Au détour d'un virage en épingle à cheveux, la falaise s'efface comme un rideau tiré pour laisser apparaître le cap Roux sur le fond bleu de la Méditerranée. Le cap Roux, ou Cap Segleb, dernière parcelle du territoire national, prend cette couleur à l'aube et au crépuscule lorsque le soleil illumine ses grés dorés. La route est dangereusement étroite pour s'arrêter et s'imprégner du paysage. Elle s'élargit enfin car nous sommes arrivés au poste frontalier algéro-tunisien d'Om Teboul, le plus important du pays, 300 000 passages par an. Il n'y a pas la longue file de voitures que l'on pensait trouver. Du monde, il y en a, c'est certain, mais il n'y a pas ce désordre habituel dans les files. Les voitures font la chaîne les unes derrières les autres, disciplinées. Nous les dépassons sous le regard réprobateur et des passagers qui nous prennent pour des privilégiés. Au poste, c'est le chantier. Des engins s'activent à goudronner le parking qui semble plus vaste, mais le plus insolite, ce sont ces sortes de guérites en menuiserie aluminium qui ont été placées en travers de la placette à l'entrée du poste, fraîchement goudronnée aussi. Ils y en a 8 en tout alignées par 4. La première rangée est pour les contrôles de la Police de l'air et des frontières (PAF), la seconde une vingtaine de mètres plus loin est réservée au contrôle douanier. On ne descend plus de voiture pour les formalités Les voitures défilent les unes derrière les autres, pas moyen de griller la chaîne dans ce cas, le premier arrivé est le premier servi. Elles passent devant le box, c'est ainsi qu'on les appelle, de la PAF où les passagers, sans descendre du véhicule, remettent leurs passeports à l'agent qui saisit les informations sur son micro. Moins d'une minute par passeport, nous avons pu chronométrer l'opération. Le passeport cacheté, le véhicule avance et se présente devant le box de la douane où il ne remet que la carte grise. En moins d'une minute également l'agent saisit les renseignements et imprime sur place le TPD, le titre de passage en douane propre au véhicule. Un dernier passage devant les douaniers pour une éventuelle fouille et c'est fini. De l'autre côté, chez nos voisins tunisiens, c'est par contre la bousculade. La rapidité des passages au poste algérien provoque un goulot que les agents tunisiens, pas assez nombreux nous dit-on, peinent à délivrer. Au moment où nous arrivons, une coupure de courant est provoquée par un pylône tombé à terre. Le groupe de secours ne supporte pas la charge des nouveaux équipements et grille des fusibles. La file dans «l'autopassage» s'immobilise sous le soleil qui tape fort. «Il faudra une demi-heure pour réparer», rassurent les agents de Sonelgaz appelés en urgence. Les passagers sont informés et beaucoup décident de se rendre à la cafétéria ou dans l'aire de repos sous les arbres. «Ils sont encore insuffisants car sous-dimensionnés, mais ils doivent être étendus», nous indique un cadre de la DUCH en charge des travaux qui explique aussi que les autres réseaux (eaux, assainissement) sont opérationnels à 100%. Le poste d'Oum Teboul, le plus important du Maghreb Incontestablement, les choses ont bien changé au poste de Haddada s'il faillait comparer avec les années précédentes. Le chef de secteur de la PAF d'El Kala nous explique qu'il a fallu batailler pour arriver à améliorer de la sorte les conditions d'accueil. Et ce n'est pas fini, nous dit-il encore, le hall pour le public va être restauré avec toutes les commodités publiques car il y a toujours des personnes qui passent sans voiture. Le plus gros qui reste, c'est de faire en sorte que le système de «l'autopassage» s'effectue au plus vite dans l'autre sens. Les travaux sont en effet en cours en deçà du poste où une nouvelle voie réservée à cet usage est cours de bitumage. «Nous espérons avoir terminé avant la fin de l'année», nous confie encore le chef de secteur de la PAF. Le poste d'Oum Teboul, le plus important du Maghreb avec 300 000 passages par an, est ainsi le premier poste aménagé pour le passage sans descendre de véhicule, à l'aller pour l'instant, et dans les deux sens avec les vacances d'hiver. Lors de notre reportage, une commission de la Direction générale des douanes était en inspection sur les lieux, accompagnée du directeur régional d'El Tarf. Nous l'avons abordé pour connaître les raisons de cette présence. Leur mission : contrôle du dispositif spécialement mis en place pour la saison estivale. En plus des facilités apportées par «l'autopassage», c'est l'information et la transparence qui ont été placées au centre des préoccupations de l'administration douanière. La fameuse taxe de 30 dinars tunisiens En effet, un nouveau guichet trône au milieu du hall avec un agent pour répondre à toutes les questions. Selon ces responsables, les agents sont appelés à porter également un badge avec leur nom pour permettre au public de les identifier avec précision en cas de dépassement. Dans le hall de retour, les gens s'impatientent même si les formalités de retour sont plus légères qu'elles ne l'étaient à l'aller. «On attend toujours trop et le désordre devant les comptoirs facilite les passe-droits», s'insurgent des chefs de famille qui reconnaissent que ça va quand même plus vite dans le poste tunisien d'en face à cause précisément de cette fameuse taxe de 30 dinars tunisiens qui a fait couler beaucoup d'encre. Les Algériens attendent toujours sa suppression décidée en mars dernier par l'assemblée nationale tunisienne. Pire, nous raconte un algérien résidant à l'étranger, «ils m'ont appliqué la taxe de 150 DT alors que je leur ai montré ma carte d'identité algérienne.» «A mon avis, lâche un cadre de l'administration locale, ils attendront la fin de l'été pour faire le max de recettes». C'est la foule, mais pas encore celle des grands jours. Quelque 5000-6000 passages par jour. Des familles et des groupes de jeunes. Destination : les zones touristiques de Hammamet et Sousse. Avec, en vue, une détente totale d'une dizaine de jours. Budget : entre 150 000 et 250 000 DA. Les Algériens vont-ils sauver la saison estivale en Tunisie ? «Certainement, on y va pour ça. On a laissé tomber le Maroc ou l'Espagne», nous avouent des partants avec des au-revoir bien sympathiques.