Situation prérévolutionnaire, Etat contrefait ou encore avenir sombre. Les partis de l'opposition ne sont pas avares de petites phrases pour qualifier la situation actuelle du pays et, surtout, dresser une perspective pour l'Algérie. Alors que le pouvoir ne veut pas voir la crise qui commence à couvrir de ses ailes des secteurs entiers de la vie nationale, la classe politique affiche de plus en plus son inquiétude. Et les craintes de ces formations politiques ne s'expliquent pas que par la chute des prix du pétrole. Le silence ou l'absence de réaction des autorités rendent le jugement des partis politiques encore plus dur. Alors qu'elle a tenté jusque-là de se montrer alarmiste et de ne pas critiquer vertement le chef de l'Etat, Louisa Hanoune a sorti, lundi, la grosse artillerie pour exprimer sa crainte de voir le pays plonger dans le chaos. Pour la secrétaire générale du Parti des travailleurs, c'est «le gouvernement lui-même qui prépare les conditions d'une explosion révolutionnaire à travers le choix d'une politique d'austérité ravageuse pour les travailleurs et les classes populaires». Puis, contrairement à ses habitudes, elle charge le chef de l'Etat : «Seize mois après la présidentielle, le président de la République n'a pas tenu ses engagements. Son silence devant les dérives dangereuses de l'oligarchie est un signe d'approbation. Qui ne dit pas mot consent !» Et de poursuivre : «Cette dérive comporte de la violence, du terrorisme, c'est un processus de dislocation. Bouteflika peut-il permettre de poursuivre ce processus mortel pour la souveraineté nationale ?» De son côté, Abderrezak Makri, président du MSP, prévoit un avenir très peu reluisant pour notre pays. Le leader islamiste, qui a ouvert lundi l'université d'été de son parti, prévoit que la situation produira une «inflation à deux chiffres». Incertitudes grandissantes Ce qui fera qu'«une liasse de billets ne suffira plus à remplir un couffin en produits alimentaires». Il dit craindre qu'une politique d'austérité conduira à «des troubles sociaux dangereux durant lesquels le pouvoir tentera de mater l'opposition et aura recours à la brutalité». L'homme, qui prône une ligne dure contre le pouvoir en place malgré des discussions engagées avec Ahmed Ouyahia, craint même «une situation dont personne ne peut prévoir l'issue». D'habitude modéré, Abdelmadjid Menasra, président du Front du changement, évoque, lui, «un Etat contrefait». Il a mis en garde le pouvoir, lors de l'ouverture de l'université d'été de son parti à Boumerdès, contre «un Etat contrefaçon, un Etat démodé, loin des principes fondamentaux du 1er Novembre et loin de la grandeur de l'Algérie, de ses institutions, de son histoire et des sacrifices de son peuple». L'ancien Premier ministre, Sid Ahmed Ghozali, abonde dans le même sens. «Il y a quinze ans, on disait que l'Algérie va bien et elle est riche, car elle est bien gouvernée, aujourd'hui, on veut mettre dans la tête des citoyens algériens que la situation actuelle est le fait de la baisse des cours du pétrole», a-t-il indiqué lors de l'ouverture de l'université d'été de Taghyir. «Or, le problème est l'incapacité du pouvoir à créer une alternative aux hydrocarbures», dit-il. Le hic est que ces attaques ne viennent pas que de l'opposition. Même Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet de la Présidence, avait lâché, en juillet, «il faut dire la vérité aux Algériens». «Nous n'avons rien caché», a répliqué Abdelmalek Sellal, contraint de trouver des parades pour ne pas reconnaître l'existence d'une crise. Mais jusqu'à quand ?