« Nos vrais ennemis se trouvent en nous-mêmes. » Bossuet Les modèles de développement proposés par les économistes libéraux, à titre d'illustration, le modèle de w.w. Rostow, de Rosenstein ou encore de Hirchman, traitent les problèmes du développement pour « briser » le cercle vicieux de la misère. Rostow propose cinq étapes pour sortir du sous-développement. Cette théorie apparaît déterministe, car elle ignore que les pays actuellement sous-développés doivent faire face à des problèmes différents que ceux qui ont eu à affronter les nations aujourd'hui industrialisées au cours de leurs processus de développement. Rosenstein, de son côté, propose la théorie du Big-Puch : une théorie qui propose un rôle plus déterminant et plus prononcé de l'Etat pour stimuler et soutenir le développement industriel susceptible de briser le cercle vicieux. Or, les Etats sous-développés sont souvent dépassés et incapables d'affronter en même temps aussi bien les problèmes sociaux, économiques, sécuritaires et autres. Par ailleurs, Hirchman suggère la théorie de la croissance déséquilibrée. Une théorie qui a connu une application en Algérie à travers le modèle des industries industrialisantes. Une théorie qui n'a pas donné les résultats escomptés. Nous pensons encore une fois que l'échec ne peut provenir de la cohérence théorique, mais de l'incompatibilité entre les données sociologiques et culturelles de la société algérienne et des exigences qui en conditionnent la réussite. Des modèles pensés par des esprits qui prennent la question du développement comme objet de travail et de recherche. Oui, réfléchir le sous-développement et le vivre, ce sont deux choses différentes qui se trouvent de part et d'autre d'une barrière douanière ou d'une barrière fictive. De ce côté-ci, nous prenons ces modèles, nous essayons de les comprendre, parfois de les adopter. Par séduction, par manque d'alternative, par manque d'idée, (…), qu'en savons-nous ? Il arrive que ces modèles paraissent comme des « constructions » ingénieuses et miraculeuses. Elles paraissent comme l'unique solution, une recette. Et nous confondons ainsi mythe et réalité. Nous nous comportons comme des enfants séduits par un jouet et nous faisons la confusion entre un avion qui vole et un avion en plastic. Par ailleurs, plus ces jouets nous séduisent et plus nous en achetons dans l'espoir de se voir développer après en avoir joué avec. Cet enfant est-il condamné à rester enfant et à croire sur parole ce qu'on lui dit. Cet enfant ne doit-il pas grandir, un jour, par la nature ou par la force des choses et dire enfin : « Voilà ce que je pense ». Mais penser quoi ? Penser la réalité comme elle est vécue, penser avec son « cœur », la meilleure manière de s'en sortir. Un cœur qui ne se trompe pas à force d'avoir subit et cohabiter avec le sous-développement. Dans ce cas, le sous-développement n'est pas uniquement un objet de travail, c'est un ennemi qu'il faut absolument abattre, tout en sachant que ce n'est nullement la force individuelle, mais la force sociale qui peut le vaincre. Par ailleurs, les uns écœurés, fatigués peut-être, ou séduits par des lumières et des mirages, s'envolent dans de vrais avions vers l'autre côté de la barrière, pensant ainsi donner un sens à leur vie. Voilà que cette force sociale s'affaiblie ou alors, elle n'arrive pas à se constituer et l'enfant se contraint à rester enfant dans son esprit, tout en prenant de l'âge et du retard qui risquent de le rendre « débile » à force d'avoir perdu sa matière grise. Et pourtant, le développement est-il si difficile que cela ? Pour Furtado « l'idée du développement se réfère à un processus de transformation – adoption de formes qui ne sont pas un simple dédoublement des formes préexistantes – qui englobe l'ensemble d'une société. Cette transformation est liée à l'introduction de méthodes productives plus efficaces et se manifeste sous la forme d'un accroissement de flux de biens et services finaux à la disposition de la collectivité. Ainsi, l'idée de développement s'articule-t-elle dans une direction, au concept d'efficacité et dans une autre avec celui de richesse ». Ou encore pour Perroux, « le développement est la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rendent apte à faire croître cumulativement et durablement, un produit réel global ». Ainsi, le développement apparaît comme une transformation humaine qui tend à plus d'efficacité et produit plus de richesses. Par conséquent, est-il raisonnable de croire tout simplement que le développement est l'œuvre d'un modèle. Peut-être que nous nous oublions dans ces salons feutrés ou ces salles de conférences imposantes que le développement est une lutte quotidienne pour rester d'abord et peut-être pour aider l'autre à rester debout. Cependant, à force d'en user de ce mot, il prend la forme d'une coquille vide de sens, alors qu'il peut donner un sens à la vie et même à la politique sociale. En effet, nous pensons que c'est un mot qui interpelle la méditation, mais aussi le sens de la responsabilité, la lutte quotidienne et parfois le sacrifice. Ce raisonnement nous conduit à penser que le développement doit être une préoccupation et un projet de société qui permet de consolider le ciment social.Mais bien évidemment, ce projet doit être porté par des esprits conscients et désintéressés, qui œuvrent dans la discrétion et dans la détermination. Des esprits qui n'ont d'autres ambitions que celles de voir les enfants de ce pays évoluer sur des bases solides et dans un environnement sain. Alors, le développement n'est-il pas un état d'esprit