Par Mohammed-Seddik Lamara(*) Excédé par le tintamarre et les surréalistes embouteillages que connaît Boumerdès dès l'entame de la saison estivale quand la cité se transforme en rendez-vous de tous les excès, j'ai décidé de faire une escapade et de m'immerger, en compagnie de ma douce moitié, dans les profondeurs aurasiènnes: Bouhmama, Chélia, Yabous, El Ouldja… Des havres de paix demeurés pratiquement à l'état sauvage nous ouvrirent leurs bras pour nous offrir calme réparateur, eau de source cristalline, exquises victuailles du terroir (pommes golden, amandes vertes, lait, miel bio…). Que demander de plus avec, en prime, l'hospitalité non feinte exprimée par des Chaouis fiers et amènes au point de se sentir quelque part gêné de n'avoir rien à leur offrir en retour, sinon une sincère gratitude pour leur accueil fraternel et spontané. Ici, en effet, tout est à hauteur d'homme : humilité, don de soi et cette inénarrable dignité à demeurer soi-même. Authentiquement et en dépit de la multitude d'adversités ; loin, assez loin des excentricités hypocrites de la capitale et des grands centres urbains froids et égoïstes. Ici, les fioritures n'ont pas droit de cité. La chose qui m'a le plus frappé dans cette contrée que je n'ai pas eu l'heur de revisiter depuis la tragique disparition de ma première épouse – khenchelie d'origine –, c'est, à l'évidence, la préservation, à fleur de peau, du bon sens de ses habitants. De leur capacité d'analyse de la déplorable situation que vit, présentement, le pays. De leur pugnace espérance en des jours meilleurs. De leur quête à se faire associer dans les décisions prises en haut. Un «haut» ignorant souvent et superbement leur vécu véritable, doléances et avis perspicaces. Un bon sens qui semble, hélas, avoir divorcé avec les cimes du sérail paniqué par les dérives de l'incurie pour trouver son refuge naturel dans cette Algérie «d'en bas», là où l'attachement aux idéaux de novembre ne saurait mentir. Vertus qui tranchent, à l'envi, avec le théâtre des ombres d'un FLN qui n'est plus que l'ombre de lui-même : une imposture délétère au service des oligarchies chargées de la mission de fossoyeurs du sentiment patriotique. Loin de se gausser du piteux état auquel est parvenu ce parti, de vieux chaouis rencontrés au hasard de mes pérégrinations sur les piémonts du valeureux Chélia, n'ont pas hésité à me faire part de leur consternation «d'assister au faire-valoir infantilisé et dégradant auquel a été soumis ce symbole» pour lequel ils ont tout sacrifié pour libérer, sous sa sacrée bannière, l'Algérie des griffes du colonialisme Hammam Sokhna n'a pas besoin d'être racoleur Après une semaine d'un séjour délicieux, mais non moins empreint d'amertume, pour avoir relevé, de visu, la palpable accoutumance à la désespérance ayant fini, en si peu de temps, par gagner la jeunesse du pays profond, nous prîmes le chemin du retour. Par un autre axe que celui de l'aller (Bou Saâda, Biskra, Batna), nous avisâmes de regagner le nord par Sétif «El âli». Le crochet par Hammam Sokhna, localité située à équidistance entre Batna et Sétif, a été un véritable enchantement. Enchantement de découvrir un ancien lieu-dit que je traversais, naguère, en trombe après une courte pause pour me sustenter. Plus connu pour ses fameuses grillades, mais encore largement méconnu pour les richesses touristiques et environnementales qu'il recèle. Anciennement rattaché à la commune de Aïn Djasser, Hammam Sokhna n'a bénéficié du statut de chef-lieu de commune et de daïra qu'au milieu des années 1980. Or, elle a été depuis des temps immémoriaux une bourgade thermale aux grandes vertus thérapeutiques. Ces dernières années, elle a connu une fulgurante mutation urbanistique ayant fait d'elle un point focal de fréquentation par les curistes accourant des quatre coins du pays pour y effectuer des séjours de remise en forme. Ma modeste halte de cinq jours m'a permis d'être édifié sur les insoupçonnables potentialités touristiques de Hammam Sokhna où, chaque année, les stations et autres complexes thermaux poussent comme des champignons. Mon séjour, quelque peu onéreux pour ma modeste pension de retraite (5000 DA pour une nuitée dans un superbe chalet et 400 DA pour une heure de bain dans une cabine-bain tout aussi superbe) dans le complexe thermal de la Mutuelle générale de l'habitat et de l'urbanisme (CT/MGHU), dont les thermes ont été inaugurés récemment (janvier 2015), m'a donné le prétexte de mesurer l'ampleur du fulgurant dévolu jeté