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«L'activisme de Mezrag est un signe que la réconciliation passera sous peu à une nouvelle étape» Me Merouane Azzi. Président de la Cellule pour l'application des dispositions de la charte pour la réconciliation nationale
Propos recueillis par Mohand Aziri Quelle signification pourrait avoir, selon vous, l'activisme débordant des éléments de l'ex-FIS, l'Armée islamique du salut, dont le chef, Madani Mezrag, vient d'annoncer la création prochaine d'un parti politique ? Quid de l'article 26 de la charte pour la paix et la réconciliation nationale qui proscrit tout retour des anciens terroristes à l'activité politique ? La charte pour la paix et la réconciliation nationale dans son article 26 interdit l'exercice de l'activité politique, et sous quelque forme que ce soit, à toute personne responsable de l'instrumentalisation de la religion ayant conduit à la tragédie nationale. Cette interdiction est formulée d'une façon générale. Rappelons également l'article 4, tout aussi explicite, et concernant l'extinction de l'action publique. Toutefois, les lois et règlements en vigueur donnent au président de la République toute latitude de décider si ces personnes peuvent ou non faire de la politique. C'est l'article 47 de la charte adoptée par référendum qui dit que le Président peut, à tout moment, prendre toutes autres mesures requises pour la mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Donc, d'un point juridique, l'interdiction est formelle, même si elle demeure généraliste car elle ne distingue aucune catégorie en particulier. Maintenant, il faudrait se fixer quant à l'existence, ou non, d'une volonté politique de la part de l'Etat ou du pouvoir pour autoriser ces personnes (…). Mais je pense que quelque chose dans ce sens est en préparation. Les signes sont là et rien n'est fait au hasard. Les récentes déclarations de Louisa Hanoune appelant à revoir la charte puis cette sortie de Madani Mezrag annonçant la création d'un parti plaident dans cette direction. Même nous, au niveau de la cellule d'assistance judiciaire, nous avons clôturé notre mission. Lorsque vous dites qu'il y a quelque chose en préparation, vous pensez à l'amnistie générale ? Je ne sais pas. Moi qui suis le dossier depuis le début, en 2006, je peux vous affirmer qu'il y a quelque chose en préparation. L'AIS et son chef bénéficieraient-ils d'une autorisation délivrée en sous-main par la présidence de la République pour investir le champ politique ? Ce que je peux vous dire, c'est que s'il y a une volonté pour entamer une nouvelle étape post-charte de la réconciliation, celle-ci ne peut aller que dans le sens, entre autres, de la mainlevée sur l'exercice de l'activité politique. N'oublions pas qu'en matière de droits civiques, le président de la République avait déjà pris une mesure permettant aux bénéficiaires de la concorde civile de récupérer leurs passeports et de voyager à l'étranger. Cette mainlevée sur les droits civiques en appelle donc une autre, concernant les droits politiques. Mais pour ce faire, il faudrait prendre de nouvelles mesures. Ces nouvelles mesures, on n'en connaît pas encore la nature. Qu'elles aient pour objectif l'amnistie ou la mise en œuvre de dispositions prévues par l'article 47 ou même un nouveau cadre juridique, indépendant donc de la charte. Nous avons remis un rapport final, bilan de neuf ans d'activité, et nous nous attendons donc à de nouvelles mesures. Ce sera la nouvelle étape de la réconciliation nationale, qui exige de fait un nouveau cadre juridique. Pour résumer, pour que ces gens puissent faire de la politique, il leur faut un cadre politique clair, des solutions juridiques claires, pour qu'on puisse distinguer ceux qui ont ce droit et ceux qui en sont déchus. Existe-t-il un projet de ce type en préparation au niveau du gouvernement, du ministère de la Justice par exemple ? Non, non. Ce n'est pas au niveau du ministère de la Justice que ce dossier est pris en charge, mais à un niveau plus haut. C'est la présidence de la République qui s'en occupe. Mais je peux vous dire que l'avènement de cette nouvelle étape est une réalité. A 90%. Cela devrait intervenir dès la rentrée sociale et je pense qu'elle sera synchronisée avec la révision constitutionnelle dont la mouture traitera de la réconciliation nationale. D'un point de vue moral, quelle signification donnez-vous au retour en politique des anciens seigneurs de guerre ? Je suis un homme de loi et je ne ferai aucun commentaire à ce propos. Certes, Madani Mezrag multiplie ses activités, mais pour l'heure, on ne connaît toujours pas la position de l'Etat. Je vous rappelle que Mezrag a été reçu en tant que personnalité à la Présidence par Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet, et ce, lors des consultations politiques. Maintenant, faire des déclarations à la presse est une chose, avoir un agrément pour la constitution d'un parti politique en est une autre. Mais n'y a-t-il pas une mainlevée de fait sur l'activité politique des éléments de l'AIS notamment ? Ces derniers invoquent en effet un accord signé en 1997 avec l'appareil sécuritaire et ne s'estiment pas concernés par les dispositions de la charte pour la réconciliation nationale et son article 26... Non, non. Il faut rappeler que ce sont quelque 6500 personnes qui ont bénéficié des dispositions de la concorde civile. Il s'agit des éléments de l'AIS et ceux de la ligue de Ali Benhedjer qui, après contacts avec l'armée, ont bénéficié de la grâce présidentielle par ordonnance. Il n'y a donc pas eu d'accord ? (Long silence). Il y avait des contacts avec le général Smaïn Lamari (directeur de la Sécurité intérieure, ndlr) qui ont abouti à la reddition des éléments précités assortie de la grâce présidentielle et de l'extinction des poursuites. Accord ou pas, je ne sais pas. Madani Mezrag, dans ses déclarations, prétend qu'il y a un accord qui prévoit, entre autres, leur retour sur la scène politique. Mais à notre niveau, nous n'avons que les textes de la concorde civile, de l'ordonnance portant grâce présidentielle, etc. Maintenant, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, la voie de la réconciliation nationale a été un choix souverain et, dès lors, il ne s'agit plus de désigner X par l'étiquette de chef terroriste, mais de parler de tragédie nationale.