C'est à Buterere, quartier où se trouve notamment l'aéroport international, que l'«on a retrouvé les corps sans vie de deux hommes de 35 et 45 ans» non identifiés, a expliqué le porte-parole adjoint de la police, Pierre Nkurikiye. «Des signes montrent qu'ils ont été tués ailleurs et qu'on est venu les jeter dans un caniveau à Buterere. Ils portaient des marques de torture et avaient les mains ligotées derrière le dos», a-t-il ajouté. En outre, à Cibitoke, quartier contestataire du nord de Bujumbura, «mercredi dans la nuit, une grenade a été lancée contre une patrouille conjointe police/armée et a blessé un policier», a poursuivi le porte-parole. «Il y a eu un échange de tirs avec les criminels et deux morts et un blessé ont été retrouvés ce (jeudi) matin», a-t-il ajouté. Selon le site SOS Media Burundi, fondé par des journalistes burundais indépendants, citant des proches, les deux victimes de Cibitoke sont un homme et son neveu adolescent. La famille, citée par SOS Media Burundi, affirme que les deux victimes ont été arrêtées puis exécutées. Inconstitutionnel Pacifique Nininahazwe, un des meneurs de la contestation anti-3e mandat, a dénoncé l'assassinat, affirmant que l'oncle avait été «très actif» dans les manifestations qui ont agité quasi quotidiennement Bujumbura entre la fin avril et la mi-juin. La conquête par le président Nkurunziza d'un 3e mandat, jugé inconstitutionnel par ses adversaires, a plongé le Burundi dans une grave crise politique émaillée de violences. En juillet dernier, la Cour constitutionnelle a en effet validé la réélection du Président qui avait été largement plébiscité aux dernières élections sénatoriales du 24 juillet. Depuis, ce petit pays de 10 millions d'habitants situé entre le Rwanda et la Tanzanie connaît une période de trouble intense, le 2 août dernier, l'ancien chef d'état-major et souvent présenté comme étant le numéro deux du régime, le général Nshimirimana, a été victime d'une attaque contre sa voiture dans la capitale burundaise. Suite à l'assassinat de l'emblématique homme du clan présidentiel, un général de l'armée burundaise a averti sous le couvert de l'anonymat : «Ils viennent de déclarer la guerre et ils vont voir ce qu'ils vont voir.» Le jour suivant, c'est Pierre-Claver Mbonimpa, défenseur renommé des droits de l'homme au Burundi, qui a été grièvement blessé par balle à Bujumbura. Dans la capitale, la tension est palpable. Dans une interview accordée à la Radio télévision belge francophone (Rtbf), Innocent Muhozi journaliste à Radio télé renaissance, décrit une situation explosive : «Il y a déjà trois ou quatre mouvements rebelles, avec des personnalités de l'armée, qui étaient dans la tentative de coup d'Etat, dans le putsch ou d'anciens acteurs politiques majeurs. Et puis on voit qu'il y a beaucoup d'armes, pratiquement dans tous les quartiers. Des jeunes gens ont des kalashnikovs, des mitraillettes et bouclent les quartiers. Il y a manifestement aussi des grenades.». Médiation Face à la situation, l'ONG International Crisis Group (ICG) tire la sonnette d'alarme. «On constate un changement qualitatif dans la violence. On est passé des manifestations de rue à l'assassinat ciblé de personnalités de premier plan. On est entré désormais dans les prémices de la guerre», a déclaré, Thierry Vircoulon, chargé de l'Afrique centrale pour ICG. Pour International Crisis Group, la médiation doit revenir au plus vite, car elle ne joue plus son rôle. Elle doit aussi appeler à une réaction internationale, selon l'ONG. Le rôle des institutions africaines, restées jusqu'à aujourd'hui silencieuses, pourrait s'avérer déterminant dans le désamorçage de cette situation explosive. Comme a tenté de le faire le président ougandais lors des dernières élections et qui a essayé d'apaiser les différentes parties. Mais selon les observateurs, cette tentative de médiation est arrivée trop tard. Les Burundais, eux, ont en tête le spectre de la longue guerre civile qui avait fait 300 000 morts entre 1993 et 2006.