par des investisseurs de tous bords sur ce créneau éminemment porteur. Hadj Ahmed Azzem, un maire jaloux du devenir de sa ville La disponibilité à profusion de ressources hydriques thermales et hyperthermales qui sourdent dans les profondeurs de l'ensemble du territoire de la commue ont magnétisé une pléiade de fortunés de la génération spontanée attirés par une si juteuse activité. Face à cette fantastique ruée sur l'or blanc chauffé gracieusement par la nature, le P/APC de Hammam Soukhna, Hadj Ahmed Azzem, n'envisage pas de demeurer en reste. Le vieil édile qui est à son quatrième mandat (depuis la création de la commune) m'a confié être décidé à mettre, en sa qualité de premier magistrat – du reste très apprécié par les citoyens de la localité – les bouchées doubles pour imposer une démarche draconienne visant à impulser à sa circonscription un essor touristique intégré et, par la même, contourner les travers de l'improvisation susceptibles de jeter en pâture cette perle des Hauts-Plateaux arc-boutée sur une si inestimable richesse pouvant devenir la chasse gardée de prédateurs en tous genres. Lors de sa visite effectuée à la fin de la première décade du mois courant (juin 2015), dans la ville, le ministre de l'Aménagement du territoire, du Tourisme et de l'Artisanat, M. Azzem, a tenté de faire passer auprès d'Amar Ghoul un tel message. Un message qui, selon l'opinion locale très jalouse du devenir de ce don du ciel, a été peu ou prou assimilé par le représentant du gouvernement venu inspecter les travaux d'un complexe touristique public qui s'étirent en longueur. «J'aurais aimé répliquer à monsieur le ministre, si l'occasion m'avait été donnée d'intervenir au cours du point de presse organisé au CT/MGHU, pour lui dire que le développement du secteur ne se mesure pas au nombre de sommiers (lits) disponibles, mais à la volonté de l'Etat d'impulser une réelle politique pour un développement intégré et harmonieux en mesure d'imposer une alternative aux revenus de plus en plus décroissants générés par les hydrocarbures», m'a rapporté un dynamique jeune militant d'une association pour la sauvegarde de l'environnement, visiblement dépité par les propos mécaniquement triomphalistes et en marge de la réalité du terrain exprimés par le ministre. Le centre thermal de la GMHU : un pari réussi par les bâtisseurs La population de Hammam Sokhna autant que l'APC caressent d'époustouflantes ambitions pour faire de ce village modeste une grande ville d'eau. Le lancement récent des travaux d'un complexe de remise en forme, de détente et de loisirs sur une superficie de 25 hectares à la sortie est de la commune, constitue, indéniablement, l'amorce de telles ambitions qui méritent d'être énergiquement soutenues par les responsables centraux. Véritable œuvre de civilisation et de progrès, le complexe thermal de la GMHU s'avère, lui aussi dans cette louable perspective, une entité pilote et un gouvernail dans la mesure où il reflète une option obéissant aux normes internationales en matière de développement intégré des activités thermales. Ce centre qui a longtemps eu pour simple fonction l'hébergement des «bâtisseurs» dispose aujourd'hui d'une structure thermale fonctionnelle (bain, remise en forme, kinésithérapie etc.) qui a été concrétisée, ont tenu à le souligner ses responsables «grâce à la bonne volonté de l'ex-wali de Sétif, Abdelkader Zoukh qui a bousculé les barrières de la bureaucratie en accordant, en un temps record, l'autorisation à la GMHU de procéder au forage sur la nappe thermale sans lequel ce complexe aurait été voué à la déshérence.» Avant de quitter Hammam Sokhna, j'ai eu encore le privilège de deviser quelques instants avec notre fougueux militant écologiste qui est revenu à la rescousse pour déplorer les propos d'Amar Ghoul. Selon notre interlocuteur, «le ministre a péché par un excès de démagogie en donnant sa préférence aux lieux communs tout en évitant de débattre des véritables enjeux d'un essor touristique bien assumé», et d'oser en guise de conclusion cette boutade : «Personnellement, j'ai peu de confiance en cet ‘‘ogre'' ; il a fait fuir le poisson quand il était ministre de la Pêche au point que le prix de la sardine a atteint le sommet de la mercuriale ; en passant par les Travaux publics, il a fait du projet du siècle (l'autoroute Est-ouest) une piste meurtrière, du secteur des Transports un carnaval et, dans pas longtemps, du Tourisme, une foire aux cancres…» (sic). (*)Ancien journaliste de l'APS