Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, refuse de parler d'austérité, mais plutôt d'actions de «rationalisation menées pour mieux maîtriser les dépenses» publiques, alors que des coupes claires dans le budget de l'Etat sont déjà annoncées. Son gouvernement prévoit dans le cadre de la loi de finances 2016 (en cours d'élaboration) une baisse de 9% des dépenses globales. «Le défi du gouvernement est de faire mieux avec moins de moyens tout en favorisant la production nationale», s'engage-t-il, avant d'asséner que «le chemin est dur». Son gouvernement s'est même permis de fixer l'objectif «d'une croissance de 4,6%». Abdelmalek Sellal qui a présidé, hier, une rencontre gouvernement-walis pour préparer la rentrée sociale, n'a pas exclu l'éventualité de recourir à l'endettement extérieur, «dans le cas où nous serions obligés – on n'en est pas encore là – de recourir au marché financier international pour des prêts, nous aurons toutes les chances». Son optimisme affiché cache mal les sombres réalités déclinées dans son discours. «L'étalement de la baisse des cours pétroliers aura pour conséquence la contraction des ressources du Fonds de régulation des recettes et l'accroissement de la dette publique interne. La situation est plus tendue pour les finances publiques que pour la balance des paiements», reconnaît-il. Fini le temps dispendieux de ces dernières années. Le Premier ministre estime que si la marge de manœuvre budgétaire et financière «permet d'aborder avec sérénité la situation, elle ne doit pas être avancée pour justifier le statu quo. Il ne faut ni s'alarmer ni s'endormir, mais bouger dans la bonne direction avec ambition et courage», défend-il. Le Premier ministre, qui a demandé aux walis «d'aller chercher des investisseurs et les accompagner», juge «difficile la conjoncture actuelle». «C'est une opportunité d'introspection et de prise de décisions audacieuses pour construire une nouvelle vision économique et modifier nos modes de fonctionnement et de régulation», préconise-t-il. Il s'agit, selon lui, d'«une option pour la croissance et la relance économique et non pas d'austérité». Et c'est dans ce sens qu'il appelle à une meilleure «maîtrise des dépenses de l'Etat, car si nous ne maîtrisons pas notre économie, on ne pourra pas maîtriser notre sa décision politique». Commentant la décision de «bancarisation de l'argent de l'informel», le Premier ministre récuse l'accusation de «blanchiment d'argent» et reconnaît même «le rôle positif» joué par l'argent qui circulait en dehors du circuit officiel. «L'informel a joué un rôle dans le développement économique, il faut l'attirer vers le formel, ce n'est pas du blanchiment comme le disent certains.» Mais force est de constater que durant les années fastes, les dépenses publiques n'ont pas été rationalisées ni contrôlées scrupuleusement. «Nous avons les capacités d'être un pays émergent, mais nous avons un manque de gouvernance», a regretté le Premier ministre. Appelant les walis à combattre «tous les blocages bureaucratiques» rendant problématique l'acte d'investir, M. Sellal prédit d'avance des résistances. «Toutes ces décisions pour relancer notre économie et absorber le choc pétrolier toucheront des habitudes, des vieux réflexes et des intérêts. Elles rencontreront donc des résistances plus ou moins fortes. Mais notre principal allié dans ce combat futur sera la population : si nous lui disons la vérité, lui expliquons notre démarche et si nous arrivons à gagner sa confiance», prêche le Premier ministre. Redoutant une forte réaction de la société au «tournant de la rigueur», Abdelmalek Sellal s'est employé à rassurer le front social qui bouillonne déjà. Les réductions dans le budget de l'Etat ne sont pas «pour entraver la réalisation du programme de logement ou le recrutement dans les secteurs de la formation et de la santé, qui enregistreront l'ouverture de près de 10 000 nouveaux postes budgétaires. Il ne s'agit pas de toucher aux acquis sociaux». «La solution n'est pas le libéralisme, elle n'est non plus dans le dirigisme. Nous n'avons pas d'idéologie, la solution est dans le pragmatisme», défend-il.