataille contre l'hydre terroriste est loin d'être gagnée en Algérie. Au-delà du choc et des marques d'indignation exprimées de par le monde, cet acte criminel révèle au grand jour les failles de la stratégie adoptée par les forces de sécurité pour éradiquer ce mal qui a endeuillé des milliers d'Algériens. L'attentat semble avoir été préparé depuis plusieurs semaines pour avoir fait autant de victimes. Traqués constamment en Kabylie, où ils sont réfugiés depuis 15 ans, les groupes armés tentent désormais de semer la terreur et de reprendre du poil de la bête dans leurs anciens fiefs comme à Aïn Defla, où les forces de sécurité sont moins présentes sur le terrain, analyse un observateur de la situation sécuritaire. Au moment où tout le monde parle de la menace Daech, l'attaque de vendredi se veut une réponse à ceux qui ont prédit la fin d'AQMI en Algérie. Certes, les effectifs de cette organisation sont très réduits, mais leurs capacités de nuisance et de mouvement restent presque intactes. En sus des attentats à la bombe, ces éléments sont rompus à la guérilla, une technique qu'ils adoptent dans les zones isolées et quand ils observent une baisse de vigilance de la part des soldats de l'ANP, comme ce fut le cas lors de l'attaque perpétrée à Iboudraren (Tizi Ouzou) en mai 2014 qui s'est soldée par la mort de 14 militaires, ou encore celles commises ces derniers mois à Batna, faisant sept victimes, dont des patriotes et deux officiers de l'armée. Tentative de redéploiement La nouvelle stratégie des groupes armés consiste donc à frapper là où on les attend le moins. Leur objectif étant de faire le maximum de victimes pour frapper les esprits et instaurer un climat de terreur parmi les populations déjà inquiètes après les dernières menaces de Daech et ce qui se passe de l'autre côté de nos frontières. Il est vrai que la situation n'est guère comme celle des années 2000 ou 1990 où les attentats étaient quasi quotidiens, mais les embuscades de Aïn Defla ont eu plus d'écho dans les médias. La nouvelle stratégie des terroristes est dictée par les pressions exercées sur les maquis, la réduction des effectifs et le tarissement des sources de financement. S'agissant du choix de Aïn Defla, une source sécuritaire affirme que cette wilaya compte plusieurs cellules dormantes que les groupes armés tentent de réactiver pour perpétrer leur sale besogne. Cette région est connue aussi pour sa proximité de la capitale et ses maquis très denses qui se trouvent à la frontière entre les wilayas de Médéa, Chlef, Tissemsilt…, des wilayas qui étaient considérées comme zones de repli par excellence pour les éléments du GIA durant la décennie noire. Même l'accès à cette région a été facilité après l'ouverture de l'autoroute Est-Ouest, notamment à partir de Bouira. Autre donnée qui a incité les terroristes à changer leurs bases de retranchement : la pression qui s'accentue sur les maquis en Kabylie, notamment dans la wilaya de Boumerdès où ils peinent à attirer de nouvelles recrues. Il y a quelques années, la région constituait le réservoir de recrutement des organisations criminelles. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui en raison de l'étau qui s'est resserré sur les maquis et le démantèlement des réseaux de soutien. Selon nos sources, le nombre de terroristes natifs de la région et non encore abattus ne dépasserait pas une cinquantaine. Jund El Khilafah s'efface ? Durant ce mois de Ramadhan, aucun attentat n'a été signalé dans cette wilaya dont l'image a été ternie par les affres de la bête immonde. Idem pour la wilaya de Tizi Ouzou où l'activisme des groupes armés a pris la forme de banditisme avant de régresser, ces derniers mois, en raison de la forte mobilisation de la population contre les kidnappings. Les tentatives de redéploiement des groupes armés dans leurs fiefs naturels s'expliquent aussi par la pression qui s'abat sur leurs rangs en Kabylie. Le ministère de la Défense nationale a fait état de 102 terroristes abattus en Algérie durant le premier semestre de l'année en cours, dont 66 ont été neutralisés dans les wilayas du centre du pays. Des coups de boutoir qui ont contraint des groupes armés, dont certains avaient prêté allégeance à Daech en septembre 2014, à fédérer leurs rangs. D'où le conclave tenu à Boukram, qui a fini par l'élimination de 25 terroristes. Aujourd'hui, la branche de Jund El Khilafah est presque réduite à néant, estiment nos sources. Hormis le kidnapping suivi de la décapitation du touriste français Hervé Gourdel en 2014, cette organisation criminelle n'a revendiqué aucun autre attentat en Algérie. Ses éléments auraient, selon nos informations, enterré leurs différends avec AQMI après la neutralisation de leur chef, Gouri Abdelmalek, et de son successeur Bachir Kherza.