Le chef historique de l'AIS préfère aux candidatures libres, «un emballage politique» plus efficace. Flanqué de ses principaux collaborateurs comme Ahmed Benaïcha et Mustapha Kertali, Madani Mezrag a donné hier une conférence de presse, dont le thème central était «la participation de l'AIS aux prochaines élections législatives». D'emblée, Mezrag trace les lignes de démarcation: «Nous travaillerons dans les limites que permet le contexte politique actuel» et d'expliquer: «Nous savons qu'il existe au sein de l'administration des responsables hostiles à toute participation des islamistes aux élections et ceux-ci s'appuient sur les textes de la réconciliation nationale qu'ils ont interprétés selon leur point de vue.» Mezrag mesure la portée et les enjeux de pareille décision et semble prêt à jouer le jeu jusqu'au bout: «L'AIS (Armée islamique du Salut, branche armée du FIS dissous, Ndlr) a bénéficié de mesures spéciales de la part du président de la République lui-même, et qui gardent intacts et entiers nos droits civiques et donc politiques.» Le chef historique de l'AIS, aussitôt cet obstacle dépassé au plan de l'interprétation, précise: «Si le ministère de l'Intérieur s'oppose à certains noms ou à la candidature de certains hommes, nous sommes prêts à discuter, à assumer et à acquiescer, et s'il s'oppose à toutes les candidatures, qu'il nous le notifie et en donne les arguments, et à ce moment les choses seront claires, et chacun saura à quoi s'en tenir.» Pragmatique, Mezrag préfère aux candidatures libres un «emballage politique» plus efficace. Dans ce cas, ce sera le parti Al Wifaq de Boukhezna qui fera office de cheval de Troie. «Le président de ce parti a donné son accord pour cela et a mis le parti sous notre entière responsabilité. Evidemment, il y eut de sa part des propos inattendus et auxquels on ne s'attendait pas, mais il est revenu vers nous pour nous confirmer qu'il reste avec nous et met son parti à notre disposition.» Et si l'Intérieur s'oppose à cette démarche? «Parallèlement à nos candidatures, nous sommes en contact avec les autorités pour clarifier la situation et lever les quiproquos. Les contacts avec les cercles décideurs ne s'arrêtent pas et nous voulons que notre participation aux législatives se déroule le plus normalement possible.» L'enjeu n'étant, de toute évidence, pas de faire pièce aux grands partis, Mezrag explique que la position de l'AIS est d'être uniquement présente dans le processus démocratique actuel et le jeu électoral. «Nous travaillons à faire réussir une poignée de candidats, de marquer notre présence sur la scène politique pour les cinq prochaines années, et de mettre en exergue notre mode de fonctionnement politique.» Chef emblématique de l'AIS depuis sa création, fin 1993, Madani Mezrag a mené son organisation vers les accords avec l'armée de 1997. En guerre avec le GIA, notamment dans les maquis de l'Est (Jijel, Skikda, Collo et Constantine) et à l'Ouest (Aïn Defla et Chlef), il a déclaré, le 1er octobre 1997, une trêve unilatérale et inconditionnelle avec les autorités, et s'est mis, à partir de 2000, sous l'autorité de l'Etat, faisant bénéficier à plus de 3 000 éléments de l'AIS et du GIA une trêve avec des mesures d'extinction des poursuites judiciaires. Le 13 janvier 2002, l'AIS s'autodissout et ses éléments rentrent chez eux. Depuis lors, Madani Mezrag multiplie les démarches pour s'assurer une «vie politique ordinaire».