Inauguré le 26 juillet 2014 par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, le Transrhumel de la ville de Constantine, baptisé pont Salah Bey, donne déjà bien des soucis au gouvernement, au point que le dernier Conseil des ministres lui a consacré une «petite attention», en préconisant une «amélioration du projet, à la lumière des données du terrain, avec notamment la réalisation d'une galerie de drainage». La présence d'eaux souterraines sous l'ouvrage, notamment le pylône n°4 du viaduc géant, ne date pourtant pas d'hier. Des anomalies ont déjà été relevées en mars 2014, soit 5 mois avant sa réception, se traduisant par un affaissement de terrain. Les autorités ont alors fait appel aux experts d'un bureau d'études danois spécialisé en ingénierie pour déterminer les mesures susceptibles de remédier à ce problème, et ce, après que des quantités de béton ont été injectées pour consolider le pylône en question, situé sur la rive droite du Rhumel. Réalisé par le groupement brésilien Andrade Gutierrez pour un montant de 18,7 milliards de dinars, ce pont à haubans long de plus de 1100 m enjambe le lit du Rhumel, tandis que ses pylônes sont érigés dans une zone connue pour être instable, le quartier du Bardo en l'occurrence. Complètement vidé de ses occupants pour céder la place au viaduc, ce site était classé zone rouge, au même titre que d'autres quartiers de Constantine menacés par les mouvements du sol, car implanté sur un immense remblai. Plus d'une année après cette «découverte» et une année après l'ouverture du pont à la circulation, le gouvernement semble, enfin, prendre la mesure de l'urgence d'intervenir au plus vite pour stopper les effets pervers des eaux souterraines sur ce pylône. Bien entendu, cela suppose un surcoût budgétaire, bien que le montant initial ait déjà été revu à la hausse au cours de la réalisation du pont. Une habitude bien ancrée dans les mœurs du gouvernement, qui veut que l'enveloppe initiale attribuée à un projet prenne des ailes. Selon de nombreux experts, la présence des eaux souterraines, essentiellement sous le pylône du pont de Salah Bey, aurait pu être décelée dès le départ, «si les investigations géotechniques, géophysiques et gravimétriques avaient été convenablement opérées», évitant ainsi un surcoût supplémentaire, à l'heure où l'Algérie fait face à un effondrement sans précédant de ses réserves de changes. Cela dit, la menace qui pèse sur le pylône n°4 du huitième pont de Constantine rappelle sans nul doute le cas de son ancêtre, le pont de Sidi Rached, inauguré le 19 avril 1912. S'élevant à 105 mètres au-dessus de l'oued Rhumel et reposant sur 27 arches, le pont de Sidi Rached a également eu la malchance d'avoir été construit sur un… remblai. Il est ainsi perpétuellement soumis aux effets sournois des glissements de terrain, qui ont été, à maintes reprises, à l'origine de déplacements observés au niveau de la culée ouest du pont. Une situation récurrente qui contraint, à chaque fois, les autorités à entreprendre des opérations de colmatage et de confortement. Le viaduc géant connaîtra-t-il la même «santé fragile» ? Contraindra-t-il les officiels à veiller continuellement à son chevet ?