Depuis le début du mois, les postes-frontières de Oum Teboul et El Aïoun sont submergés par une marée humaine comme on n'en a rarement vue à ce jour. Les guichets pour les formalités sont inaccessibles sans de solides connaissances ou en jouant des coudes pendant des heures. Dès l'aube, la foule se masse dans un indescriptible désordre autour du poste. Cris, vociférations, altercations, éclats de voix, les agents de la police des frontières (PAF) et des Douanes algériennes sont contraints de s'égosiller pour rendre les documents à leurs heureux propriétaires qui ont pu, chacun à sa manière, les faire tamponner. Les lieux, qui n'ont pas été dimensionnés pour une telle fréquentation, croulent sous la saleté. Bien entendu, il n'y a pas de toilettes dignes de ce nom. La file des véhicules commence à 3 km du poste de Kef Haddada (Oum Teboul) et, avec le civisme qui distingue les Algériens dans ces cas, elle est sur deux lignes, ce qui ne manque pas de bloquer la circulation, entravant les retours de Tunisie. Pour la seule journée de vendredi, il y a eu 7300 passages dans les deux sens entre 9h et 21h, selon le chef du poste de la PAF d'Oum Teboul. Hier, il y en avait déjà 3200 à 9h. Pourquoi ces entassements humains et ces engorgements sur la route, ces bousculades…? C'est par la faute de l'allocation touristique de 130 euros, maintenue à son montant de 1983, celui d'il y a 30 ans. C'est elle qui déplace les foules vers la frontière à la fin de chaque année. Pour en bénéficier, la banque qui la verse, lorsque ne manquent pas les «euros» et les «imprimés» comme c'est généralement le cas, offrant par la même occasion à des employés malhonnêtes d'arrondir leurs fins d'année, exige donc de produire la preuve que le bénéficiaire s'est bien rendu à l'étranger l'année précédente. Cette preuve, c'est le fameux tampon apposé par la PAF sur le passeport à l'entrée et à la sortie du territoire national. Une règle non écrite et à laquelle il est temps d'y mettre fin, puisque le gouvernement a décidé de s'engager dans une bataille contre la bureaucratie. C'est pour ce tampon et les malheureux 130 euros que des dizaines de milliers d'Algériens se pressent à la frontière. Il suffirait que les banques ne l'exigent plus pour que cette migration cesse et avec elle tous les trafics qu'elle a engendrés, et qui, certainement, sont plus préjudiciables à l'économie nationale que la hausse refusée aux Algériens au motif de rigueur financière.