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Quand le rejet social ressemble à un virus mortel
48e festival national du théâtre amateur de Mostaganem
Publié dans El Watan le 31 - 08 - 2015

L'opprobre, la nouvelle pièce de Rafik Fetmouche, braque un regard cru sur la société et son rapport au sida.
Le sida demeure toujours un tabou, même si la perception de la société a évolué ces dernières années. Au théâtre, le sujet a été rarement abordé.
Le jeune metteur en scène Rafik Fetmouche s'est inspiré d'une histoire réelle, celle du suicide d'un sidéen algérien dans les années 1980, pour écrire un texte, puis construire une pièce, assisté de Mohamed et Adel Azezni. Produite par la Coopérative théâtrale Sindjab de Bordj Menaïel, Wasmat aar (L'opprobre) a été présentée samedi soir à la maison de la culture Ould Abderrahmane Kaki de Mostaganem, à la faveur du 48e Festival national du théâtre amateur.
Brahim (Islam Rebaï) est un jeune sans emploi qui vit dans un quartier populaire. Fouillant dans les poubelles à la tombée de la nuit, il se fait piquer par une seringue jetée parmi d'autres déchets médicaux. Une fois à l'hôpital, il est ignoré par le personnel médical en grève. Brandissant le slogan «Hagrouna», un infirmier tourne sans cesse, oubliant d'assurer le service minimum.
Samia (Aïcha Issad), une infirmière consciencieuse, prend en charge le cas de Brahim. Entre-temps, dans le quartier, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre : Brahim a le sida. Il est donc à bannir. Le cordonnier, le commerçant et le coiffeur se liguent contre lui.
Dans la foulée, ils s'en prennent à Samia qui habite dans le même quartier et qui prend la défense du supposé malade. Au niveau de la mairie, Brahim est également malmené.
Le jeune homme est mis dans une cage par des inconnus masqués. Le metteur en scène insiste sur l'idée du harcèlement que subissent les sidéens et les patients souffrant de maladies sexuellement transmissibles.
«Le sida en lui-même ne tue pas. Certains malades peuvent vivre jusqu'à 40 ans et plus après voir attrapé le virus. Dans notre société, des sidéens sont forcés à la mort psychologique», a regretté Rafik Fetmouche. La société est impitoyable avec ceux qui portent «la honte».
C'est l'idée du spectacle que Rafik Fetmouche, aidé par Aziz Kentour et Bazou, a enrichi par des danses et de la musique à la tonalité protest songs. Servie par une scénographie vivante collectivement conçue et par un éclairage étudié, la pièce est assez bien rythmée avec des dialogues parfois rimés.
A un moment, la pièce tombe dans le discours moralisateur. «Nous avons choisi un discours pour sensibiliser les gens au phénomène du rejet des maladies par la société. Nous avons essayé d'éviter d'aborder la sexualité dans la pièce pour ne pas heurter le public.
Je considère cette pièce comme un travail d'atelier qu'on peut améliorer au fil du temps», a soutenu le metteur en scène qui n'aime pas qu'on lie son nom à celui de son père l'homme de théâtre Omar Fetmouche sur le plan artistique et conceptuel.
Dans un autre registre théâtral, Rabie Guechi a proposé avec les comédiens amateurs de l'Association Amel pour la promotion des jeunes de Sidi Embarek de Bordj Bou Arréridj la pièce Al mizbala al fadila (La décharge idéale). Présentée dans la soirée de samedi au théâtre El Moudja, la pièce relève du théâtre expérimental construite à partir d'une composition entre le texte du dramaturge saoudien Abbes El Hayek et les poésies d'Ahmed Mattar, Rabéa Ben Ameur et Abdelaziz Jouida. Huit hommes se retrouvent dans un endroit qui peut ressembler à une décharge où ils paraissent libres et où chacun exprime ses désirs, ses rêves, ses douleurs, ses rancœurs, ses folies...
Il y a par exemple l'artiste orgueilleux, l'amoureux de la poésie, le chanteur, l'amant frustré... Ils célèbrent tous Farah, l'épouse du psychiatre Samy. «La femme est le pilier de la société», a soutenu Rabie Guechi lors du débat qui a suivi la présentation de la pièce.
Puisant dans le symbolisme et dans la technique du théâtre dans le théâtre, Rabie Guechi semble avoir pris du plaisir à monter la pièce avec des jeunes voulant apprendre les arts dramatiques. Le choix des poèmes, les répliques, les expressions scéniques, les dialogues, parfois courts et tranchants, suggèrent une forte dose de critique politique à l'égard de l'Algérie d'aujourd'hui.
Une Algérie immobile. L'interprétation presque burlesque de Don Quichotte et la reprise du poème Kalbou mawlana (Le chien de notre de maître) d'Ahmed Mattar confirment qu'Al mizbala al fadila n'est pas une simple expérience dramatique, mais exprime un engagement du metteur en scène à dire tout ce qu'il pense avec une touche de cynisme froid.
La thématique de la folie est très présente dans le théâtre algérien ces dernières années. Elle semble renvoyer à une certaine colère politique de plus en plus intense. Al Mizbala al fadela est l'un des textes les plus joués de Abbes Hayek dans les pays arabes.
Il a été monté en Irak, au Qatar, au Koweit, aux Emirats et ailleurs. En Arabie Saoudite, Abbes Hayek est à peine toléré. Le dramaturge s'est souvent plaint de marginalisation. Il est évident que la teneur contestataire de ses textes ne plaît pas aux autorités saoudiennes.


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