Jamais un événement n'a fait autant de bruit et de colère comme celui organisé au palais de la Culture Mohamed Laïd Al Khalifa de la ville de Constantine, et parrainé par le département des expositions du commissariat de Constantine, capitale de la culture arabe. Inaugurée dimanche dernier par le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, la manifestation a déjà provoqué moult réactions. La principale a été celle de certains artistes plasticiens de Constantine, regroupés en collectif et qui dénoncent ouvertement leur exclusion de cette manifestation, accusant les organisateurs de ce qu'ils qualifient de «pratiques et agissements portant un profond préjudice à l'intégrité des artistes de Constantine en particulier et à cet événement en général». Dans une requête adressée aux organes de la presse, les frondeurs affirment «que la responsabilité du département des expositions n'est aucunement mise en cause sachant que le choix des exposants a été confié à des personnes censées connaître parfaitement les artistes plasticiens de Constantine, en l'occurrence le président et les membres du jury». A commencer par la manière avec laquelle a été préparée l'exposition jusqu'au vernissage, tout a été vivement décrié. «Nous avions été sommés de déposer nos œuvres à l'école des Beaux-arts, puis de remplir un formulaire dans un box au Conservatoire, sans aucune explication, ni orientation ; c'est une preuve du mépris affiché pour l'artiste et son œuvre», expliquent les rédacteurs de la requête. Des artistes mécontents déclarent qu'aucune réunion ni briefing n'ont été organisés pour leur expliquer ce qu'ils doivent faire. «Tout a été fait dans le flou total», disent-ils. Alors qu'elle devait être un événement culturel tant attendu dans la ville, la manifestation a provoqué une vaste polémique au sujet de la participation de certains artistes, considérés comme non constantinois, du moment que l'exposition portait un intitulé clair «Les peintres de Constantine» et devait être exclusivement réservée aux artistes locaux. «Comment expliquer la participation d'artistes qui ne vivent ni ne travaillent à Constantine, avec tout le respect qu'on leur doit ; mais est-il normal que des artistes de la ville, qui sont de surcroît confirmés et ayant plusieurs participations à leur actif, soient exclus d'un événement qu'ils attendaient depuis longtemps ; une occasion qu'ils ne voulaient aucunement rater, surtout à l'occasion d'une manifestation qui se déroule dans leur propre ville ; cela sonne comme une véritable insulte», dénoncent-ils. «On nous a même imposé que les œuvres soient produites entre 2012 et 2015, mais au vu de ce qui a été exposé, même ce critère n'a pas été respecté», poursuivent-ils. Le président du jury s'en défend Contacté pour avoir sa version des faits, Ammar Allalouche, président du jury et commissaire de l'exposition a estimé que le fait de parler de Constantinois et non Constantinois est une sorte de discrimination pour lui. «Je trouve que c'est très négatif de parler de telle manière. On est parti avec une idée très claire, c'est de tenir une exposition à Constantine et au profit des peintres de Constantine. Nous avons tous les dossiers qui prouvent l'appartenance des peintres non Constantinois à Constantine. Nous avons des actes de naissance, des résidences et d'autres preuves. Cela ne m'étonne pas, car il y a eu toujours ces problèmes», a-t-il expliqué. A propos de la date et du nombre des œuvres produites, Ammar Allalouche nous dira : «C'est une sorte de politique pour inciter l'artiste à produire quelque chose de nouveau, c'était fait exprès, mais on n'a pas exigé la date, il n'y a pas de critères imposés. Le seul critère est la qualité du travail ; je défie quiconque de dire le contraire. Et puis, c'était la décision de tous les membres du jury, et non pas seulement celle du président. Il n'y a pas eu d'exception ; tout simplement, nous avons jugé l'œuvre et non pas le nombre de toiles. Il y a ceux qui ont déposé 10 œuvres, mais elles n'étaient pas toutes satisfaisantes, c'est pourquoi certains ont exposé 10, d'autres 4 et ainsi de suite.» Concernant toujours le nombre de toiles exposées, notre interlocuteur a précisé qu'il était question du manque de surface, car le musée d'art moderne n'est pas encore achevé. «Nous avons paniqué un peu, car tout a été limité, l'espace, le temps et même le volume de la toile. Nous nous sommes retrouvés avec 127 toiles à exposer. Au sujet des artistes non admis, moi je ne dirais pas des exclus mais non admis, malheureusement ils ont échoué. C'est leur travail qui parle à leur place. Sur les 61 artistes qui ont déposé leurs dossier, 37 ont été retenus ; parmi les non-retenus, 5 étaient complètement hors sujet, car nous avons demandé spécifiquement des travaux de peinture et non pas de la sculpture ou autre. Ceux qui n'ont pas été retenus auront d'autres chances», a-t-il souligné. A noter que l'exposition «Les peintres de Constantine» se poursuivra jusqu'au 15 octobre au palais de la culture Al Khalifa.